La Côte d’Ivoire a vécu ce week-end un scrutin présidentiel qui s’annonce comme l’un des plus marqués par le poids des dynamiques internes et par le silence relatif des opposants historiques. Près de neuf millions d’électeurs étaient appelés aux urnes, un dépouillement qui s’est déroulé département par département et dont les premiers résultats ont été rendus publics dès le week-end. Dans ce contexte, Alassane Ouattara, 83 ans, paraît se diriger vers un quatrième mandat, dans un pays qui demeure réactif face à des épisodes de tension post-électorale.
En Côte d’Ivoire, Ouattara en passe d’obtenir un quatrième mandat
Selon la Commission électorale indépendante (CEI), Ouattara affiche une avance déterminante sur l’ensemble du territoire et dans la quasi-totalité des circonscriptions. Le nord, bastion du président, a enregistré des résultats impressionnants dans des zones rurales, tandis que la participation a été extrêmement faible dans certaines régions rurales où la présence électorale était faible. Des chiffres publiés indiquent des scores élevés comme 98,44 % à Séguela, 99,7 % à Kani et 97,8 % à Sinématiali, et 98,1 % à Ferkessedougou, avec une participation approchant les 100 % dans ces secteurs. Dans le sud et l’ouest, où certains bureaux se sont retrouvés désertés, Ouattara demeure en tête malgré une participation plus faible, comme à Gagnoa où il obtient 92 % mais avec une participation autour de 20 %.
Le candidat bénéficie aussi, selon les observations, d’un socle fort dans son fief de Kong et d’un soutien constant dans les zones rurales. La proclamation du vainqueur est attendue dans l’après-midi, après un dépouillement qui a été présenté par la CEI comme globalement calme et maîtrisé. Le contexte politique est aussi marqué par l’absence des deux principaux opposants, l’ancien président Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, radiés des listes et exclus du scrutin, ce qui, selon les analystes, a fortement pesé sur la dynamique électorale.
« Leur absence, leurs appels à ne pas participer au scrutin et le climat de tension qui s’est détérioré au cours des derniers jours laissaient présager une démobilisation significative de l’électorat », a déclaré William Assanvo, chercheur à l’Institut des études de sécurité (ISS). Dans ce cadre, les premiers enseignements portent sur une participation qui, dans les zones rurales du nord, est quasi générale, contrastant avec les zones plus densément habitées du sud où l’abstention a été plus marquée. Au-delà des chiffres, un vent de débats persiste autour de la légitimité du scrutin. « Toute légitimité refusée » par l’opposition est le refrain repris par certains partis du Front commun, qui promettent de nouvelles élections. Des journaux et médias régionaux ont aussi réagi avec des tons contrastés: « Les Ivoiriens ont dit NON aux prophètes de malheur », barrait la Une du Patriote, journal pro-Ouattara, saluant « une Côte d’Ivoire debout pour un scrutin apaisé », tandis que Notre voie parlait d’un scrutin « à l’image d’un pays divisé ».
Sur le plan sécuritaire, près de quarante-quatre mille membres des forces de l’ordre ont été déployés sur l’ensemble du territoire et des centaines d’arrestations ont été recensées pour troubles à l’ordre public, selon les bilans communiqués par les autorités. Le ministère de l’Intérieur a confié que le vote s’est déroulé dans des conditions globalement calmes, saisi d’un bilan évoquant une « remarquable mobilisation tout au long de ce scrutin électoral, qui s’est déroulé dans le calme, la paix, la sécurité et la fraternité », selon Vagondo Diomandé. La persistance de tensions autour du scrutin et les appels à la stabilité restent les principaux registres des analyses des prochaines heures.
Des incidents ont néanmoins été signalés dans plusieurs localités, notamment dans le sud et l’ouest, sans toutefois avoir eu d’incidence majeure sur le déroulement du scrutin, selon les autorités. Le jour même, des affrontements intercommunautaires dans le Haut-Sassandra ont fait trois morts, et un adolescent de 13 ans a été tué à Gregbeu par un tir d’un véhicule de transport en commun, portant le bilan à huit morts depuis le début de la période électorale, selon les chiffres officiels et les sources de l’opposition.
Pendant que le dépouillement se poursuit, l’on observe un phénomène double: d’un côté, la consolidation du socle électoral d Ouattara dans le nord et les zones rurales; de l’autre, des témoignages de frustration et de divisions exprimés par des segments de la société civile et des partis d’opposition, ce qui maintient une tension latente au sein du pays. Abidjan a retrouvé un rythme plus normal lundi, après un week-end où la capitale avait connu des dynamiques inhabituelles, et les journaux locaux poursuivent leurs analyses sur ce que pourrait signifier ce quatrième mandat pour l’avenir politique du pays.

Incidents et réactions autour du scrutin
Alors que le scrutin s’est déroulé globalement dans le calme, les autorités ont mis en évidence un climat social encore sensible. Les méthodes et la rhétorique utilisées par certains partis ont nourri des critiques sur la liberté et l’équité du processus, et les chiffres officiels font ressortir de fortes disparités régionales en matière de participation. Jean-Louis Billon, candidat et homme d’affaires, a félicité Ouattara pour sa victoire sur son compte X, mais s’est inquiété de la « très faible participation dans certaines régions ».
Du côté des opposants, les cadres du Front commun ont dénoncé le déroulement et ont réitéré leur position sur la légitimité du scrutin, arguant que le processus ne pouvait être perçu comme pleinement représentatif. Sur le plan médiatique, les titres d’opinion ont divergé: le Patriote a salué « une Côte d’Ivoire debout pour un scrutin apaisé », tandis que Notre voie a souligné un scrutin « à l’image d’un pays divisé ».
En dépit de ces voix discordantes, le contexte sécuritaire a été préservé dans l’ensemble et les autorités rappellent la nécessité de rester vigilants face à des épisodes locaux susceptibles d’alimenter des tensions post-électorales. Avec la poursuite du dépouillement, l’opinion et les analyses continueront d’évaluer les implications d’un éventuel quatrième mandat pour la stabilité et le cap politique de la Côte d’Ivoire.
