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Les ministres de la Justice des trois pays du Sahel — Mali, Burkina Faso et Niger — se sont réunis cette semaine à Niamey pour étudier un retrait coordonné de la Cour pénale internationale. L’objectif annoncé est de créer une juridiction régionale alternative, parfois désignée sous le nom de « Cour du Sahel pour les droits de l’homme ». Cette initiative s’inscrit dans un contexte de tensions autour des enquêtes sur des crimes internationaux et de critiques contre la CPI.
Déroulé de la réunion à Niamey
La rencontre, tenue lors d’un sommet extraordinaire, a vu les ministres évoquer les conditions d’un départ collectif de la Cour créée par le Statut de Rome. Le Premier ministre par intérim du Niger, le général Mohamed Tomba, a exprimé la volonté des trois États de « redéfinir leur appartenance au système du Statut de Rome » (voir https://www.aljazeera.net/encyclopedia/2015/1/6/%D8%B1%D9%88%D9%85%D8%A7).
Selon des sources maliennes, les textes préparatoires seraient « prêts » et un communiqué officiel pourrait être rendu public dans les jours à venir. Les discussions ont aussi porté sur l’harmonisation des codes pénaux au sein de l’alliance.
Cette réunion intervient alors que les chefs d’État de l’Alliance des États du Sahel cherchent à affirmer une plus grande autonomie judiciaire face aux institutions internationales.
Projet : la « Cour du Sahel pour les droits de l’homme »
Le retrait annoncé s’accompagnerait de la création d’une structure judiciaire régionale chargée notamment :
- des crimes internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide) ;
- de la criminalité organisée transnationale ;
- des actes liés au terrorisme affectant la région.
Les autorités présentent cette cour comme une réponse aux défis locaux et à la nécessité d’un appareil judiciaire adapté aux réalités régionales.
Des critiques voient toutefois dans ce projet un moyen pour des responsables accusés de violations des droits humains d’échapper aux poursuites internationales. Des voix évoquent également la construction d’un centre pénitentiaire à haute sécurité pour y incarcérer les condamnés issus des trois pays.
Photo: Les chefs d’État du Sahel — le général Abdourahamane Tiani, le capitaine Ibrahim Traoré et le colonel Assimi Goïta — lors d’un sommet à Niamey.
Réponse de la Cour pénale internationale
La Cour a rejeté les accusations selon lesquelles elle ciblerait uniquement des pays africains. Margo Tedesco, chargée de la communication pour le bureau de la CPI à Bamako, a rappelé que la Cour ne remplace pas les systèmes judiciaires nationaux et que de nombreuses affaires lui sont renvoyées par des États africains eux-mêmes.
Elle a souligné que la CPI mène aussi des enquêtes hors d’Afrique, citant des dossiers concernant l’Ukraine, la Géorgie, la Palestine (https://www.aljazeera.net/encyclopedia/2015/3/14/%D9%81%D9%84%D8%B3%D8%B7%D9%8A%D9%86), le Venezuela ou les Philippines. À titre d’exemple, l’ex-président philippin Rodrigo Duterte a été remis à la Cour en mars dernier malgré le retrait de son pays.
Aspects juridiques et conséquences pratiques
Même après une éventuelle notification de retrait, chaque pays doit adresser une demande écrite individuelle à la CPI. Par ailleurs, la Cour conserve sa compétence sur les affaires ouvertes avant la date effective de retrait.
Le cas du Mali illustre cette continuité : en 2012, Bamako a saisi la Cour pour des crimes commis par des groupes armés, et ce renvoi demeure en vigueur. La CPI maintient un bureau à Bamako et suit plusieurs dossiers locaux.
Actuellement, la Cour a condamné le jihadiste Hassan Ag Abdoul Aziz à dix ans de prison en juin 2024, tandis que le chef d’AQIM-affilié Iyad Ag Ghaly reste en fuite.
Critiques et débats internes
Des opposants au projet estiment que le retrait vise surtout à protéger des dirigeants contre des enquêtes internationales. Mamadou Konaté, ancien ministre de la Justice malien, a estimé que l’Alliance des États du Sahel « n’enterre pas la CPI pour la remplacer, mais la met à l’abri » en transformant la justice en un instrument au service des putschistes.
Le débat politique et juridique devrait s’intensifier dans les prochaines semaines, alors que la communauté internationale suit de près l’évolution de cette initiative régionale.
Photo: Des éléments de sécurité maliens procèdent à une arrestation après une attaque signalée contre un camp militaire à Bamako.