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Mémorial de la Mâchoire : Paris reconnaît la tragédie d’Aghwat

by Sara
France, Algérie

Mémorial de la Mâchoire : Paris reconnaît la tragédie d’Aghwat

Paris a inauguré hier, mercredi, une plaque commémorative sur la rue Aghwat dans le 18ème arrondissement, en mémoire du massacre perpétré par l’armée française dans la ville algérienne d’Aghwat en 1852.

La maire de Paris, Anne Hidalgo, a déclaré dans un communiqué le mois dernier que « cette rue porte la mémoire des habitants de la ville d’Aghwat, où l’armée coloniale française a tué plus des deux tiers de la population ».

Il y a 172 ans, une armée de 6 000 soldats français armés a envahi cette ville située au sud de l’Algérie après plusieurs semaines de siège, dirigée par les généraux Bélliard, Youcef et Bouskarine. Malgré la résistance héroïque de quelques centaines d’hommes armés d’armes rudimentaires sous la conduite de Ben Nacer Ben Chahra, le destin des habitants était tragique, entraînant leur massacre par le feu et le fer.

Titulé 'Rue Aghwat' dans le 18ème arrondissement de la capitale française, Paris.

Initiative de reconnaissance

Dans des déclarations exclusives à Al Jazeera, la mairie de Paris a précisé que le choix du 4 décembre coïncide avec la date de l’attaque de l’armée française sur la ville d’Aghwat, qui a coûté la vie à près de 2500 personnes. Cette plaque « est une initiative de la mairie de Paris qui parle en son nom et non au nom de l’État français. Le conseil de la capitale reconnaît le massacre d’Aghwat comme un crime de guerre commis par l’armée française. Ainsi, cette plaque vise à permettre aux Parisiens de mieux comprendre l’histoire du colonialisme français en Algérie ».

La plaque indique en français : « En 1852, l’armée française a attaqué la ville d’Aghwat en Algérie, dont les habitants se sont opposés à l’invasion impérialiste. Ce massacre sanglant a été commis pour le bénéfice des intérêts coloniaux français, entraînant la mort de deux tiers de la population de la ville, s’apparentant à un crime de guerre. Cette rue porte la mémoire des habitants d’Aghwat ».

En présence de responsables français et de membres de la communauté algérienne, Pierre Mensat, porte-parole de la « Commission Aghwat-France », a salué l’initiative de la mairie de Paris, tout en soulignant que « le crime de guerre commis contre les habitants d’Aghwat ne saurait être effacé par une plaque commémorative, et que le travail doit se poursuivre pour que la France reconnaisse la violence coloniale ».

Questions de mémoire

Dans ce contexte, le spécialiste des questions mémorielles entre l’Algérie et la France, Boumédiene Bouzid, a souligné que le texte de la plaque évitait le terme « génocide » dans sa description, car « la France officielle -comme d’habitude- est avare dans ses reconnaissances et dans le traitement de sa mémoire blessée avec une approche psychologique et politique, alors que son influence militaire et sa domination linguistique et culturelle dans ses anciennes colonies sont en déclin ».

Bouzid a ajouté que le fait de nommer des rues à Paris et dans d’autres villes françaises avec des noms algériens et la reconnaissance partielle des assassinats de Boumendjel et d’Oudane, ainsi que l’édification d’un mémorial pour l’émir Abdelkader, constituent « des anesthésiques mémoriels recommandés par l’historien Benjamin Stora dans son rapport célèbre au président Emmanuel Macron ».

Il a également indiqué que le mémorial du « Holocauste d’Aghwat » s’inscrit dans une série de mesures mémorielles fragmentées initiées par Macron depuis le début de son premier mandat en 2017, alors que la « commission historique mixte » avait cessé ses travaux et ses projets, coïncidant avec une intensification de la séparation diplomatique entre les deux pays.

Un crime contre l’humanité

Des témoignages d’anciens militaires français, d’historiens et de défenseurs des droits humains révèlent que ce qui s’est passé à Aghwat représente un crime odieux contre l’humanité, perpétré par le colonialisme français pour exterminer la population locale avec des gaz asphyxiants, entre le 21 novembre et le 4 décembre 1852, en réponse à une révolte populaire.

Selon des témoignages de combattants français, les envahisseurs considéraient que l’holocauste était nécessaire pour prouver la force de la France à toutes les tribus algériennes du sud. Dans le cadre de l’expansion coloniale en Algérie, les soldats français ont utilisé tous les moyens à leur disposition à leur arrivée à Aghwat, y compris l’artillerie de montagne et le bombardement aléatoire des refuges où se cachaient des enfants et des femmes.

D’après l’analyse des correspondances et écrits des officiers ayant participé au massacre, plusieurs sources confirment l’utilisation d’armes chimiques lors de cette attaque, qui a entraîné la destruction des organes internes des victimes et leur mort, orchestrée en coordination complète entre les autorités centrales et le commandement militaire sur place.

Dans une bataille inégale entre les habitants et le colonisateur, deux tiers des habitants d’Aghwat ont trouvé la mort – au moins 2500 martyrs – dont les corps ont été entassés et jetés dans des puits, alors que l’odeur de la mort persistait longtemps dans la ville, témoignant de l’horreur qui s’était abattue sur elle.

Bougmouz, auteur de « Crimes français en Algérie à travers les yeux français », a décrit l’horreur de ce massacre en disant que « des nuées de corbeaux et d’aigles ont plané au-dessus de la ville pendant un mois entier, en si grand nombre qu’on aurait dit qu’ils étaient sur une tombe, sans que l’on sache d’où ils venaient, bien qu’aucun oiseau de cette espèce n’ait été vu avant le début de la bataille ».

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