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L’Inde tire-t-elle profit d’un régime autoritaire au Bangladesh ?
Le 5 août est désigné par certains Bangladais comme le jour de l' »indépendance seconde », marquant la fuite de la Première ministre Sheikh Hasina vers l’Inde, laissant son pays en proie à un chaos politique et sécuritaire. Ce moment rappelle le climat pré-indépendance du Bangladesh face au Pakistan en 1971.
Si l’Inde a joué un rôle clair dans l’indépendance du Bangladesh en apportant un soutien militaire à Mujibur Rahman, le père de Hasina, elle a échoué à protéger son régime lorsque des révoltes populaires ont commencé à émerger. Le gouvernement indien n’a offert qu’un refuge à la Première ministre, laissant la situation politique en dégradation.
La chute spectaculaire de Hasina rappelle la chute de son père, Mujibur Rahman, lors d’un coup d’État militaire soutenu par une large mobilisation populaire en 1975. L’unique différence réside dans la mort du père tandis que la fille fuyait, évoquant la célèbre citation de Karl Marx : « L’histoire se répète deux fois : une fois sous forme de tragédie, une autre sous forme de farce. »
Dynamique de la révolution
Plusieurs facteurs psychologiques, économiques et politiques ont contribué à l’embrasement de la révolution contre le régime autoritaire du Parti du Peuple Bangladais (Awami). Il est à noter que la jeunesse, notamment les étudiants universitaires, a mené le mouvement populaire. Voici quelques facteurs clés :
- La « Bataille du torrent Al-Aqsa » a eu un impact psychologique puissant sur les peuples opprimés, inspirant les jeunes Bangladais en quête de liberté et de démocratie.
- Des campagnes intensifiées sur les réseaux sociaux depuis le 7 octobre ont montré que les Bangladais ne manquaient pas de courage face aux injustices, semblables à celles subies par les Palestiniens.
- Le gouvernement Awami a réussi à unir tous les opposants à ses politiques, malgré leur réticence, comme en témoigne le boycott des élections de janvier dernier.
Sheikh Hasina a pu se présenter dans un parlement sans opposition, ce qui a accentué la perception croissante d’une dictature, laissant le peuple s’isoler en dépit de ses discours sur l’amélioration de l’économie.
Facteur indien
Depuis cinq décennies, les Bangladais vivent un équilibre de haine et d’intérêt mutuel envers l’alliance entre le Parti Awami et l’Inde. La politique du Parti national hindou en Inde, dirigé par Narendra Modi, a toutefois changé le climat populaire au Bangladesh, alimentant des sentiments anti-indien.
De plus en plus, la population voit la soumission de son pays à l’Inde, notamment à travers la répression envers les musulmans, à l’encontre de ce pour quoi le peuple avait lutté lors de ses deux luttes pour l’indépendance.
Le professeur Suleiman Khan critique cette priorité des intérêts indiens sur ceux du Bangladesh, soulignant que cela pourrait mener à une révolution populaire. Il appelle à une réévaluation des politiques indiennnes, tant internes qu’extérieures.
Une question se pose : l’Inde tire-t-elle réellement profit de son soutien à un régime autoritaire voisin ? Les conséquences pourraient se révéler désastreuses pour les deux parties à long terme.
Résultats de la révolution
Malgré les soubresauts du régime d’oppression, l’opposition n’a pas encore réussi à se structurer, ni à définir son programme pour l’avenir. Cependant, la libération de nombreux détenus politiques, y compris Khaleda Zia et d’autres leaders, représente un espoir pour cette mouvance.
Les jeunes révolutionnaires ont désigné Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix, pour présider le gouvernement intérimaire, reflétant leur aspiration à des réformes économiques. Pourtant, Yunus ne représente qu’une solution temporaire à un problème plus complexe de transition pacifique du pouvoir, ce que réclame la jeunesse.
Les jeunes Bangladais expriment des exigences de liberté, d’égalité et de justice, des idéaux proches de ceux de la Révolution française. Ils sont confrontés à un choix crucial : établir un gouvernement national respectueux des aspirations du peuple ou se retrouver sous un régime étranger dépendant de soutiens externes.
La peur d’un « printemps bangladais » corrompu par des intérêts étrangers reste une préoccupation omniprésente. Les récentes turbulences politiques interrogent l’avenir de la démocratie au Bangladesh.