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Khartoum exhume des corps pour leur rendre leur dignité alors que la ville tente de se relever après des mois de combats qui ont dévasté les infrastructures et provoqué des déplacements massifs.
Contexte et chiffres
Dans les mois les plus sombres du conflit, des familles ont enterré leurs proches dans des lieux publics, devant les maisons, les mosquées ou les écoles, pendant que les Forces de soutien rapide et l’armée s’affrontaient pour le contrôle de la capitale. Selon Hesham Zein al-Abdeen, directeur de l’autorité de médecine légale à Khartoum, « Il y a 317 tombes ici, dans le quartier. Tous sont des citoyens inhumés dans la précipitation par leurs proches ». Le terrain d’al-Azhari, balayé par les débris et les outils, révèle des tombes improvisées alignées comme des repères pour la mémoire des morts.
Depuis la reprise de la ville par l’armée en mars, les familles peuvent espérer une sépulture digne. Jawaher Adam déclare: « Ma fille est morte alors qu’elle allait simplement acheter des chaussures ». Selon elle et à l’AFP, « Nous n’avions nulle part où l’enterrer, sauf ici, dans le quartier ». « Même si c’est douloureux, je tiens à préserver la dignité de la défunte ».
Exhumations, conditions et impact
Chaque corps est désinfecté, enveloppé, étiqueté, puis chargé avec précaution à l’arrière d’un camion, direction le cimetière d’Al-Andalous, à une dizaine de kilomètres.
Le conflit rend impossible l’établissement d’un bilan officiel. Rien que durant la première année, l’ancien émissaire américain Tom Perriello avait estimé à 150 000 le nombre de morts. Des fosses communes ont été mises au jour dans plusieurs quartiers et quelque 2 000 corps ont déjà été réinhumés, mais l’estimation des dépouilles enterrées de façon informelle pourrait atteindre 10 000 à travers la capitale. Le Comité international de la Croix-Rouge recense 8 000 disparus l’an dernier, chiffre qui, selon l’organisation, ne serait que « la partie émergée de l’iceberg ».
Pour Youssef Mohamed al-Amin, chef du village de Jebel Awliya, ces exhumations constituent un signe d’espoir: le terrain d’al-Azhari, initialement destiné à accueillir une école, pourrait être réaffecté à sa vocation première. « La présence de ces restes empêchait la construction d’écoles », explique-t-il. « Nous procédons au transfert des corps pour que le site retrouve sa fonction initiale. »
Perspective humanitaire et avenir
Khartoum et le Soudan dans leur ensemble restent meurtris: la guerre se poursuit dans le Darfour occidental et le Kordofan-Sud. Avant le conflit, la ville comptait près de neuf millions d’habitants; plus de 3,5 millions ont été contraints de fuir. L’ONU anticipe le retour de plus de deux millions de personnes d’ici la fin de l’année, sous réserve de l’évolution de la sécurité et de l’état des infrastructures. Aujourd’hui encore, une grande partie des quartiers demeure privée d’électricité.