Home ActualitéL’homme-bus de Lausanne : Une bande dessinée sur l’acceptation

L’homme-bus de Lausanne : Une bande dessinée sur l’acceptation

by Sara
Suisse

La bande dessinée « Voie de garage » fait revivre Martial Richoz, plus connu sous le surnom de l’homme-bus, figure emblématique de Lausanne dans les années 1980. À travers le travail de Sophie Adriansen au scénario et d’Arnaud Nebbache au dessin, cette œuvre explore les tensions liées à l’acceptation de la différence et les controverses qui ont marqué le parcours atypique de ce personnage.

Une page de bande dessinée

Une histoire lausannoise singulière

« Voie de garage » retrace le destin de Martial Richoz, né en 1963, qui a marqué l’actualité lausannoise par son originalité et sa solitude. Dès l’adolescence, il bénéficie de l’assurance invalidité. Passionné par les trolleybus, il fabrique ses propres « charrettes-bus » qu’il pousse dans les rues, se transformant en conducteur des transports lausannois (TL). À travers ses déambulations, il recrée les sons caractéristiques des véhicules, cherchant à combattre son isolement et sa dépression en rencontrant des passagers imaginaires.

En 1986, son internement en psychiatrie provoque un vif débat public, mettant en lumière les difficultés d’intégration des personnes différentes dans la société et les tensions entre institutions et individus. Après cette période, poussé à abandonner son personnage, Martial Richoz retourne à une vie plus discrète jusqu’à son décès, survenu l’an dernier, qui a ravivé la mémoire collective autour de cet homme-bus.

Un destin immortalisé par l’art

Martial Richoz a été le sujet de multiples représentations artistiques. Un documentaire de 1983 l’a rendu célèbre, tandis que la Collection de l’Art brut conserve ses œuvres, incluant ses charrettes et dessins. Le magazine « Temps Présent » lui a consacré une émission, et pendant le festival Les Urbaines, un artiste contemporain a réactivé son univers. Trois chercheurs ont également publié un ouvrage historico-sociologique sur les controverses psychiatriques lémaniques du XXe siècle, plaçant Martial au centre de leur étude, et le cinéma s’intéresse désormais à son histoire.

La bande dessinée, fruit d’une découverte et d’une création

La scénariste Sophie Adriansen a découvert Martial Richoz via une pièce de théâtre où une comédienne incarnait ce personnage singulier. Touchée par cette représentation, elle s’est plongée dans les archives pour mieux comprendre sa vie et les questions qu’elle soulève. Elle a alors imaginé un scénario fidèlement inspiré, mais laissant une marge à la fiction, notamment en rebaptisant le héros Paulin, ce qui permet d’explorer des chapitres inédits de son histoire, comme son enfance et son amour pour les trolleybus.

« La fin choisie suggère une autre lecture, ouverte à l’interprétation, » précise la scénariste, souhaitant que les lecteurs puissent se forger leur propre opinion.

Une interprétation graphique forte

Le dessinateur Arnaud Nebbache s’est approprié le scénario en gardant une certaine distance avec la réalité historique. Il s’est davantage attaché au personnage fictif de Paulin qu’à Martial Richoz lui-même, tout en s’efforçant de restituer fidèlement les trolleybus et leurs bricolages.

Les couleurs jouent un rôle majeur dans l’ambiance de l’album : dominantes de gris, verts foncés et quelques touches acides traduisent à la fois l’atmosphère des années 80 et les moments durs vécus par le héros. Ce contraste visuel reflète les pics émotionnels et les douleurs qui jalonnent ce récit.

Un ouvrage étoffé et généreux

Initialement prévu pour compter entre 60 et 80 pages, le livre s’est finalement enrichi jusqu’à 120 pages, grâce à l’inspiration et à l’attachement d’Arnaud Nebbache pour le personnage. Ce récit copieux raconte la vie de Martial Richoz et, plus largement, ce que la société fait des personnes différentes. De figure centrale à personnage secondaire, puissant puis impuissant, il traverse la ville et nos regards.

« Voie de garage » redonne vie à l’homme-bus tout en incarnant les tensions autour de l’acceptation de l’exceptionnel. Contrairement aux versions artistiques précédentes, cette bande dessinée s’adresse à un large public avec une fidélité remarquable aux faits et au contexte.

Rencontre avec l’auteur

Arnaud Nebbache sera présent au festival BDFIL à Lausanne, du 5 au 18 mai. Il participera à une rencontre publique intitulée « Martial Richoz : icône lausannoise et héros de bande dessinée » en compagnie d’Anic Zanzi, conservatrice à la Collection de l’Art brut, à la Maison de quartier Sous-Gare, le samedi 10 mai de 10h45 à 11h45.

source:https://www.24heures.ch/bd-l-homme-bus-se-retrouve-dans-voie-de-garage-580446207971

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