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Neuf mois après le changement de pouvoir en Syrie, le débat sur la réussite ou l’échec de la transition politique continue d’alimenter les discussions publiques.
Un épisode du programme « باب حوار » diffusé le 19 octobre 2025 a réuni chercheurs et journalistes pour examiner si cette durée suffit à porter un jugement réaliste sur la nature et l’avenir de la gouvernance en Syrie.
Arguments pour la patience
Plusieurs intervenants ont plaidé en faveur d’une lecture mesurée et patiente de la période transitoire. Ils rappellent le contexte exceptionnel dans lequel se déroule ce processus.
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Omar Idlibi (chercheur en sciences politiques) souligne que la transition s’est opérée au milieu de défis majeurs :
– instabilité sécuritaire persistante ;
– difficultés économiques et pressions externes ;
– nécessité de transformer des forces militaires en institutions gouvernementales. - Idlibi insiste sur le poids des divisions héritées des années de conflit. Selon lui, succès et échecs coexistent naturellement dans toute autorité en transition.
- Malak Sweid (journaliste) invoque la mise en perspective historique pour tempérer les jugements rapides. Elle compare la situation actuelle à des épisodes historiques tels que la Révolution française, en rappelant que les bouleversements majeurs ont souvent entraîné des périodes d’instabilité longues et violentes.
- Nadia Kamaluddin met l’accent sur l’absence préalable des bases de l’État en Syrie. Pour elle, la nouvelle administration doit « reconstruire à partir de zéro » dans un contexte où la population porte des traumatismes profonds.
- Ces voix soutiennent que les périodes de transition exigent du temps pour apprendre de leurs erreurs et consolider les institutions.
Voix critiques : opportunités perdues et alarmes
À l’opposé, des analystes et universitaires rejettent l’idée de tolérer des erreurs prolongées et appellent à un jugement immédiat.
- Rahaf al-Daghli (professeure de sciences politiques) refuse la thèse selon laquelle le pouvoir « apprendrait » de ses fautes. Elle considère cette analyse comme inadaptée à la nature du régime en place.
- Al-Daghli rappelle que l’autorité a bénéficié d’un contexte exceptionnel : approbation internationale, espoir populaire et soutien régional. Elle affirme que ces avantages ont été gaspillés au profit de loyautés personnelles.
- Elle évoque des chiffres selon lesquels les victimes d’actes de violence auraient dépassé le millier, ce qui, à ses yeux, justifie de qualifier la période transitoire d’échec malgré l’héritage autoritaire et les quatorze années de guerre.
- Le journaliste et chercheur Shadi Abu Karam partage cette critique, estimant que l’autorité actuelle doit être jugée dès maintenant et non reportée.
- Abu Karam évoque des événements graves survenus durant ces mois : deux massacres majeurs et des milliers d’erreurs individuelles. Il accuse le pouvoir de refuser une rupture nette avec l’ancien autoritarisme et met en garde contre des signes de formation d’une nouvelle dictature.
- Pour ces critiques, attendre des décennies pour trancher serait un luxe que les Syriens ne peuvent se permettre.
Points de convergence et enjeux à surveiller
Malgré leurs divergences, les intervenants s’accordent sur plusieurs constats essentiels concernant la transition politique en Syrie.
- La transformation des structures sécuritaires et militaires en institutions civiles reste un défi majeur.
- La reconstruction économique et sociale nécessitera des ressources et un calendrier long.
- Le traitement des divisions internes et la garantie des droits civils sont au cœur de la stabilité future.
- La transparence dans la gestion des violences et la responsabilité des responsables figurent parmi les critères clés évalués par les observateurs.
Ces éléments constituent autant d’indicateurs à suivre pour apprécier l’évolution réelle de la transition politique en Syrie.