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La Suède relance son armée avec un budget record de 200 milliards d’euros

by Sara
La Suède relance son armée avec un budget record de 200 milliards d'euros
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La mémoire des Vikings est profondément enracinée dans l’identité historique de la Suède. Ces guerriers et explorateurs venus des plaines et des côtes scandinaves ne se limitaient pas à des invasions ; ils étaient aussi commerçants, diplomates et ambitieux maritimes, étendant leur influence jusqu’à Byzance et les terres arabes.

Au IXe siècle, en Europe de l’Est, les Vikings se sont alliés aux groupes slaves pour fonder l’entité de la « Rus’ de Kiev », qui a dominé une vaste région aujourd’hui comprise entre la Russie et l’Ukraine. Cette entité a donné naissance à la civilisation russe et slave. À cette époque, les Suédois étaient connus sous le nom de « Russes », un terme qui, avec le temps, a évolué pour désigner culturellement la région de la Russie et de l’Europe de l’Est.

Face à la montée des grandes puissances européennes telles que la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et la Russie, la Suède a adopté une politique de neutralité militaire. Cette posture était fondée sur ses liens historiques et culturels étroits tant avec les Russes qu’avec les Allemands. Ainsi, la Scandinavie a été perçue comme une région calme et éloignée des conflits majeurs de ces dernières décennies en Europe.

Cependant, la Suède, la plus grande puissance de la région, n’a jamais été marginale dans les équilibres militaires et économiques. Son histoire militaire dépasse largement les campagnes vikings anciennes.

Avant de se draper dans la neutralité durant les XIXe et XXe siècles, évitant les deux guerres mondiales et le pacte de l’OTAN pendant la guerre froide, la Suède fut une grande puissance en mer Baltique et en Europe centrale. Sous le règne de souverains guerriers comme Gustave-Adolphe, elle a étendu son influence sur la Finlande, les Pays baltes, certaines parties de la Norvège et le nord de l’Europe tout au long du XVIIe siècle.

La Suède est parvenue à maintenir un complexe militaro-industriel robuste, lui permettant de protéger sa neutralité face aux pressions soviétiques tout en refusant l’adhésion à l’OTAN. Des entreprises comme Saab et Bofors (liée autrefois à Alfred Nobel) ont dominé ce secteur, Saab intégrant Bofors en 1999 et cédant une partie à BAE Systems en 2005.

Au XXe siècle, la Suède a développé une industrie lourde produisant des marques célèbres telles que Volvo, Scania et Ericsson, tout en perfectionnant ses avions, chars et navires. Ce contexte a préparé le terrain pour des transformations majeures après le recul américain en Europe et la guerre en Ukraine, marquant la fin proche de la neutralité suédoise.

Le Premier ministre suédois, Ulf Kristersson, a annoncé en mars 2025 une ambitieuse modernisation des forces armées suédoises, la plus importante depuis la fin de la guerre froide, avec un budget dépassant 200 milliards d’euros sur les cinq prochaines années. Cette démarche fait suite à l’adhésion de la Suède à l’OTAN l’année précédente, cette dernière venant mettre un terme à près de deux siècles de neutralité vis-à-vis de la Russie depuis la Seconde Guerre mondiale.

Stockholm s’engage progressivement dans la nouvelle politique de sécurité européenne tout en approfondissant ses liens avec Washington. Cette transition reflète un changement stratégique au sein de la Suède, motivé par la volonté de réaffirmer son rôle militaire.

La fin de la neutralité traditionnelle

La Suède a maintenu une politique de neutralité durant les deux guerres mondiales, refusant notamment le passage des troupes allemandes sur son territoire, tout en continuant à commercer avec elles. Après 1945, cette neutralité a perduré tout au long de la guerre froide, bien que Stockholm ait cultivé des relations étroites avec les grandes puissances occidentales, notamment les États-Unis. Elle a participé au plan Marshall et affiché une hostilité marquée envers le communisme.

Malgré un lien militaire discret avec l’OTAN, elle a refusé d’y adhérer, craignant principalement de provoquer l’Union soviétique. Cette prudence visait aussi à protéger la Finlande, avec laquelle la Suède partage des liens étroits et une frontière de 1300 kilomètres avec la Russie. Les menaces soviétiques datent notamment de la guerre d’Hiver dans les années 1930.

La présence russe en mer Baltique demeure significative, notamment à travers la région de Kaliningrad, enclave russe entre la Pologne et la Lituanie. Cette proximité a maintenu une tension constante, poussant la Suède à renforcer sa défense côtière et aérienne. Bien que la politique officielle soit restée neutre, les forces suédoises ont coopéré tacitement avec l’Occident, ce qui a conduit certains analystes à qualifier cette neutralité de partielle.

Dans ce contexte, la Suède a développé une industrie d’armement avancée, notamment avec sa flotte aérienne, classée quatrième mondiale en taille. L’entreprise Saab s’est imposée comme un acteur central de cette industrie militaire.

Adhésion à l’OTAN et montée en puissance

Après la guerre froide, la Suède a renforcé sa coopération avec l’OTAN via le programme « Partenariat pour la paix » lancé en 1994, participant à des missions internationales en Irak et en Afghanistan. Elle a organisé en 2017 le grand exercice militaire « Aurora 17 » axé sur la défense de l’île stratégique de Gotland en mer Baltique, dans un contexte de tensions accrues suite à l’annexion russe de la Crimée en 2014.

