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L’ancien président de la République fédérale du Nigeria, Muhammadu Buhari, est décédé ce dimanche 13 juillet 2025 à Londres à l’âge de 82 ans, des suites d’une longue maladie. La triste nouvelle a été annoncée en début de soirée sur les réseaux sociaux de Garba Shehu, son ancien porte-parole durant sa présidence de 2015 à 2023. « La famille de l’ancien président a annoncé le décès de Muhammadu Buhari cet après-midi dans une clinique à Londres », a-t-il déclaré. Militaire au caractère rigide devenu civil par nécessité, et autoritaire reconnu converti en démocrate par obligation, Buhari a profondément marqué, de manière plus complexe que simpliste, l’histoire politique du Nigeria.
Hommages et réactions
Les hommages officiels ont afflué après l’annonce de son décès. Son successeur, Bola Tinubu, a salué « un patriote, un soldat, un homme d’État dans l’âme », tout en annonçant l’envoi du vice-président pour rapatrier le corps depuis Londres. Julius Maada Bio, président de la Sierra Leone, a exprimé sa « profonde tristesse » et sa solidarité avec le peuple nigérian. De son côté, Umaro Sissoco Embaló, président de Guinée-Bissau, a rendu hommage à « un grand homme d’État, un père pour moi », appelant tout le monde à prier pour le repos de son âme. Cependant, les réactions sont également plus nuancées. Afolabi Adekaiyaoja, politologue nigérian, a souligné que « sa mort suscite de la tristesse chez certains, de la désillusion chez d’autres », reflétant un homme qui n’a pas réussi à unifier un pays profondément divisé.
Un parcours militaire et politique
Né en 1943 à Daura, dans le nord musulman du Nigeria, dans une famille peule modeste, au sein d’une fratrie de 24 enfants, Buhari n’a jamais véritablement quitté les casernes, même en costume trois pièces. Sa vie a été marquée par l’histoire tumultueuse du Nigeria indépendant, à travers des coups d’État militaires, des enjeux pétroliers et des tensions religieuses.
Au cours de sa carrière militaire, il a été lieutenant lors du coup d’État de 1966 et a servi durant la guerre du Biafra (1967-1970). En 1975, il participe au renversement du général Gowon avant de devenir chef de l’État après le coup d’État de 1983. Son mandat, bien que court, a été brutal et déterminant : il a mené une guerre contre la corruption d’une rigueur extrême, renvoyant des fonctionnaires non ponctuels et traînant des opposants devant des tribunaux spéciaux. Il a même emprisonné Fela Kuti, l’icône de l’afrobeat, pour son opposition au régime.
Un général devenu démocrate
« La discipline n’est pas un luxe mais une nécessité », répétait-il en lançant sa célèbre War Against Indiscipline. Pour beaucoup de Nigérians, Buhari incarnait un père autoritaire, plus craint qu’aimé. Un homme de principes qui, parfois, a payé le prix de son impopularité. Malgré des tentatives de réformes, il a vu son pouvoir fragilisé par des revers militaires et politiques, et a été renversé en 1985 par le général Babangida, avant de sortir de prison trois ans plus tard.
Entré en politique après la démocratisation de 1999, il a subi trois échecs électoraux avant de remporter une victoire historique en 2015 contre Goodluck Jonathan, marquant ainsi un changement significatif dans le paysage politique nigérian.
Un bilan contrasté
Malgré sa promesse de mettre fin à Boko Haram et de lutter contre la corruption, son mandat a été entaché par des défis persistants. L’économie s’est enlisée, le chômage des jeunes a explosé et les inégalités ont perduré. Bien que ses partisans le considèrent comme un dirigeant intègre, ses détracteurs pointent du doigt son absence et son autoritarisme. Sous sa présidence, le Nigeria a vu des crises de sécurité croissantes, culminant avec l’enlèvement de plus de 270 lycéennes à Chibok en 2014, illustrant l’incapacité de l’État à protéger ses citoyens.
Un héritage controversé
Avec son départ, Buhari laisse derrière lui un Nigeria divisé et une démocratie fragile. Son successeur, Bola Tinubu, hérite d’un pays exténué, où la résilience est mise à l’épreuve. L’héritage de Buhari ? Un État fracturé, une jeunesse en quête de changement, mais aussi une nation qui a appris à faire tomber ses leaders par les urnes.