# Pièges et attentes élevées – Défis et opportunités pour le président sénégalais
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<h2>Une victoire surprenante</h2>
<p>Le jeune homme âgé de quarante ans et quelques a créé une surprise inattendue lors des dernières élections présidentielles au Sénégal. Le candidat du parti « Pastef » a remporté une victoire écrasante au premier tour des élections, avec 56 % des voix, une première dans l’histoire du Sénégal où un candidat de l’opposition gagne dès le premier tour. Il a défié 17 autres candidats, y compris le candidat du parti au pouvoir, le Premier ministre Amadou Ba.</p>
<p>Même si tous les sondages prédisaient que le parti « Pastef » réussirait un grand coup, peu d’observateurs s’attendaient à une victoire aussi écrasante au premier tour pour ce parti nouvellement créé et dont les dirigeants étaient pourchassés.</p>
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<h2>Un discours révolutionnaire et des opportunités de transformation</h2>
<p>Le parti « Pastef » adopte des idées révolutionnaires et audacieuses, présentées dans un discours cohérent et fort qui défie la réalité africaine actuelle. Sa vision repose sur la liberté de décision nationale sénégalaise et la fin de l’influence de l’ancien colonisateur, la France, qu’il accuse de contrôler les ressources du pays dans un partenariat injuste.</p>
<p>Il appelle à la souveraineté économique en sortant du franc CFA pour lancer une monnaie nationale et une banque centrale sénégalaise, et à l’élimination de la présence militaire française. Le parti prône également la lutte contre la corruption financière de l’État, avec des propositions rigoureuses pour combattre la corruption et ses symboles. Enfin, il croit en l’intégration des jeunes dans les rouages de l’État, les considérant comme les plus aptes à créer et gérer le changement.</p>
<p>Ces nouvelles idées dans la pratique politique sénégalaise ont constitué une grande opportunité pour le parti, car elles ont été largement acceptées par le peuple et particulièrement par la jeunesse. Ainsi, les jeunes des deux sexes ont massivement soutenu ce parti, à tel point qu’il est devenu connu comme le parti des jeunes. Étant donné que le Sénégal est une société jeune où les jeunes représentent environ 60 % de la population, le parti a une grande chance de réussir et de progresser.</p>
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<h2>Opportunités extérieures et politiques</h2>
<p>Une autre opportunité pour le président Bassiro Faye réside dans la cohérence de son discours avec l’humeur générale anti-française dans la région. Son discours s’aligne également avec les propositions des régimes révolutionnaires dans les pays voisins, comme la Guinée, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et la Mauritanie, qui soutiennent la libération africaine, la lutte contre la corruption et l’ouverture à tous les partenaires mondiaux.</p>
<p>Cette proximité explique la décision du président sénégalais de réserver ses premières visites aux pays de la région uniquement, et non à la France comme le faisaient ses prédécesseurs. Une autre grande opportunité pour le parti « Pastef » est l’affaiblissement et la désintégration de la classe politique traditionnelle au Sénégal. Le parti socialiste, créé par le président Senghor, s’est quasiment réduit à néant, tout comme le parti démocratique sénégalais dirigé par l’ancien président Abdoulaye Wade, qui s’est divisé en plusieurs petits partis. Il n’y a actuellement aucun grand parti rassembleur au Sénégal, ce qui est une opportunité pour le « Pastef » de réorganiser ses rangs et de rassembler ses membres pour diriger le pays pendant de nombreuses années, comme l’a fait le parti socialiste sénégalais qui a gouverné le pays pendant quarante ans.</p>
<p>Sur le plan de la politique étrangère, le nouveau président sénégalais a l’occasion de travailler librement, étant donné le recul du rôle de la France dans la région et sur le continent en général, ainsi que l’émergence d’autres puissances internationales plus déterminées et prêtes à coopérer sans conditions, comme la Russie, la Chine, l’Inde, la Turquie et le Brésil.</p>
<p>Enfin, la plus grande opportunité pour le président Bassiro Faye et son parti est la stabilité politique au Sénégal, un pays qui n’a jamais connu de coup d’État militaire. L’armée sénégalaise est une institution professionnelle respectueuse de la loi, contrairement à de nombreuses armées africaines souvent avides de pouvoir. En outre, l’indépendance et l’intégrité des institutions judiciaires, ainsi que l’activité des organisations de la société civile, ont toujours constitué un rempart contre toute tentative de déstabilisation politique dans le pays.</p>
