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Pourquoi le projet Vanaheim échoue face aux drones en Ukraine

by Sara
États-Unis, Royaume-Uni, Ukraine, Russie

Les champs de bataille en Ukraine sont devenus un laboratoire accéléré pour la technologie militaire, où les capacités opérationnelles évoluent plus vite que dans de nombreux programmes d’armement officiels. Le projet Vanaheim, lancé pour contrer les petites plateformes aériennes sans pilote, illustre ce fossé : conçu comme une réponse rapide, il se heurte à des tactiques et des innovations de terrain qui changent chaque jour.

Des systèmes légers pour contrer les micro‑drones

Lancé en mars 2025 lors d’un salon aéronautique au Royaume‑Uni, Vanaheim est une initiative conjointe du ministère britannique de la Défense et de l’armée américaine. L’objectif est d’accélérer le développement de systèmes de défense anti‑drones conçus pour neutraliser les petites plateformes largement employées en Ukraine, tant pour la reconnaissance que pour les frappes de précision.

Plutôt qu’un programme de production centralisé, Vanaheim sert de plate‑forme d’essais sur le terrain pour une vingtaine d’entreprises spécialisées. Après des évaluations estivales, le projet a réduit la sélection à huit solutions jugées les plus efficaces, en vue d’une phase suivante d’intégration et d’essais à plus grande échelle.

  • But principal : fournir des systèmes portables et faciles d’emploi pour le soldat de première ligne.
  • Cibles prioritaires : drones de catégorie B‑1 et C‑1, transportables à la main ou lancés à courte distance.
  • Focus technique : rendre la défense anti‑drones accessible sans dépendre exclusivement d’unités de guerre électronique spécialisées.

Radar actif et radar passif : une combinaison nécessaire

Vanaheim s’appuie sur une architecture multi‑capteurs visant à fournir un « conscience du champ de bataille » face aux micro‑drones : détection, classification, puis neutralisation. Parmi les capteurs testés figurent de petits radars basse puissance destinés à repérer des cibles à faible signature, même par mauvais temps.

Des sociétés comme DeDRON (société américano‑allemande spécialisée dans la sécurité de l’espace aérien) décrivent un usage complémentaire de deux familles de radars :

  • Radars actifs : émettent des ondes courtes et mesurent les échos réfléchis par un objet volant.
  • Radars passifs : n’émettent rien et se contentent de capter les émissions ou perturbations provenant du drone ou de son émetteur.

Le passif complique la localisation du détecteur par l’adversaire, tandis que l’actif apporte une mesure précise de la distance et de la direction lorsque nécessaire. Cette dualité est cruciale contre des drones « silencieux » qui minimisent leurs émissions radio.

Soldats ukrainiens testant un drone artisanal

L’innovation sur le terrain devance Vanaheim

Malgré ces préparations, le rythme des adaptations sur le front ukrainien a rendu certaines hypothèses du projet obsolètes en quelques mois. Quatre mois après le lancement, de nouvelles formes d’attaque sont apparues, non prévues lors des essais européens.

En juillet 2025, un officier ukrainien a alerté à Londres : les forces russes multiplient l’emploi de drones FPV (First Person View) commandés via des câbles en fibre optique. Ces liaisons filaires transportent le flux vidéo et le contrôle sans aucun rayonnement radio, rendant inefficaces les techniques habituelles de brouillage.

Conséquences :

  • Immunité contre le brouillage radio classique.
  • Options de riposte limitées : couper physiquement le câble, abattre le drone ou recourir à des armes à énergie dirigée.
  • Reconnaissance des limites des essais initiaux de Vanaheim qui n’avaient pas inclus ce type de menace.

Du « kill soft » au « kill hard »

Les méthodes préférées pour neutraliser les drones reposent souvent sur le « kill soft » : brouillage des liaisons radio ou perturbation du GPS pour forcer le drone à exécuter des protocoles de sécurité (retour au point de départ ou atterrissage). Cette approche réduit les risques collatéraux et reste économique.

Face aux drones filaires ou autonomes, le « kill soft » devient insuffisant. Les forces doivent alors employer le « kill hard » : destruction physique du drone par tirs cinétiques ou ciblage par systèmes laser de haute énergie.

  • Moyens cinétiques : armes légères de précision pour abattre la plateforme.
  • Armes à énergie dirigée : lasers pour neutraliser ou brûler les composants sensibles.
  • Interception par drones : plateformes intercepteurs ou dispositifs de capture (filets, collisions contrôlées).

Ces solutions exigent davantage de coordination, d’énergie et de logistique, mais elles restent parfois les seules options viables sur le terrain.

Soldat russe prêt à tirer sur des drones ukrainiens

Le système « Sentinel » : une réponse en essaim

Parmi les solutions proposées pour contrer les drones à liaison filaire figure « Sentinel », développé par la société allemande Alpine Eagle. Le concept mise sur un réseau de petites plateformes volantes qui créent une bulle de détection et d’interception au‑dessus du champ de bataille.

Caractéristiques clés :

  • Intégration de radars spécialisés pour petites cibles, caméras optiques et thermiques.
  • Traitement de données assisté par vision par ordinateur et intelligence artificielle pour classifier rapidement les menaces.
  • Plateformes porteuses lançant plusieurs intercepteurs en formation (« squadron ») pour neutraliser par collision dirigée, filets ou attaques coordonnées.

Sentinel ne repose pas uniquement sur le brouillage radio et peut détecter les signatures radar et visuelles des drones, ce qui le rend adapté face aux menaces filaires ou insensibles au brouillage.

Cependant, le système doit encore surmonter des défis opérationnels et juridiques : autonomie et gestion de l’énergie des plateformes, coordination avec l’aviation habitée, limitations météorologiques et règles d’engagement dans des zones proches du civil.

Enjeux et enseignements

Le cas de Vanaheim illustre un constat plus large : la guerre moderne, notamment en Ukraine, accélère l’innovation tactique à un rythme qui dépasse souvent les cycles de développement des programmes officiels. Les adaptations adverses — comme l’utilisation de fibres optiques pour gouverner des FPV — peuvent rendre obsolètes des solutions testées quelques mois plus tôt.

Pour rester pertinentes, les initiatives de défense anti‑drones devront :

  • prévoir un spectre large de menaces, y compris les liaisons filaires et les drones autonomes ;
  • combiner capteurs et modes d’interception (électronique, cinétique, énergétique, intercepteurs) ;
  • améliorer la modularité et la rapidité de mise à jour des systèmes testés sur le terrain.

Le défi reste de concevoir des capacités déployables par le soldat individuel tout en conservant la flexibilité nécessaire pour répondre à des tactiques qui évoluent en quelques heures plutôt qu’en années.

source:https://www.aljazeera.net/politics/2025/11/20/%d9%81%d8%a7%d9%86%d9%87%d8%a7%d9%8a%d9%85-%d9%85%d8%b4%d8%b1%d9%88%d8%b9-%d8%b9%d8%b3%d9%83%d8%b1%d9%8a-%d8%a3%d9%85%d9%8a%d8%b1%d9%83%d9%8a-%d9%85%d8%a7%d8%aa-%d9%82%d8%a8%d9%84-%d8%a3%d9%86

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