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Un équipe internationale dirigée par le physicien égyptien Mohamed Tharwat Hassan, professeur à l’université d’Arizona, annonce une percée qui pourrait transformer le cryptage quantique et les communications numériques. Dans la revue Light: Science & Applications, les chercheurs rapportent la génération des éclairs lumineux quantiques les plus rapides jamais observés, mesurés à l’échelle des attosecondes, ouvrant la voie à un cryptage inviolable basé sur les lois mêmes de la mécanique quantique.
Illustration visuelle du laboratoire
Retour sur le principe d’incertitude
Pour comprendre l’importance de cette avancée, il faut revenir au principe d’incertitude formulé par Werner Heisenberg en 1927, pierre angulaire de la mécanique quantique.
Ce principe stipule qu’il est impossible de connaître simultanément certaines paires de propriétés d’une particule avec une précision parfaite. Autrement dit, plus on mesure précisément une propriété, moins on connaît précisément l’autre.
Mohamed Tharwat Hassan explique que l’équipe n’a pas seulement mesuré cet « incertain », mais qu’elle a appris à le contrôler en temps réel. « Ce que nous avons fait est la première expérience qui contrôle cette incertitude en temps réel au lieu de se contenter de la mesurer », dit-il. « Nous avons pu gérer l’incertitude comme s’il s’agissait d’un réglage que l’on peut tourner — un accomplissement impossible depuis l’énoncé du principe il y a près d’un siècle. »
Le rôle de la « lumière comprimée »
La clé de l’exploit réside dans un type particulier de lumière appelé « lumière comprimée ». Contrairement à la lumière classique, où l’incertitude se répartit de façon équilibrée entre l’intensité (nombre de photons) et le temps d’arrivée (phase temporelle), la lumière comprimée permet de réduire l’incertitude d’une propriété au détriment d’une autre.
Les chercheurs comparent cela à un ballon que l’on presserait : en comprimant un côté, l’autre gonfle. Grâce à un dispositif complexe nommé « générateur de lumière quantique comprimée », l’équipe a produit des impulsions lumineuses ultracourtes et a observé pour la première fois l’évolution de l’incertitude quantique à l’échelle des attosecondes.
Ils ont même réussi à échanger l’incertitude entre l’intensité et le temps d’une impulsion, instant par instant. « C’est comme si nous pouvions saisir l’incertitude et la manipuler pendant qu’elle se produit », ajoute Hassan.
Avancée majeure pour les communications quantiques
Les systèmes actuels de communications optiques reposent sur des lasers continus et des fréquences de l’ordre du méga- ou gigahertz. Le dispositif de Hassan opère avec des impulsions ultracourtes atteignant des fréquences de l’ordre du pétahertz, soit des millions de fois plus rapides.
Ces impulsions, dont la durée atteint des échelles de l’attoseconde, permettent un transfert d’information à des vitesses extrêmes tout en offrant un contrôle quantique précis des propriétés de la lumière.
Contrairement aux algorithmes numériques qui peuvent, en théorie, être compromis, le cryptage reposant sur ces principes quantiques devient intrinsèquement inviolable : toute tentative d’interception modifie instantanément l’état du signal et est donc détectable. « Avec cette technique, la lumière cesse d’être un simple vecteur de données et devient un outil actif de chiffrement et de contrôle quantique », déclare Hassan.
Applications en biologie et autres domaines
Les retombées potentielles dépassent les communications. Hassan souligne que le pont entre mécanique quantique et transmission ultrarapide ouvre des perspectives en imagerie et en expérimentation biologique de haute précision.
Points d’intérêt pour les chercheurs en biologie :
- Observation plus claire d’échantillons avec une faible intensité lumineuse, réduisant les risques d’endommagement.
- Détection de variations microscopiques au sein des cellules, comme le déplacement d’un électron dans une molécule unique.
- Réduction du bruit quantique permettant d’extraire des signaux très faibles habituellement noyés par le bruit.
Ainsi, la lumière comprimée pourrait permettre d’étudier des processus biologiques délicats sans altérer les structures observées.
Portée philosophique et scientifique
Au-delà de l’impact technologique, Hassan voit dans cette avancée une mutation conceptuelle dans notre rapport au monde quantique. Là où les scientifiques étaient autrefois de simples observateurs de l’incertitude, ils deviennent désormais capables de la concevoir et de la façonner.
« Ce percée n’est pas seulement un exploit technique, c’est un saut philosophique dans notre compréhension du monde quantique », conclut-il. « Nous ne sommes plus seulement des témoins de l’incertitude — nous en sommes les ingénieurs. »