Sur une large banderole, « Le procès de l’agro-industrie » s’affiche. Derrière, une centaine de personnes s’élancent, ce lundi 15 décembre, depuis le quai de Rohan, à Lorient. Tous ont répondu à l’appel du collectif Bretagne contre les fermes usines et de plusieurs associations environnementales. Direction du tribunal de justice de Lorient afin de soutenir les douze militants convoqués, à 9 h. Le 19 mars 2022, à Saint-Gérand, près de Pontivy, ils avaient bloqué et renversé une partie de la cargaison d’un train de céréales dont le contenu était destiné à l’usine Saint-Jacques Aliment de Sanders. Une cinquantaine de militants avaient participé à l’action, douze se retrouvent aujourd’hui devant la justice.
En soutien aux lanceurs d’alerte, les manifestants considèrent qu’ils sont tous prévenus dans ce procès. Le cortège, joyeux et festif malgré le contexte, arrive devant le tribunal où sont regroupés les douze militants jugés. Ils font leur entrée dans le tribunal sous des cris de soutien et une salve d’applaudissements. Un slogan résume l’état d’esprit des manifestants : « L’agro-industrie détruit, la paysannerie nourrit ».
« C’est d’abord le procès de l’agro-industrie », s’exclame Romane Rozencwajg, porte-parole du collectif Bretagne contre les fermes usines. Les douze arrivent dans un esprit déterminé. Ils sont prêts à assumer les conséquences de cet acte parce que l’enjeu est immense. Pour elle, il est urgent que les politiques agricoles changent de voie. Pour les membres du collectif, l’action menée en 2022 : « visait à alerter sur les conséquences désastreuses de l’agro-industrie d’un point de vue sanitaire, environnemental et social ». Dans ce procès, ils viennent défendre le fait que « l’agriculture a besoin d’écologie pour survivre et rappeler que les agriculteurs sont les premières victimes du dérèglement climatique, du système agro-industriel puisqu’ils ne peuvent plus se rémunérer », se désole Romane Rozencwajg. « On entend dans les campagnes que les gens sont à bout de souffle dans ce système, mais c’est difficile de le faire changer », ajoute-telle.
Parmi les personnes venues apporter leur soutien, René Kermagoret, maraîcher bio à la retraite et ancien président du GAB56 (groupement des agriculteurs bio). Quand il s’installe en 1995, à Kervignac, il est l’un des précurseurs de ce modèle agricole dans le Morbihan. « Les vrais responsables, ce sont les décideurs, ceux qui sont aux manettes de l’agro-industrie. Notre agriculture a perdu le mot paysan dont il ne faut pas avoir honte ». Pour le retraité depuis 2013, il est urgent de défendre un autre modèle agricole. Il prône celui représenté par la Confédération paysanne. « Il n’a pas du tout la même position que les autres syndicats français qui considèrent que l’agriculture doit être rentable sans tenir compte des impacts de ce modèle, en particulier sur la santé des gens. Nous, on défend une agriculture paysanne qui respecte le paysan, les consommateurs et l’environnement », ajoute-t-il.