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Syrie : Importance stratégique de la place des Omeyyades à Damas
Le matin du 8 décembre dernier, ni les Syriens ni le monde n’étaient convaincus de la chute du régime de l’ancien président Bachar al-Assad jusqu’à ce qu’ils voient des foules de célébrants, accompagnées de factions, arriver sur la place des Omeyyades, l’une des plus grandes places de la capitale Damas, brandissant des signes de victoire et le nouveau drapeau syrien.
La place des Omeyyades n’est pas seulement un point névralgique pour les transports de Damas, mais aussi un lieu où se regroupent la plupart des centres de pouvoir et de sécurité, ainsi que les clés de la force du régime déchu tout au long de ses décennies de règne, et même durant le mandat de son prédécesseur.
Un emplacement stratégique
Si vous vous tenez au centre de la place la plus célèbre du pays, avec le Mont Qassioun derrière vous et le quartier des émigrants à ses pieds, vous ferez face à un immense bâtiment : la Syrian Arab Broadcasting Corporation, d’où émettent les chaînes de radio et de télévision officielles depuis des décennies, et où la déclaration de la chute du régime a été diffusée.
Derrière ce bâtiment se trouve la Direction de la sécurité criminelle, à proximité des administrations des douanes et de la justice militaire, ainsi que le carré de sécurité qui abrite les administrations des appareils de sécurité du régime.
En restant au même endroit, vous verrez à votre gauche le ministère de la Défense et l’état-major de l’armée, flanqués du bâtiment du comité central du Parti Baath, et de la direction générale de l’aviation. Sur le même côté, vous trouverez l’opéra et l’institut supérieur des arts dramatiques, les deux façades culturelles modernes de la Syrie. À droite, se situe le parc Tichrine, l’un des plus grands parcs de Syrie.
La place des Omeyyades est également à l’entrée de l’autoroute Mazzeh, qui mène à la zone des ambassades et à l’aéroport militaire de Mazzeh. À l’autre bout, se trouve la vaste bibliothèque nationale (anciennement Bibliothèque Assad) et la route menant au quartier des émigrants, qui abritait la maison de l’ancien président, ainsi que celle menant au quartier huppé de Al-Malki.
Une renommée ancienne
L’importance de la place des Omeyyades n’est pas seulement liée à l’ancien président Bachar et à son père Hafez (qui a dirigé la Syrie de 1971 à 2000), elle était déjà significative avant leur arrivée au pouvoir.
Selon l’historien et chercheur Imad al-Armesh, la place des Omeyyades, qui a été créée au début des années 1950, se situe à la rencontre de la rue Choukri al-Qouati et de la route de Beyrouth, dans une zone anciennement connue sous le nom de « Sadr al-Baz ».
Al-Armesh révèle à Al Jazeera que la place a été créée fin printemps 1951, lorsque le colonel Adib al-Chichkli, chef d’état-major et président du Haut Conseil militaire, ordonna le transfert du quartier général de l’armée de son ancien emplacement à la place Youssef al-Azmeh, près de la porte de Salhiyeh (où se trouve actuellement l’Hôtel Cham), vers la zone de « Sadr al-Baz » sur la rive opposée du fleuve Barada, entre les rues Choukri al-Qouati et Mehdi ben Baraka.
Il souligne que la place des Omeyyades devient progressivement une plaque tournante des transports majeurs. Son nom provient de l’apogée que Damas a connue lorsque la ville était la capitale du monde islamique durant la période omeyyade. Cette place a été officiellement intégrée dans les registres de la province de Damas en deux étapes, en 1970 et 1981, devenant ainsi la plus importante et la plus grande place de Damas et de toute la Syrie.
Al-Armesh note que la construction des bâtiments autour de la place s’est poursuivie au fil des décennies, faisant en sorte que la plupart des institutions officielles du pays y donnent sur elle ou y mènent. Le monument commémoratif de la foire internationale de Damas, connu sous le nom de « Sabre de Damas », est également situé à proximité, devenu un symbole de Damas et un emblème de la télévision officielle lors des dernières années.
Une forteresse imprenable
De son côté, l’expert militaire Osman Kaddib a déclaré que la place des Omeyyades a acquis son importance stratégique depuis des décennies, à partir de la création de l’état-major de l’armée syrienne à proximité dans les années 1950. Le régime déchu a travaillé à renforcer cette position, en la faisant parfaitement intégrée dans un ensemble de centres de pouvoir et de sécurité construits progressivement autour d’elle, afin de maintenir un contrôle sécuritaire strict.
Kaddib, colonel à la retraite vivant à Damas près de la place des Omeyyades, a ajouté que le régime a veillé, pendant les années de la révolution, à ce qu’aucune manifestation n’atteigne la place, car cela aurait signifié sa faiblesse et ébranlé l’image de son pouvoir. Il a maintenu son image comme une forteresse imprenable, filmée en permanence par les caméras de la télévision officielle, même lorsque des manifestations contre lui se déroulaient par dizaines et centaines de milliers dans la banlieue de Damas et d’autres provinces syriennes, afin de montrer que la vie était normale, et cela a perduré jusqu’à quelques heures avant sa chute.
L’expert militaire a souligné que le régime avait pris soin d’entourer la place et les douze axes qui y mènent de barrières de sécurité permanentes au cours des dernières années, procédant à des fouilles des voitures et parfois des piétons pour garantir qu’aucun incident de sécurité ne se produise.
Il a également fait remarquer que la place est la plus importante en Syrie d’un point de vue militaire et stratégique, en raison de son emplacement qui abrite les commandements de l’armée, les appareils de sécurité, le Parti Baath et les branches médiatiques officielles du régime, ainsi que sa proximité avec la route menant à Beyrouth et l’aéroport militaire de Mazzeh, ainsi que la maison de l’ancien président. C’est pourquoi l’arrivée des révolutionnaires sur cette place était le signe de la chute imminente du régime, même avant l’annonce officielle de sa chute sur les écrans de télévision.