Table of Contents
La visite du ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, à Bakou s’inscrit dans un contexte sensible où histoire partagée, réseaux humains transfrontaliers et projets économiques régionaux se mêlent aux enjeux de sécurité et aux rivalités d’influence.
Objectif affiché : apaiser les tensions et ouvrir une page plus pragmatique dans les relations Iran-Azerbaïdjan, en renforçant le dialogue politique, énergétique et sécuritaire entre les deux voisins.
Lors d’une conférence de presse conjointe, Araghchi a insisté sur le maintien du dialogue comme moyen de résoudre tout malentendu et de prévenir les escalades. Extrait de son intervention (partagé sur les réseaux) : « nous avons choisi la voie du dialogue pour régler tout malentendu ». Voir le message partagé.
Messages d’apaisement
Le ministère iranien des Affaires étrangères a présenté la visite comme une étape visant à « approfondir les relations bilatérales et élargir les espaces de compréhension avec les voisins ». La diplomatie iranienne a souligné que le dialogue est la voie la plus sûre pour dissiper les incompréhensions.
Le porte-parole de la diplomatie iranienne, Esmaïl Baqaï, a rappelé :
- les liens historiques et culturels entre Téhéran et Bakou ;
- la volonté d’ouvrir un nouveau chapitre de coopération ;
- la nécessité de canaux de communication directs pour empêcher toute exploitation extérieure des divergences.
De son côté, le chef de la diplomatie azerbaïdjanaise, Jeyhun Bayramov, a fait de la consolidation de la confiance mutuelle la condition de tout développement des relations.
Le président Ilham Aliyev a, selon les médias azerbaïdjanais, qualifié la visite d’« étape importante pour consolider la stabilité dans le Caucase du Sud » et réaffirmé l’appréciation de Bakou pour ses relations avec l’Iran.
Proximité et inquiétudes
Les liens entre Iran et Azerbaïdjan s’expliquent par une forte proximité démographique et culturelle : une part significative d’Azerbaïdjanais vit en Iran, et, après l’Iran, l’Azerbaïdjan compte l’une des plus fortes populations chiites au monde.
Selon le chercheur Reza Ghabishavi, ces proximités créent une interdépendance sociale et religieuse particulière. Il rappelle aussi l’histoire commune avant les traités de Gulistan et de Turkmânchâh au XIXe siècle, mémoire encore vivante dans les représentations iraniennes.
Cependant, la visite intervient dans un climat de méfiance croissante à Téhéran vis-à-vis du rôle israélien en Azerbaïdjan, accentuée après l’attaque récente contre l’Iran. Des voix iraniennes accusent Bakou de coopérations sécuritaires avec Tel-Aviv, ce que Téhéran cherche à clarifier au cours des entretiens.
Les préoccupations iraniennes incluent notamment :
- la possibilité d’utilisation du territoire azerbaïdjanais pour des opérations contre l’Iran ;
- l’émergence d’un ancrage américain/israélien à ses frontières, notamment via des projets comme le corridor de Zangazour.
Diplomatie de l’équilibre
Pour l’analyste Ashkan Mombini, la visite s’inscrit dans une stratégie iranienne cohérente : renforcer les relations avec les voisins et promouvoir une coopération régionale constructive, afin de préserver un équilibre face aux ingérences extérieures.
Il met en avant l’importance d’un cadre régional de concertation, souvent évoqué sous la formule « 3+3 », regroupant les trois pays du Caucase du Sud (Azerbaïdjan, Arménie, Géorgie) et trois États riverains (Iran, Russie, Turquie).
Selon cet angle, la coopération entre Téhéran et Bakou pourrait :
- contribuer à la stabilité du Caucase du Sud ;
- éviter l’appropriation des équilibres régionaux par des puissances extérieures ;
- favoriser des projets conjoints en matière d’énergie et d’infrastructures.
L’instance 3+3 est présentée comme une plateforme utile pour coordonner la sécurité et protéger les intérêts régionaux, dans laquelle l’Iran entend jouer un rôle actif.
Impact de la présidence
Des observateurs soulignent l’effet du président iranien Massoud Pezeshkian — d’origine azérie — sur l’amélioration des relations. Ses visites répétées à Bakou ont permis d’établir des canaux personnels de dialogue avec Ilham Aliyev.
À l’appui de cette dynamique, des rencontres bilatérales récentes ont abordé des dossiers clefs : énergie, corridors terrestres et sécurité des frontières. Les responsables iranien et azerbaïdjanais ont affirmé leur volonté que la résolution pacifique et le dialogue direct demeurent les mécanismes privilégiés pour gérer les différends.

La visite d’Araghchi est présentée à Téhéran comme une pièce d’un effort diplomatique plus large visant à éliminer les causes de tension et à inscrire les relations Iran-Azerbaïdjan dans une trajectoire de coopération durable.
Scénarios et enjeux à venir
La visite constitue un test pour une relation marquée à la fois par des racines historiques profondes et par d’importantes préoccupations sécuritaires. Deux lectures s’opposent :
- celles qui insistent sur les risques liés aux alliances extérieures et aux projets de corridors facilitant des présences étrangères ;
- et celles qui voient une opportunité de coopération pragmatique sur l’énergie, les infrastructures et la sécurité régionale.
Le futur des relations Iran-Azerbaïdjan dépendra de la capacité des deux pays à gérer leurs différends sans rupture, à institutionnaliser le dialogue et à trouver des projets communs qui renforcent la confiance et la stabilité dans le Caucase du Sud.