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<h2>Des défis redoutables</h2>
<p>En revanche, le président Bassiro Faye et le parti « Pastef » sont confrontés à des défis considérables qui pourraient les déstabiliser s’ils ne sont pas bien gérés.</p>
<p>Le plus grand défi pour le nouveau président sénégalais est la hauteur des attentes. C’est un défi réel car il pourrait conduire à une grande déception et à une rébellion contre le nouveau parti si les attentes et les ambitions élevées du peuple ne sont pas satisfaites.</p>
<p>La période à laquelle le président Faye est arrivé au pouvoir est semblable aux gouvernements qui suivent une révolution populaire, avec des attentes élevées qu’aucun gouvernement ne pourrait satisfaire malgré tous ses efforts et sa bonne volonté. D’autant plus que beaucoup d’électeurs ont voté pour le « Pastef » par dépit des autres partis qui n’ont pas réalisé leurs aspirations.</p>
<p>Un autre défi est le manque d’expérience politique du parti « Pastef ». C’est un parti qui n’a jamais exercé de responsabilités exécutives ou ministérielles, et la plupart de ses dirigeants sont des politiciens d’opposition et des orateurs qui excellent dans la critique, alors qu’ils sont désormais attendus pour travailler. Comme le dit le proverbe anglais : « Les gens aiment les bons orateurs, mais ils ont besoin de bons exécutants ».</p>
<p>À cet égard, le président élu pourrait étudier des expériences internationales similaires, notamment celle du parti socialiste français lorsqu’il est arrivé au pouvoir pour la première fois sous la Cinquième République. Ce parti manquait alors de cadres et de dirigeants, mais le leader chevronné François Mitterrand a adopté une approche audacieuse en donnant leur chance aux jeunes, réussissant à former une génération de leaders qui dominent encore la scène politique française aujourd’hui.</p>
<p>Le président Bassiro Faye sera confronté aux ruses des politiciens sénégalais chevronnés de l’ancienne génération, qui ont fait de la politique leur vie et leur gagne-pain. Il devra également faire face aux manœuvres des dirigeants de l’État profond, qui deviendront particulièrement visibles lorsque le parti commencera à mettre en œuvre des politiques et des programmes de lutte contre la corruption, ce qui pourrait devenir une bataille acharnée.</p>
<p>Par ailleurs, la France, grande perdante des événements survenus au Sénégal et dans la région en général, ne digérera pas facilement ces défaites successives. Alors que la France officielle réfléchit encore à la manière de conserver son héritage africain qui lui échappe peu à peu, certains experts et militaires français n’ont pas caché leurs inquiétudes face aux pertes subies par leur pays en Afrique de l’Ouest. Un haut responsable militaire français a même appelé ouvertement à la recolonisation des pays du Sahel.</p>
<p>La France ne restera pas longtemps inactive si la proposition du gouvernement de Bassiro Faye de remplacer le franc CFA par une monnaie régionale ou plusieurs monnaies nationales trouve un large écho auprès des pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. Une telle décision provoquerait un choc financier terrifiant pour l’économie française.</p>
<p>Enfin, l’un des plus grands défis pour le président Bassiro Faye et le parti « Pastef » réside dans la capacité du parti à maintenir son unité interne et à adopter une politique de coexistence entre les différentes tendances qui le composent. Le défi le plus difficile à cet égard sera de voir jusqu’où pourra durer le partenariat et la coordination entre le président de la République, symbole de la souveraineté, et son jeune Premier ministre inspirant, Ousmane Sonko, chef du bureau exécutif.</p>
<p>Cette question est cruciale car Ousmane Sonko est le fondateur du parti « Pastef » et le leader qui a affronté le régime pendant des années, subissant à plusieurs reprises l’emprisonnement. Il n’a pas pu se présenter aux dernières élections car il était détenu et la constitution ne le permettait pas. Le parti a donc présenté son secrétaire général, Bassiro Faye, comme candidat.</p>
<p>Étant donné que Sonko est la véritable inspiration pour les jeunes, le parti a choisi comme slogan de campagne : « Voter pour Bassiro Faye, c’est voter pour Ousmane Sonko ». Maintenant que Bassiro Faye est président, Ousmane Sonko acceptera-t-il de rester le numéro deux de l’État au moins jusqu’aux prochaines élections ? Ou bien les intrigues politiques diviseront-elles les deux hommes et compromettront-elles l’expérience de ce jeune parti ? Tel est le plus grand défi pour le président Bassiro Faye et le parti « Pastef ».</p>
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