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Cité Plantagenêt, cœur historique du Mans. En son centre, une cathédrale splendide cernée de ruelles pavées et de maisons à pans de bois, qui domine la capitale de la Sarthe. C’est de ce promontoire entouré d’une muraille romaine que Stéphane Le Foll observe le paysage politique national. L’ex-ministre de l’Agriculture et ami de François Hollande ne s’en mêle que de loin.
Les Insoumis mettent Le Foll en rogne
Ce matin de novembre, Stéphane Le Foll est un peu ronchon. Malgré l’heure matinale, la cravate est déjà relâchée, comme sans doute elle le sera toute la journée. À vrai dire, il est toujours un peu dans cet état d’esprit, ce qui lui a valu de se fâcher avec pas mal de ténors du Parti socialiste. Mais, au moins, il ne tourne pas autour du pot. Quand il parle, on l’écoute, surtout quand il vous toise de sa très haute stature. Et Stéphane Le Foll a pas mal de choses à dire.
Mélenchon, d’abord. Les Insoumis le mettent en rogne. « Il faudrait faire le total de tout ce qu’ils veulent financer par les impôts et le retour à la retraite à 60 ans ! » fulmine sans attendre son double café Le Foll sous sa belle chevelure blanche. L’une des proches des Insoumis lui court en particulier sur le système. « Sandrine Rousseau a dit, en parlant de la présidentielle aux États-Unis : “Ce sera une élection genrée et racisée.” Rendez-vous compte, elle ne parle même pas de Kamala Harris comme d’une candidate démocrate ! »
Olivier Faure ne travaille pas, il fait des congrès ; il n’affirme rien, il ne fait qu’accompagner LFI, déplore Stéphane Le Foll.
La dérive du wokisme
Surtout depuis le mariage de la Nupes, Stéphane Le Foll ferraille contre l’un de ses meilleurs ennemis, qui fut son collaborateur à Solférino au cabinet de François Hollande : Olivier Faure, artisan du mariage avec LFI. Le maire du Mans, qui s’est bon gré mal gré rangé derrière le Nouveau Front populaire en juin parce que le RN était aux portes du pouvoir, fait d’une pierre deux coups. Un, il tape sur Faure : « Il ne travaille pas, il fait des congrès ; il n’affirme rien, il ne fait qu’accompagner LFI. » Deux, il dénonce la domination des Insoumis au sein du NFP. « LFI, c’est la gauche qui va vers l’échec. Elle ne parle plus aux ouvriers. Jean-Luc Mélenchon est toujours dans une logique marxiste, anticapitaliste. Or, on est passé de la lutte des classes à la lutte contre le déclassement. »
Lui, le fils d’instit breton, est aux avant-postes pour vivre l’évolution du « peuple », ce mot qu’aime tant Mélenchon. Il la voit dans les quartiers populaires du Mans. Autrefois, il y a une génération ou deux, une majorité de la population mancelle était prise en charge de la naissance à la retraite soit par la SNCF, soit par l’usine Renault. Ces deux mastodontes locaux ont périclité, la population ouvrière s’est rétrécie, elle cherche des raisons à son déclassement, et des responsables. Dans les quartiers cheminots et Renault, désormais, le vote RN prime. « À gauche, on défend toujours la hausse généralisée du smic et les 32 heures. Mais ceci ne correspond en rien aux aspirations populaires aujourd’hui », observe-t-il.
Comprendre la société actuelle
Dans sa belle mairie du Mans, Stéphane Le Foll tente de mieux comprendre la société. Il s’inspire du travail des sociologues tels que Dominique Schnapper et Pierre Rosanvallon, avec lequel il aimerait bientôt échanger. Il souligne et regrette plusieurs mouvements qui traversent le pays. La lente dérive vers l’individu, d’abord, favorable au… wokisme. « C’est une forme d’individualisation, car le wokisme revendique les droits de tel ou tel au sein de la communauté. Ce n’est que de l’aspiration individuelle », dit-il. La droite, expose Le Foll, sait répondre à ce repli sur soi « avec l’ordre, l’autorité, l’immigration », autant de marqueurs individuels. « À gauche, on est incapable d’accompagner ce mouvement », regrette-t-il.
Le projet présidentiel de la gauche
Curieusement, le Manceau préfère pour l’instant observer l’agitation politique sans y prendre une part active. « J’observe tout ça avec recul », dit-il comme un vieux sage sarthois. Il n’a même pas participé aux diverses rencontres organisées, un peu partout en France, par les tenants d’une ligne sociale-démocrate, dite « responsable » par opposition aux outrances insoumises. Il se demande quelle est la ligne politique exacte. « On parle de “gauche responsable”, mais ça n’a jamais fait rêver personne. Il faut des choses concrètes, on l’a vu avec la campagne de Trump. »
Le maire du Mans, supporteur effréné du club de football de la ville, préfère travailler en coulisses. Avant l’été prochain, il écrira un livre, sorte de programme pour la gauche. Son entourage l’assure : il ne compte pas, en tout cas pas pour l’instant, abandonner la Cité Plantagenêt pour l’Élysée. Mais il veut aider la gauche à conquérir le palais présidentiel.
Stéphane Le Foll a pour ce défi un favori : Bernard Cazeneuve. L’avocat, à la tête de son mouvement La Convention, vient d’entamer un tour de France pour rencontrer les militants de gauche (et d’ailleurs). Il fait phosphorer de nombreux experts et a promis, dans quelques mois, la parution d’un projet présidentiel. « Son initiative est très bonne, bienvenue à tous ceux qui le voudront », salue Le Foll. L’ex-ministre de l’Agriculture proposera d’ailleurs à l’ex-Premier ministre un débat avant l’été, pour échanger sur leurs programmes présidentiels respectifs. Une bonne raison d’abandonner, un peu, la jolie Cité Plantagenêt.