Home ActualitéLes quartiers populaires et l’émancipation politique des jeunes

Les quartiers populaires et l’émancipation politique des jeunes

by Sara
France

À l’occasion de la consultation internationale « Quartiers de demain », qui vise à améliorer le cadre de vie des habitants de dix territoires pilotes, des projets innovants sont envisagés, alliant rénovation, économie d’énergie et écologie. Ces initiatives sont pensées comme des laboratoires d’expérimentation pour mieux répondre aux besoins des quartiers populaires.

Une génération en quête d’émancipation

L’effacement de l’intérêt politique autour de moi et dans ma génération trahit l’histoire et les sacrifices de nos parents. Cette perception est le point de départ d’une réflexion sur notre capacité collective à identifier les violences subies par les classes populaires. Cet effacement de l’intérêt politique mérite d’être interrogé, car nous ne sommes pas les seuls responsables de cette situation ; il existe une destruction organisée de notre conscience et de notre autonomie politique.

Nos histoires sont intrinsèquement politiques. Mon père, après vingt-cinq ans à consacrer sa santé à une usine, a œuvré pour offrir une existence digne à sa famille. La nouvelle génération doit-elle se montrer à la hauteur pour poursuivre cette émancipation ? Pour cela, il est crucial de reconnaître les oppressions que nous subissons et d’en comprendre les causes, notamment pourquoi les ouvriers meurent souvent avant les cadres supérieurs. Pour lutter, il est essentiel de savoir contre qui nous nous battons. Si les classes populaires se sentent prisonnières, c’est que les barreaux sont invisibles, empêchant toute idée d’évasion.

Une ignorance qui étouffe toute révolte

Cette stratégie d’effacement porte un nom : l’agnotologie. Cette discipline a démontré comment certaines industries, comme celle du tabac, ont créé de l’ignorance et du doute sur les effets nocifs de leurs produits. De manière similaire, le philosophe Charles W. Mills a évoqué la stratégie de l’ignorance blanche, où les personnes blanches, consciemment ou non, ignorent l’existence des discriminations raciales. Des phrases telles que *« les couleurs n’existent pas »* érigent la blanchité en norme, rendant invisible le système d’oppression raciale. Cette ignorance étouffe toute révolte : ceux qui ne vivent pas les oppressions ne peuvent pas les appréhender, tandis que ceux qui les subissent sont souvent empêchés de comprendre et d’analyser ces violences.

C’est pourquoi, avec Banlieues Climat, nous cherchons à développer l’expertise scientifique des jeunes que nous accompagnons. Par exemple, comprendre les effets des particules fines est un pas vers une prise de conscience politique.

La représentation et les mots des dominants

Sans cette connaissance, c’est-à-dire sans conscience politique, les discours des dominants saturent les esprits des dominés, qui ne se représentent qu’à travers les mots que l’on utilise pour parler d’eux. Pour Antoine Porot, pionnier de l’École psychiatrique d’Alger, les Algériens manquaient de *« morale, d’intelligence abstraite et de personnalité »*, ne possédant que *« l’impulsivité criminelle »*. Ces énoncés participaient à enfermer le colonisé dans une image primitive de lui-même, qui finit par être acceptée et intériorisée.

De la même manière, la rhétorique actuelle autour de l’« ensauvagement » des jeunes issus de l’immigration contribue à renforcer cette vision déformée, les enfermant davantage dans l’imaginaire de l’extrême droite. Nous devenons ce qu’ils ont fantasmé.

Un envahissement des esprits

En niant les identités, il ne reste souvent que la sur-revendication identitaire, qui passe par une réappropriation des images et des mots imposés. Ainsi, les chaînes d’extrême droite s’auto-congratulant de : *« Vous voyez, nous avions raison, ils disent eux-mêmes qu’ils n’aiment pas la France. »* Cette prophétie autoréalisatrice est renforcée par un système médiatico-culturel qui envahit les esprits. Les termes sont acceptés, les postures s’extrémisent, et au final, nous perdons. Comme le pensait le penseur anticolonialiste Frantz Fanon : *« Le Noir qui veut blanchir sa race est aussi malheureux que celui qui prêche la haine du Blanc. »* En adoptant le vocabulaire de l’extrême droite, notre autonomie politique se dissout dans leurs mots.

Émancipation Politique | Banlieues Climat | Autonomie Politique | Conscience Politique | Ignorance | Génération | Violences | France

You may also like

Leave a Comment