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Paris célèbre le courage des journalistes avec la première édition du prix Shireen Abu Akleh
Le lundi soir, à Paris, l’Union internationale des journalistes et l’Union internationale de la presse francophone ont organisé la première cérémonie de remise du prix Shireen Abu Akleh, intitulée « Pour le courage et l’engagement des journalistes ».
Cette initiative rend hommage à la mémoire de la journaliste Shireen Abu Akleh, assassinée par l’armée d’occupation israélienne le 11 mai 2022 alors qu’elle exerçait son devoir professionnel à l’entrée du camp de réfugiés de Jénine.
Lors de cette première édition, le prix a été attribué à la journaliste russe Antonina Favorskaïa pour son courage et son engagement professionnel. Elle purge une peine de cinq ans et demi dans une prison pour femmes à Moscou, accusée d’extrémisme.
Objectif du prix : honorer les journalistes de terrain exposées au danger quotidien
Le prix Shireen Abu Akleh a pour but de « récompenser les journalistes femmes qui travaillent sur le terrain et s’exposent chaque jour à des risques importants ».
Un hommage vibrant à Shireen Abu Akleh
La première édition du prix, lancée le 1er juillet dernier, a reçu 44 candidatures provenant du monde entier, notamment d’Amérique latine, d’Inde, du Bangladesh, d’Australie et de Russie.
Un jury international a sélectionné la lauréate. Il était composé de Dominique Pradalié, présidente de l’Union internationale des journalistes, Zara Nazarian, secrétaire générale de l’Union internationale de la presse francophone, et Mamadou Ndiaye, professeur des sciences à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Le jury comprenait également plusieurs journalistes de différents pays, parmi lesquelles Dorothée Ollieric de France, Chourouk As’ad de Palestine, Samia de Castro du Brésil et Zoïa Svetova de Russie.
Lors de son allocution, Zara Nazarian a rappelé que le meurtre de la journaliste palestinienne avait rappelé au monde que le journalisme restait une profession dangereuse. Elle a souligné que l’objectif du prix était de rendre hommage aux journalistes courageuses qui travaillent sur le terrain malgré les risques quotidiens.
Un symbole de courage et d’engagement
Dominique Pradalié a déclaré que Shireen Abu Akleh « avait couvert les violations commises par l’occupant dans le camp de réfugiés pour la chaîne Al Jazeera ». Elle a évoqué la solidarité des journalistes du monde entier et leur volonté de porter l’affaire devant la Cour pénale internationale afin que les responsables soient traduits en justice.
Elle a ajouté : « Shireen est devenue un symbole de courage et d’engagement dans la profession journalistique. À ce jour, plus de 200 journalistes ont été délibérément ciblés et tués à Gaza dans le cadre d’une guerre de génocide qui a aussi fait plus de 50 000 victimes civiles palestiniennes. »
Pour la présidente de l’Union internationale des journalistes, les femmes journalistes sont désormais une priorité particulière. Elle a expliqué que si la mort de Shireen avait une résonance particulière chez les journalistes, ce prix vise à mettre en lumière l’engagement, la qualité du travail et le courage des journalistes femmes dans le monde.
Maryam Al-Wadoiri, présidente de l’Union mondiale des journalistes, a souligné que ce prix célébrait « le courage, le dévouement et la résilience des journalistes femmes qui risquent leur vie pour transmettre la vérité, inspirer les populations et défendre leurs droits ». Elle a insisté sur la nature dangereuse de leur travail dans des contextes complexes qui nécessitent souvent de lourds sacrifices personnels.
La lauréate 2025 : Antonina Favorskaïa
Pour cette première édition, la journaliste russe Antonina Favorskaïa a été honorée. Elle a été arrêtée en mars 2024, accusée d’appartenance à un groupe extrémiste, en lien présumé avec le groupe anti-corruption de l’opposant défunt Alexeï Navalny.
Antonina Favorskaïa était connue pour ses reportages pour l’agence indépendante Sota Vision. Elle a filmé la dernière vidéo de Navalny en février 2024, avant d’être arrêtée un mois plus tard, après avoir rendu visite à sa tombe.
Son avocate, Olga Mikhaïlova, a reçu le prix en son nom à Paris et a déclaré : « Grâce à son reportage et à sa fidélité à son travail, nous avons tous vu les dernières images de Navalny. Elle est même allée avec sa mère après son décès pour demander aux autorités la restitution de son corps. »
Olga Mikhaïlova a ajouté : « Nous vivons une époque où la profession d’avocat, tout comme celle de journaliste, est extrêmement dangereuse. Ceux qui l’exercent risquent la prison, voire la mort. Mais je garde espoir de pouvoir bientôt remettre ce prix à Antonina en personne. »
Outre la reconnaissance symbolique, la lauréate reçoit une récompense financière de 5 000 euros. Dominique Pradalié a précisé que le choix avait été très difficile, axé principalement sur la qualité et l’originalité des informations. Antonina Favorskaïa a été choisie à l’unanimité pour avoir rempli ces critères et aussi parce qu’elle est privée de liberté.
Zara Nazarian a souligné que, tout comme Shireen Abu Akleh, Antonina Favorskaïa était pleinement consciente des risques encourus dans l’exercice de son métier. Elle est devenue un symbole de lutte pour la liberté d’expression et la presse indépendante en Russie, dans un contexte de répression croissante des voix dissidentes.
Des chiffres alarmants sur la répression des journalistes
Au-delà du nombre de journalistes tués à Gaza et de l’interdiction pour les journalistes d’entrer dans la bande de Gaza assiégée, les rapports indiquent que plus de mille journalistes ont été contraints à l’exil à travers le monde.
Dominique Pradalié a indiqué que plus de 500 journalistes, comme Antonina Favorskaïa, sont actuellement détenus dans le monde, notamment en Chine, Turquie, Tunisie, Russie et Niger, accusés d’espionnage, de diffusion de fausses informations, de trahison ou d’atteinte aux secrets d’État.
Elle a qualifié l’impunité des criminels de « cancer qui ronge toutes les démocraties », rappelant que les journalistes manquent de législations spécifiques les protégeant efficacement.
Il est important de noter que l’Assemblée générale des Nations unies a adopté en décembre 2013 une résolution sur la sécurité des journalistes et la lutte contre l’impunité. Elle a institué le 2 novembre comme Journée internationale contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes.
En novembre 2022, l’ONU a organisé à Vienne une session d’évaluation de son plan décennal pour la sécurité des journalistes, constatant l’échec de ce plan du fait de l’absence de mesures concrètes garantissant une réelle protection aux professionnels des médias.