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La pénurie de main-d’œuvre en Russie s’aggrave, affectant divers secteurs de l’économie. Depuis le déploiement des troupes russes en Ukraine en février 2022, les entreprises, les travailleurs et les agences de recrutement témoignent d’une situation critique. Les effets de cette crise se font sentir dans la vie quotidienne, comme en témoigne une usagère des transports en commun de la région de Sverdlovsk, qui a remarqué l’absence de son bus habituel en raison d’un manque de personnel.
Une situation alarmante
Selon les données de Rosstat, le taux de chômage a atteint un niveau record de 2,3 %, tandis que le recrutement intensif des forces armées et des industries de défense a siphonné les travailleurs des entreprises civiles. En conséquence, la Russie a connu une hausse significative des dépenses de défense, qui a permis d’éviter un effondrement économique catastrophique en 2022, avec seulement une légère contraction de l’économie.
Des pénuries dans tous les secteurs
En octobre, Sverdlovsk affichait 54 912 offres d’emploi, contre seulement 8 762 demandeurs d’emploi. Dans l’ouest de la Russie, un rapport indique qu’il y a neuf offres d’emploi pour chaque chômeur. Le recruteur Superjob a noté une augmentation de 1,7 fois des offres d’emploi à l’échelle nationale en deux ans, avec un bond de 2,5 fois dans l’industrie.
Rostislav Kapelyushnikov de l’École supérieure d’économie de Moscou a décrit cette situation comme une « famine de personnel » touchant presque tous les secteurs de l’économie.
Concurrence entre secteurs
La faible natalité en Russie a déjà posé des problèmes de pénurie de main-d’œuvre, mais l’« opération militaire spéciale » a entraîné une forte émigration et un afflux de travailleurs vers le secteur de la défense. Les usines civiles peinent à rivaliser face aux salaires élevés offerts par les industries de défense, qui bénéficient de financements importants.
Les travailleurs qui rejoignent l’armée peuvent recevoir une prime d’inscription de 2,1 millions de roubles (environ 18 560 euros), presque 25 fois le salaire mensuel moyen en Russie.
Des secteurs essentiels en difficulté
Les pénuries se font sentir particulièrement dans les secteurs de la construction, de la logistique et des technologies de l’information, ce qui entraîne une hausse des prix et des retards dans les projets. Le ministre de l’Agriculture a estimé qu’environ 200 000 travailleurs agricoles, soit 3,3 % du total, ont quitté le secteur cette année, aggravant la situation de la production alimentaire.
Le ministère de l’Intérieur, en charge des forces de police, a également signalé avoir doublé son nombre de postes vacants au cours des deux dernières années, atteignant 173 800, soit 18,8 % de son personnel total.
Les migrants sur le devant de la scène
Alors que des entreprises comme le détaillant X5 cherchent à se numériser, les sanctions occidentales compliquent l’importation d’équipements. Le ministre de l’Économie a appelé à recruter des jeunes, des retraités et des personnes handicapées, tout en levant les restrictions sur les heures supplémentaires. Cependant, les restrictions sur les travailleurs migrants demeurent, et deux tiers des entreprises peinent à attirer les travailleurs étrangers nécessaires.
Andrey Kostin, PDG de VTB Bank, a affirmé que sans les migrants, l’économie russe ne pourra pas se développer. Les économistes s’attendent à ce que les problèmes de main-d’œuvre s’intensifient, ce qui pourrait freiner la croissance économique.
Prévisions inquiétantes
Les autorités russes estiment qu’il faudra 2,4 millions de personnes supplémentaires dans les secteurs de la fabrication, des transports, de la santé, des services sociaux, de la recherche scientifique et des technologies de l’information d’ici 2030. Le vice-premier ministre Dmitry Chernyshenko a exprimé son inquiétude sur la difficulté de trouver ces travailleurs dans un avenir proche.