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Soudan : tensions militaires et efforts politiques en pleine crise

by Sara
Soudan

Après plus de 28 mois de guerre, le Soudan connaît une montée des tensions militaires dans le centre et l’ouest du pays, tandis que des efforts politiques discrets cherchent à éviter une fragmentation. La communauté internationale a durci le ton face aux Forces de soutien rapide (RSF), rejetant toute tentative de former un gouvernement parallèle dans les zones qu’elles contrôlent.

Sur le terrain, l’armée concentre désormais son effort sur le Kordofan en prévision d’opérations décisives vers le Darfour, pendant que des retours massifs de réfugiés et de déplacés internes s’accélèrent.

Contexte militaire et déplacements des fronts

Depuis que l’armée a repris le contrôle des États du centre du Soudan et de Khartoum en mai, elle a redéployé ses forces vers le Kordofan. Elle a réalisé des avancées notables au nord et à l’ouest de la région.

Les RSF ont néanmoins freiné cette progression en massant d’importants effectifs et en transformant le Kordofan en une ligne de défense avancée protégeant le Darfour.

  • L’armée a multiplié les frappes avec des drones pour couper les lignes d’approvisionnement des RSF et viser leurs commandements et véhicules.
  • Pour la première fois depuis le déclenchement du conflit, des éléments du Mouvement populaire – Nord, dirigé par Abdel Aziz al-Hilu, ont opéré hors de leurs bases du Sud-Kordofan en alliés des RSF.
  • Cette alliance a contribué aux récentes attaques contre la ville d’Al-Fashir et au siège de Kadugli et Dilling, provoquant une crise humanitaire comparable à celle d’Al-Fashir.

Soldats arrivant au marché d'Allafah dans une zone reprise récemment par l'armée soudanaise

Soldats arrivant au marché d’Allafah, dans une zone reprise récemment par l’armée soudanaise des mains des RSF.

Une nouvelle phase d’opérations en préparation

L’armée et ses forces alliées déclarent viser le levée des sièges pesant sur plusieurs villes, dont Al-Fashir et Babanusa à l’ouest du Kordofan. Des mouvements de troupes et une importante mobilisation politique ont été signalés à El-Obeid (chef-lieu du Nord-Kordofan) et à Port-Soudan, capitale administrative provisoire.

L’analyste militaire Aboubakr Abdel Rahim prévoit des affrontements « chauds » dans les semaines à venir. Selon lui, l’armée a mené des opérations d’usure en prévision d’une grande confrontation, à l’instar des combats de l’année précédente à Jebel Moya (Sennar) et à Wad Madani (État d’Al-Jazirah).

  • La visite du président du Conseil de souveraineté et chef de l’armée, Abdel Fattah al-Burhan, aux lignes avancées à Rheid Nuba (Nord-Kordofan), suivie deux jours plus tard par la présence de son adjoint Yasser al-Atta, est perçue comme un signe de préparation d’une offensive.
  • L’un des objectifs affichés est d’anticiper toute négociation susceptible de figer les lignes de front actuelles.

Parade de l'armée soudanaise dans les rues de Gedaref

L’armée se déplace vers le Kordofan avec l’objectif d’anticiper d’éventuelles négociations de paix.

Escalade diplomatique et condamnations internationales

La semaine dernière, le Conseil de sécurité a publié une déclaration rejetant toute annonce de gouvernement parallèle au Soudan, estimant qu’une telle démarche menace l’unité du pays et aggrave le conflit. Le Conseil a rappelé sa résolution 2736 (2024) appelant au levée du siège d’Al-Fashir.

Plusieurs réactions internationales ont suivi :

  • L’envoyé américain Masud Boulos a condamné la mort de civils dans le camp d’Abu Shouk à Al-Fashir et demandé la fin du siège.
  • Le ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, a évoqué la possibilité de saisir la Cour pénale internationale pour poursuivre les responsables des violations des droits des civils.
  • Le ministère allemand des Affaires étrangères a averti que « des centaines de milliers » d’habitants d’Al-Fashir risquent la famine.

Des sources proches de la situation indiquent que la rencontre entre al-Burhan et l’émissaire américain à Zurich a fait suite à des accords sécuritaires entre Khartoum et Washington, couvrant la lutte contre le terrorisme, la migration irrégulière et le trafic d’êtres humains. Un envoyé américain devrait se rendre prochainement à Port-Soudan.

Le président du Conseil de souveraineté soudanais Abdel Fattah al-Burhan lors d'un discours

La rencontre d’al-Burhan avec l’envoyé américain a fait l’objet d’une série d’accords sur des dossiers sécuritaires.

Mouvements et recalibrages politiques internes

Sur le plan politique, la polarisation entre forces pro-armées, groupes alliés aux RSF et acteurs civils persistait depuis le début du conflit. Mais l’évolution des combats et la pression régionale et internationale ont poussé plusieurs acteurs à revoir leurs positions.

Des réunions discrètes entre anciens rivaux ont abouti à des compromis de principe sur la nécessité de concessions réciproques pour préserver l’unité nationale.

  • Des médiateurs de l’Union africaine, de l’IGAD, de l’Union européenne et de l’organisation finlandaise CMI ont tenu des consultations avec les Forces de la liberté et du changement – Bloc démocratique.
  • La tenue d’une réunion en septembre à Helsinki est envisagée pour rapprocher la « coalition Tasis » (alliée aux RSF) et le mouvement « Sumud » dirigé par Abdallah Hamdok.
  • Certaines forces à base islamique ont toutefois boycotté des consultations non officielles organisées par une ONG française à Brazzaville, dénonçant une classification partisanes des participants.
  • À Port-Soudan, la commission politique du Conseil de souveraineté multiplie les rencontres pour préparer la formation d’un parlement de transition et une feuille de route pour un dialogue national inclusif.

Retours massifs de déplacés et reprise progressive des services

Sur le plan humanitaire, la stabilisation relative de Khartoum et des États centraux a permis une accélération des retours. Les agences onusiennes estiment à plus de 1,3 million le nombre de personnes revenues depuis le début de l’année.

Les autorités avancent des chiffres plus élevés dans certaines régions : elles parlent de plus de 3 millions de retours dans les seuls États d’Al-Jazirah et de Sennar.

  • Des vols gratuits depuis Le Caire et un renforcement des liaisons ferroviaires entre l’Égypte et le Soudan ont facilité les rapatriements.
  • Des routes maritimes via la mer Rouge, notamment depuis Djeddah, ont été rouvertes.
  • Les médias soudanais reviennent progressivement à Khartoum : des équipes de journalistes et des imprimeurs préparent la reprise de publications imprimées interrompues depuis longtemps.

Familles déplacées fuyant l'État de Sennar, accueillies dans l'État de Kassala

Familles déplacées ayant fui l’État de Sennar et trouvant refuge dans l’État de Kassala.

Les autorités déclarent également la remise en service de la plupart des réseaux d’eau, la perspective d’un retour complet de l’électricité à Khartoum d’ici la fin septembre, et la préparation d’une réouverture partielle de l’aéroport de Khartoum aux vols intérieurs.

source:https://www.aljazeera.net/politics/2025/8/19/%d8%a7%d9%84%d8%b3%d9%88%d8%af%d8%a7%d9%86-%d8%aa%d8%ad%d9%88%d9%84-%d8%af%d9%88%d9%84%d9%8a-%d9%88%d9%85%d8%b9%d8%a7%d8%b1%d9%83-%d8%b3%d8%a7%d8%ae%d9%86%d8%a9-%d9%88%d8%ad%d8%b1%d8%a7%d9%83

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