La guerre en Ukraine, débutée en 2022, a accéléré le débat sur l’adhésion complète à l’OTAN, une idée déjà explorée depuis l’entrée de la Suède dans l’Union européenne en 1995. Après moins de trois mois de conflit, la Suède a officiellement déposé sa candidature conjointe avec la Finlande, malgré la résistance initiale de la Turquie et de la Hongrie, qui ont bloqué la ratification jusqu’en mars 2024.

Déjà, la Suède dépense 2,4 % de son PIB pour la défense, dépassant ainsi l’exigence de 2 % pour les membres de l’OTAN. La nouvelle stratégie gouvernementale prévoit d’augmenter cette part à 3,5 % d’ici 2030.

Modernisation et expansion des forces armées

  • Augmentation des effectifs militaires de 88 000 à 115 000 soldats d’ici 2032, puis à 127 000 en 2035, intégrant professionnels et conscrits.
  • Création de deux nouveaux régiments d’infanterie dans la région du Norrland, au nord du pays.
  • Acquisition de 44 chars d’assaut allemands Leopard 2 de troisième génération et modernisation de 66 autres chars existants.
  • Achat et modernisation de véhicules blindés CV 90, adaptés aux conditions climatiques et capables d’opérer contre des cibles terrestres et aériennes.
  • Renforcement de la flotte aérienne avec de nouveaux avions de transport C-390 Millennium de fabrication brésilienne, remplaçant les Lockheed Martin KC-130 en service.

Défense spatiale et menaces hybrides

En juin 2024, la Suède a adopté pour la première fois une stratégie d’« espace de sécurité et de défense ». Cette stratégie comprend :

  • Assurer la liberté d’action dans l’espace.
  • Développer les capacités spatiales nationales.
  • Promouvoir la coopération internationale dans le domaine spatial.
  • Mettre en place un modèle basé sur la connaissance et la surveillance.

Avec des infrastructures comme le centre spatial Esrange, initialement dépendant de l’Agence spatiale européenne puis transféré à l’agence spatiale nationale suédoise, la Suède se positionne comme un acteur clé pour renforcer les capacités spatiales de l’OTAN en Europe.

La multiplication des menaces hybrides — cyberattaques, sabotages d’infrastructures, manipulations médiatiques — a poussé la Suède à investir dans des systèmes de surveillance, la cybersécurité, et à lancer des satellites militaires, dont le premier, NAE 3, a été lancé en août 2024 depuis la base californienne de Vandenberg.

Sécurisation de la mer Baltique

La mer Baltique constitue une zone stratégique majeure, séparant la Suède de la Russie et partagée avec la Finlande, les États baltes et le Danemark. La présence d’infrastructures essentielles, notamment des gazoducs russes vers l’Allemagne, renforce son importance sécuritaire.

En réponse aux soupçons de sabotages sur des câbles sous-marins et sur le gazoduc Nord Stream 2, Stockholm prévoit :

  • La modernisation des frégates Visby avec des systèmes de défense aérienne.
  • Le développement de frégates plus grandes de classe Luleå encore en cours de conception.
  • La construction et l’intégration de deux nouvelles sous-marins de classe Blekinge par Saab, qui porteront la flotte totale à cinq unités d’ici 2028.

La maîtrise de technologies avancées comme la propulsion indépendante de l’air, permettant aux sous-marins de rester immergés longtemps sans avoir besoin d’oxygène, confère à la Suède un avantage stratégique dans cette région sensible.

Un retour remarqué sur la scène militaire européenne

Selon les analystes, les efforts militaires de la Suède sont d’autant plus remarquables qu’il s’agit d’un pays de dix millions d’habitants disposant d’une industrie militaire avancée. La neutralité, bien qu’imposée, a été un moteur pour le développement de capacités militaires et industrielles autonomes. Des entreprises comme Saab et Bofors restent des piliers de cette industrie.

Historiquement, la Suède fut aussi l’un des premiers pays industrialisés à développer une industrie lourde majeure, et un exportateur important de minerai de fer, facilitant l’entrée dans la fabrication d’armes.

La récente adhésion à l’OTAN marque un tournant majeur. Elle met fin à environ deux siècles de neutralité, position longtemps maintenue même dans des conditions parfois très difficiles — alors que les voisins finlandais combattaient l’URSS, ou que la Norvège et le Danemark étaient occupés par les nazis.

Ce changement est en partie motivé par la guerre russe en Ukraine, ainsi que par le désengagement progressif des États-Unis de la sécurité européenne, au profit de la région Asie-Pacifique.

La Suède se positionne désormais comme un allié fiable au sein de l’OTAN, démontrant que son adhésion profite non seulement à sa sécurité, mais renforce également l’ensemble de l’alliance.

source:https://www.aljazeera.net/politics/2025/7/1/%d8%b9%d9%88%d8%af%d8%a9-%d8%a7%d9%84%d9%81%d8%a7%d9%8a%d9%83%d9%8a%d9%86%d8%ba-%d9%84%d9%85%d8%a7%d8%b0%d8%a7-%d8%b3%d8%aa%d9%86%d9%81%d9%82-%d8%a7%d9%84%d8%b3%d9%88%d9%8a%d8%af

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