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La nécessité d’une législation pour interdire les MGF en Libérie
En 2022, le Conseil national des chefs et des anciens de la Libérie (NACCEL) a annoncé un moratoire de trois ans sur les mutilations génitales féminines (MGF). Un an plus tard, le conseil a proclamé une nouvelle interdiction des MGF et a organisé des cérémonies pour mettre fin à cette pratique dans cinq des onze comtés où elle est courante.
Des rapports persistants sur les MGF
Cependant, malgré l’interdiction, des rapports continuent de faire état d’activités liées aux MGF. En septembre 2024, la Coalition nationale contre les pratiques nuisibles (NACAPH), une coalition d’acteurs de la société civile, a publié un communiqué exprimant des inquiétudes concernant la « réapparition généralisée des activités de mutilation génitale féminine dans diverses régions de la Libérie ». Il est désormais clair que les mesures déjà prises ont été inefficaces.
Un besoin urgent d’action
Le moratoire de trois ans ayant expiré en février, la Libérie doit agir avec détermination contre cette pratique. Les législateurs doivent adopter une loi criminalisant les MGF, qui devrait être accompagnée de mesures gouvernementales pour convaincre les communautés de mettre fin à cette pratique.
L’ampleur des MGF en Libérie
Les MGF impliquent généralement l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes féminins. Cette pratique est répandue en Libérie car elle fait partie des rites de la Société Sande, une société secrète traditionnelle influente qui initie les filles à l’âge adulte dans des écoles de brousse.
Selon les Nations Unies, plus de 50 % des femmes libériennes âgées de 15 à 49 ans ont subi cette procédure nuisible. Cependant, le pourcentage exact est difficile à estimer en raison de la nature secrète de la Société Sande, ce qui a conduit à un sous-reporting des activités de MGF, les victimes gardant un code de silence.
Les défis dans la lutte contre les MGF
Des journalistes ont également été ciblés et menacés de mutilations forcées en raison de leurs reportages sur les MGF, ce qui a exacerbé le problème du sous-reporting.
Jusqu’à présent, la lutte contre les MGF a été principalement menée par la communauté internationale et la société civile libérienne. Cependant, l’influence de la Société Sande, des croyances traditionnelles et du patriarcat ont largement empêché toute tentative de prendre des mesures légales contre cette pratique.
Des mesures législatives nécessaires
Par exemple, en 2016, des membres du parlement libérien ont supprimé une clause interdisant la pratique dans un projet de loi sur la violence domestique. En 2022, un projet de loi interdisant la pratique a été introduit au parlement libérien, mais il n’a pas obtenu suffisamment de soutien pour être adopté.
La pression pour mettre fin à cette pratique a jusqu’à présent abouti à des mesures temporaires, qui se sont révélées largement inefficaces. En 2018, lors de son dernier jour en fonction, la présidente Ellen Johnson Sirleaf a signé un ordre exécutif plaçant un moratoire d’un an sur les MGF. Cela a été suivi d’un moratoire d’un an par le NACCEL en 2019, puis d’un moratoire de trois ans en 2022 et d’une interdiction en 2023.
Problèmes liés à l’application des interdictions
Il existe plusieurs problèmes à confier au NACCEL l’application d’une interdiction. Premièrement, une interdiction déclarée par le conseil traditionnel n’a pas force de loi. Bien que le conseil ait une autorité traditionnelle et une influence sur les communautés qui pratiquent, il reste incertain comment il peut tenir pour responsables ceux qui enfreignent ses prohibitions.
Deuxièmement, certains chefs et anciens encouragent eux-mêmes les MGF ou ne s’y opposent pas nécessairement. Troisièmement, confier la question des MGF au NACCEL signifie que toute action à ce sujet est fondée sur la volonté politique de quiconque dirige le conseil à un moment donné.
Une loi pour résoudre les problèmes
L’adoption d’une loi criminalisant les MGF pourrait résoudre tous ces problèmes. L’État et ses agences ont la capacité opérationnelle de superviser et d’appliquer une interdiction légale sur tout le territoire libérien. La perspective de sanctions aurait également un effet dissuasif plus puissant sur la pratique.
Mesures complémentaires nécessaires
En plus de la loi, le gouvernement libérien devrait également établir un système robuste de signalement et de protection des témoins pour garantir que les MGF soient correctement signalées. Les MGF sont largement un sujet tabou et signaler pourrait entraîner une ostracisation. Les individus qui choisissent d’informer les autorités lorsqu’une loi est enfreinte devraient être adéquatement protégés.
Une approche culturelle et économique
La mise en œuvre d’une interdiction légale doit également s’accompagner d’autres initiatives pour lutter contre cette pratique. Il faut reconnaître que les MGF sont aussi une question économique, car la plupart des zoes – des chefs féminins qui dirigent traditionnellement les rites d’initiation pour la Société Sande et pratiquent les MGF – facturent pour ce service. Mettre fin à cette pratique signifierait une perte de revenus pour des centaines de femmes.
Par conséquent, le gouvernement devrait également chercher à élargir les programmes qui offrent aux zoes souhaitant abandonner la pratique une formation et des compétences pour qu’elles puissent trouver des moyens de subsistance alternatifs.
La nécessité d’une collaboration communautaire
Il y a également un élément culturel qui doit être reconnu. Les écoles de brousse Sande existent depuis des siècles et impliquent diverses autres pratiques, rituels et formations pour préparer les filles à leur vie d’adultes. Le gouvernement doit travailler avec les communautés pour s’assurer que ces écoles puissent continuer à fonctionner sans le volet MGF. Le NACCEL peut aider à cet égard et à faire accepter par les communautés la criminalisation des MGF.
Un moment propice pour agir
Le meilleur moment pour adopter une loi est maintenant, car la volonté politique de le faire est plus forte que jamais. Au cours des dernières années, de plus en plus de chefs traditionnels ont montré une ouverture sur la question, ce qui pourrait influencer les législateurs à voter en faveur d’une telle législation.
La Libérie reste l’un des rares pays où les MGF sont endémiques et qui ne dispose pas d’une loi pour les criminaliser. Cela malgré le fait qu’elle soit signataire de plusieurs instruments régionaux et internationaux, y compris le Protocole de Maputo, qui appelle à la fin de cette pratique nuisible. Il est temps pour la Libérie d’agir pour protéger ses filles et de tenir ses engagements internationaux pour mettre fin aux MGF.