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Témoignages des survivants de la Seconde Guerre mondiale en Europe
Le 8 mai, il y a 80 ans, la Seconde Guerre mondiale prenait fin en Europe avec la capitulation sans conditions des forces armées allemandes. À l’occasion de cet anniversaire, plusieurs témoins, dont des anciens combattants des deux camps, partagent leurs souvenirs de cette période dramatique.
Le journal britannique The Guardian a rassemblé les récits de sept personnes âgées de 85 à 100 ans originaires d’Estonie, de Pologne, du Royaume-Uni, d’Allemagne et de Roumanie. Ces témoignages rares permettent de revivre des moments marquants alors que le nombre de témoins directs diminue.
Joie et célébrations à la fin de la guerre
Dorothia Baron, centenaire et ancienne membre du service féminin de la Royal Navy depuis ses 18 ans en 1943, évoque son expérience à Londres sous les bombardements. Enseignante d’art à la retraite et pratiquante de yoga, elle vit aujourd’hui dans le Hertfordshire.
Elle raconte les nuits passées dans un abri creusé dans leur jardin et l’immense soulagement lorsque l’Allemagne a capitulé. « La joie était immense, dans les rues il y avait des chants, des danses et des acclamations. On n’imagine pas ce que c’est que de pouvoir enfin allumer une lampe sans tirer les rideaux », confie-t-elle.
Dorothia se souvient avec amertume des amis perdus et des enfants tués lors des bombardements aériens ou maritimes. Elle soutient activement une association caritative pour anciens combattants et a récemment lancé un fonds pour financer leurs voyages.
Les horreurs des derniers jours de guerre en Allemagne
Ermgard Müller, 96 ans, ancienne employée du maire de Northeim en Allemagne, se remémore les bombardements britanniques qui ont frappé sa ville en mai 1945, tuant 37 personnes.
Elle décrit les avions volant à très basse altitude, au point de pouvoir voir les visages des pilotes, et la perte tragique de son amie d’école et de sa famille. « La moitié des habitants de Northeim a fui dans la forêt par peur ».
Ermgard se souvient aussi de l’arrivée des Américains puis des Britanniques, et des échanges alimentaires désespérés, où même un tapis ou un flacon de parfum pouvait être troqué contre quelques pommes de terre.
Elle évoque la mort de son père en Russie en 1944 et celle de son oncle au combat, avant d’exprimer son inquiétude face aux conflits actuels en Ukraine et au Moyen-Orient : « On dirait que nous n’avons rien appris ».
Mémoires d’enfance et rationnements
Nick Tredwell, 87 ans, qui a vécu les raids aériens à Hove avec sa famille, partage ses souvenirs d’enfant. Il se rappelle les cachettes sous l’escalier lors des bombardements et la décision de ses parents de quitter la ville pour plus de sécurité.
Il évoque les bruits des bombes, le système de rationnement, les barbelés empêchant d’aller à la plage, et les soldats américains et canadiens que sa mère et sa sœur divertissaient. « Nous, les enfants, allions les voir et leur demandions : ‘As-tu du chewing-gum, mon ami ?’ »
Son père, commandant d’un navire de débarquement de chars, est revenu alors que Nick n’avait que sept ans. Peu après, il a été envoyé en pension à Bristol pour apprendre la boxe et « devenir un homme ». Pour lui, la fin de la guerre a marqué la fin soudaine d’une vie paisible.
Les horreurs vécues sur le front polonais
Joseph Kwiatkowski, 98 ans, né dans une ville aujourd’hui en Ukraine mais alors en Pologne, décrit l’odeur de la mort, de la saleté, des poux et la haine omniprésente. Il a combattu au sein de la première armée polonaise aux côtés de l’Armée rouge et des Alliés pour libérer la Pologne du fascisme en 1945.
Il raconte une attaque surprise alors qu’il réparait des lignes téléphoniques, où il a dû abattre un soldat allemand et capturer un autre.
À la fin de la guerre, il se souvient de la rencontre avec les soldats américains et de la « profonde surprise du silence », sans explosions ni tirs, seulement le calme.
Il exprime son inquiétude face à la guerre actuelle en Ukraine et déplore l’échec collectif à arrêter l’agresseur russe, soulignant que peu de leçons ont été tirées du passé.
Souvenirs d’une enfance en Estonie sous occupation
Aasa Sarnik, Estonienne âgée de 85 ans, se rappelle les combats dans la mer Baltique en 1945, alors que les forces soviétiques et nazies se disputaient la région.
Elle décrit les navires allemands partout et les avions russes tirant au-dessus de leur maison, avec les éclats d’obus qui tombaient sur leur clôture.
Aasa se souvient aussi des prisonniers allemands détenus dans son village derrière des barbelés et du courage de sa mère qui leur apportait du pain malgré sa peur.
Elle confie ressentir aujourd’hui une inquiétude similaire face aux événements mondiaux, retrouvant ces émotions d’autrefois.
Un jeune soldat allemand face à la bataille de Berlin
Hans Mönchberg, 95 ans, auteur et scénariste, fut envoyé à une école militaire à Potsdam à dix ans, puis enrôlé à 15 ans dans les forces de sécurité, participant à la défense de Berlin en 1945.
Il raconte que son école fut détruite en avril 1945 et qu’ils furent immédiatement envoyés au combat, convaincus qu’ils défendaient l’honneur d’Adolf Hitler et de l’Allemagne nazie.
Un tiers de ses camarades de classe, soit 31 élèves, moururent au combat. Hans est probablement le seul survivant à ce jour. Il garde encore une sacoche en cuir tachée de son sang suite à une blessure.
La fin de la guerre vue depuis la Roumanie
Victor Petigoi, 98 ans, étudiant en génie mécanique à Bucarest à la fin du conflit, relate comment sa famille fut contrainte de fuir la Moldavie au début de la guerre.
Il explique que la guerre n’a pas vraiment touché la Roumanie avant 1944, lorsque les bombardiers britanniques et américains commencèrent leurs attaques. L’occupation soviétique en août 1944 ne fut pas un jour sombre, mais la famine de 1946 fut la période la plus dure.
Il se souvient qu’il n’y eut pas de célébrations dans les rues de Bucarest à la fin de la guerre. Le suicide d’Hitler ne fut pas un événement anodin. Victor s’est senti soulagé que le roi Michel, à 23 ans, ait résisté aux Allemands et ait mené une insurrection, alors que les autres dirigeants avaient fui.
Ils espéraient que le roi ferait de même face aux Russes, mais cela ne s’est pas produit.