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Depuis la fin du mois de novembre, le Piton de la Fournaise rappelle qu’il reste vigilant et vivant. Il tremble plus de 150 fois par jour, gonfle lentement et relâche quelques souffles de soufre. Les chercheurs suivent chaque vibration, chaque variation de pression, tandis que les habitants, randonneurs et curieux guettent l’horizon avec prudence.
Des tremblements qui parlent
Depuis le 26 novembre 2025, l’Observatoire volcanologique du Piton de la Fournaise (OVPF-IPGP) signale une hausse de la sismicité sous le volcan. Ces secousses, modestes par leur intensité, se multiplient et remontent progressivement vers la surface : d’abord à 20 km de profondeur, puis à 5 km, enfin autour de 2 km sous le sommet. En une journée, le dimanche 30 novembre, plus de 150 tremblements ont été répertoriés.
« On est passé d’une phase pendant deux ans et demi sans éruptions, sans sismicité, sans inflation du volcan. Depuis une semaine, l’activité reprend progressivement. Concrètement, on observe une mise en pression du réservoir superficiel qui doit se réalimenter par des magmas plus profonds. Est-ce que ce sera suffisant pour déclencher une éruption ? On ne le sait pas encore. On le saura lorsque le magma quittera le réservoir, généralement quelques dizaines de minutes ou heures avant l’éruption », affirme Aline Peltier, volcanologue et directeure de l’OVPF.
Historiquement, ce type de reprise n’est pas surprenant : en 2014, après trois ans et demi sans éruptions, une reprise similaire avait été observée sur une dizaine de jours avant une petite éruption sommitale, suivie d’étapes supplémentaires avant une activité plus marquée. Aujourd’hui encore, le volcan présente le même schéma : sismicité croissante, dégazage léger et gonflement progressif du sommet.
Le cœur du volcan sous pression
Au-delà des tremblements, l’inflation du réservoir magmatique situé à environ 2,5 km sous le sommet est un indicateur clé. Cette mise sous pression est mesurée par un réseau composé de sismographes, inclinomètres, GPS et stations de gaz, regroupant plus d’une centaine d’instruments.
« Nous disposons de bien plus d’instruments qu’auparavant, les méthodes de modélisation permettent de localiser les sources de pression, et l’intelligence artificielle aide à détecter automatiquement les signaux sismiques. En revanche, prévoir le moment exact d’une éruption demeure impossible », précise Aline Peltier.
Le gonflement de l’édifice, associé à un dégazage modeste, peut être comparé à un ballon qui se gonfle : il peut exploser, ou se dégonfler lentement. Cette dynamique est typique des volcans boucliers comme le Piton de la Fournaise, qui connaissent souvent des phases de pressurisation sans éruption immédiate.
Tic-tac, tic-tac… la marmite bout
Face à ce réveil, la prudence prévaut. Le préfet de La Réunion a activé la phase de vigilance du plan ORSEC Volcan. Seuls trois sentiers balisés et entretenus par l’Office national des forêts restent ouverts, et certaines portions demeurent interdites pour garantir la sécurité des visiteurs.
« Pour l’instant, seuls les sentiers bien balisés sont accessibles aux randonneurs. Dès qu’un changement d’activité ou une accélération de la sismicité est détecté, nous en avertissons immédiatement la préfecture », rappelle Aline Peltier. Les capteurs servent aussi à suivre la direction potentielle d’un flux de lave, afin d’anticiper d’éventuelles évacuations.
La prévention est essentielle : chaque séisme, chaque gonflement, chaque émission de gaz est analysé pour protéger la population tout en permettant aux scientifiques de poursuivre leurs recherches. « Nous suivons les consignes de la préfecture et recommandons à la population de faire de même », insiste la directrice de l’OVPF.
Comprendre l’imprévisible
Ce réveil progressif rappelle que la surveillance volcanique repose autant sur la science que sur l’expérience. Si les instruments modernes permettent de suivre le magma et de détecter les signaux précoces, le volcan reste imprévisible. La clé de la prévention réside dans l’observation, une communication adaptée et le respect des consignes par le public. À La Réunion, le Piton peut passer de l’ombre à l’action en quelques heures, et les plans de vigilance visent à minimiser les risques tout en poursuivant les recherches.
Cette vigilance autour du Piton de la Fournaise rappelle aussi le suivi nécessaire à Mayotte : le volcan Fani Maoré, sous-marin, montre que l’activité peut être discrète et profonde tout en ayant des répercussions sur les territoires voisins.