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Ce lundi marque la fin d’une ère : Microsoft met un terme à Skype, la plateforme qui a révolutionné les appels audio et vidéo gratuits sur Internet. Lancé en août 2003, ce service pionnier a permis à des centaines de millions d’utilisateurs de traverser les continents pour entretenir des relations amoureuses, amicales ou professionnelles. Avec plus de vingt ans de présence, Skype s’efface progressivement face à l’évolution des technologies et aux nouveaux usages.
Skype, une success story estonienne devenue icône mondiale
Skype a vu le jour en Estonie en 2003, transformant radicalement la communication en ligne. Maxime, aujourd’hui quadragénaire, se rappelle son premier appel Skype lors d’un Erasmus en Finlande : « Je n’avais pas de forfait, ni vraiment de téléphone. Je pensais ne pouvoir parler à ma famille qu’à Noël. » Encouragé par ses camarades, il découvre Skype et compose le numéro de sa grand-mère. La surprise est immédiate : la distance s’efface grâce à Internet, sans frais exorbitants.
Le succès est fulgurant, avec une croissance exponentielle des utilisateurs : 11 millions en 2004, 54 millions en 2005, 100 millions en 2006, et 405 millions en 2008.
Une plateforme au cœur des relations humaines et professionnelles
Skype a touché des populations très diverses, notamment les expatriés et les étudiants. Eric, commercial de 64 ans, évoque son expérience : « Dès 2003, j’appelais mon cousin au Mexique, puis ma famille en France. Pouvoir voir et entendre gratuitement quelqu’un à l’autre bout du monde était une révolution. »
Pour Bruno, professeur de guitare aux États-Unis, Skype a ouvert les portes à l’enseignement à distance : « J’avais des élèves partout, jusqu’en Chine. Même avec les déconnexions fréquentes, c’était un outil formidable. »
La plateforme s’est même déployée dans les lieux les plus isolés, comme en Antarctique, où Charlène, chimiste à la station Dumont-d’Urville, utilisait Skype pour ses appels, faute d’alternatives abordables.
Skype, un phénomène culturel et social
Popularisée dans la culture web, « se faire un Skype » est rapidement devenu une expression courante. La célèbre sonnerie a marqué plusieurs générations et la plateforme s’est immiscée dans films et usages quotidiens. Jusqu’au milieu des années 2010, Skype restait incontournable, notamment chez les gamers qui l’utilisaient pour coordonner leurs parties en ligne.
Steve, joueur passionné, témoigne : « Dès 2003, Skype était une excellente alternative à MSN Messenger, sans les ‘wizz’ agaçants. » Gauthier, gamer régulier, évoque les liens d’amitié créés grâce à Skype : « On se rencontrait en ligne autour des jeux, on discutait, on est devenus amis, certains ont même organisé des rencontres physiques. »
Des histoires d’amour tissées à travers l’écran
De nombreuses relations sentimentales ont vu le jour grâce à Skype. Sarah raconte sa rencontre avec son compagnon australien en 2013 lors d’un Erasmus : « On a commencé à s’appeler chaque dimanche, avec des heures de discussion, des fous rires, des ‘tu me manques’… Skype a vraiment permis à notre relation à distance de durer. »
Après deux ans de séparation géographique, elle a rejoint son partenaire en Australie, où ils se sont mariés pendant la pandémie, entourés virtuellement de leurs proches via Zoom, nouveau venu sur la scène des visioconférences.
Déclin progressif face à la concurrence et aux évolutions technologiques
Malgré son statut légendaire, Skype a souffert dans les années 2010 de la montée en puissance de concurrents intégrant les appels vidéo, comme Facebook, Instagram, WhatsApp ou WeChat. La démocratisation des smartphones et la baisse des coûts d’Internet ont aussi réduit son avantage.
Gauthier résume : « Skype faisait figure de dinosaure ». Le rachat par Microsoft en 2011, pour environ 7,5 milliards d’euros, a marqué un tournant. La firme américaine a voulu adapter Skype à un usage professionnel, notamment avec le lancement de Teams en 2017, concurrençant la plateforme historique.
Les modifications successives ont déplu aux utilisateurs : ergonomie dégradée, nécessité d’un compte Microsoft, fonctionnalités vieillissantes, et modération insuffisante face aux spams et bots.
La pandémie, un sursaut éphémère avant la fin programmée
En 2020, la crise sanitaire a provoqué un pic d’utilisation, avec une hausse de 70 % des utilisateurs quotidiens et 40 millions d’abonnés actifs. Toutefois, les appels professionnels se sont principalement tournés vers Zoom, Google Meet ou Teams, tandis que les gamers et familles migraient progressivement vers Discord et WhatsApp.
En 2023, Skype dénombre environ 36 millions d’utilisateurs, reflétant son déclin inéluctable. Les communautés d’utilisateurs cherchent déjà des alternatives pour transférer leurs numéros et préserver leurs contacts.
Des témoignages d’utilisateurs impactés
Sur des forums comme Reddit, les usagers partagent leurs inquiétudes et solutions. Un tétraplégique utilise Skype pour des appels professionnels avec un système de détection de mouvements particulier. Un résident chinois regrette la disparition du moyen le plus simple de communiquer hors de son pays sans VPN. D’autres craignent la perte de leurs numéros Skype, utilisés pour des services bancaires aux États-Unis.
Sarah évoque également sa belle-mère de 85 ans, toujours fidèle à Skype pour garder le contact avec ses amies à l’étranger : « Mon mari avait tout configuré sur sa télévision, elle y est habituée. Lui apprendre un autre logiciel à distance sera compliqué. »
Garder une trace d’une époque révolue
Pour les nostalgiques, Microsoft propose une procédure pour télécharger les archives de messages et conversations. Steve, l’un des premiers utilisateurs, hésite à conserver ces souvenirs : « J’avais déjà fait ça avec MSN sans jamais les revoir. Ce qui est dans ma mémoire me suffit. »
Les appels s’arrêtent, mais les souvenirs restent vivants, témoignant d’une révolution numérique qui a rapproché des millions de personnes à travers le monde.