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Pokrovsk, cité stratégique de l’Est ukrainien, est en proie à l’assaut des troupes russes, alors qu’elle reste largement désertée par ses habitants. La chute de cette ville, essentielle au plan logistique de Kiev, est redoutée. Le Devoir s’est rendu sur place.
Une ville fantôme sous le feu
Le grondement de l’artillerie résonne dans cette cité désertée. Seules quelques silhouettes se déplacent parmi les gravats et les immeubles éventrés. Les combats font rage aux portes de Pokrovsk, où les forces russes intensifient leurs attaques depuis plusieurs semaines, laissant derrière elles une population âgée, perdue dans un décor de désolation.
Pour accéder à Pokrovsk, il faut emprunter une route boueuse, exposée aux bombardements. La principale artère, qui traverse une voie ferrée, n’est plus qu’une carcasse de béton. Les fenêtres soufflées, les immeubles détruits et les balcons arrachés témoignent des ravages de la guerre.
Un couvre-feu strict a été instauré, n’étant levé que de 11 h à 15 h. Sur les 60 000 habitants avant-guerre, environ 10 000 choisissent de rester, souvent des retraités, vivant sans eau courante, gaz ou électricité. Lida, 74 ans, se déplace avec un landau abîmé et déclare : « Bien sûr que j’ai peur, mais que peut-on faire ? »
Une bataille cruciale
Après les conquêtes de Bakhmout et Avdiïvka, les forces russes concentrent leurs efforts sur Pokrovsk. La ville est désormais à deux kilomètres du front, assaillie sur ses flancs est et sud. La plus grande mine de charbon du pays, située au sud de la ville, a cessé ses activités, aggravant la crise économique locale.
La perte de Pokrovsk constituerait un coup dur pour l’armée ukrainienne, car cette ville est un nœud logistique crucial reliant routes et voies ferrées. Sa perte permettrait aux Russes de diriger leurs efforts vers l’oblast de Dnipro, dont la capitale abrite un million d’habitants.
Des fortifications en place
À 11 heures, le couvre-feu est levé, et quelques habitants se rassemblent devant un bureau de poste. Yura, 62 ans, déclare : « Où pourrais-je aller ? Je n’ai pas d’argent. » Volodymyr et Olya, un couple d’une quarantaine d’années, choisissent également de rester, affirmant : « On s’en sort tout seul, sans aide humanitaire. »
Halyna, une vendeuse de miel de 65 ans, se rend chaque jour à son kiosque, sachant que les soldats achètent souvent chez elle. Elle déclare avec détermination : « Si les *katsapy* [terme péjoratif pour désigner les Russes] arrivent ici, on va les découper. »
Une résistance acharnée
À Pokrovsk, l’exode est omniprésent. Les taxis et les fourgonnettes cherchent à évacuer les habitants. Les trains d’évacuation ne circulent plus depuis septembre, laissant les gens à la merci de leur propre sort. Au centre d’évacuation de Pavlohrad, les déplacés de guerre se présentent, souvent après des explosions dévastatrices.
Oleksandr Kovalenko, analyste militaire, souligne que malgré la pression, l’aide occidentale sera décisive pour l’avenir de la ville. La résistance ukrainienne, combinée aux conditions géographiques, pourrait prolonger cette lutte acharnée.
Une incertitude pesante
Dans le quartier de Chakhtarski, un marché, presque vidé de sa vie, reste ouvert. Ella, une commerçante déplacée, vend des produits alimentaires tout en se lamentant : « Pourquoi on nous tue ? Personne ne comprend ! » Malgré l’incertitude, elle continue de prier pour que les Russes ne parviennent pas jusqu’à elle.
Alors que la guerre fait rage, les habitants de Pokrovsk se retrouvent dans l’attente d’un sort incertain, dans un climat de désespoir croissant.