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Critiques des tentatives de légitimation internationale du mouvement Houthi
Dans un article publié par le magazine américain Foreign Policy, la chercheuse politique Fatima Abou Al-Asrar, analyste principale au Centre de Washington pour les études yéménites, a vivement critiqué les efforts visant à intégrer le mouvement Ansar Allah (les Houthis) dans la scène politique mondiale.
Elle considère que l’annonce par l’ancien président américain Donald Trump, le 6 mai, d’un accord de cessez-le-feu avec les Houthis, leur a accordé une victoire diplomatique rare et imméritée, ainsi qu’une reconnaissance qu’ils recherchaient ardemment.
Conséquences géopolitiques d’une reconnaissance des Houthis
La chercheuse met en garde contre le risque que l’obtention d’une légitimité internationale confère un statut institutionnel permanent au mouvement Houthis. Selon elle, cela représenterait une extension durable de la puissance que l’Iran tente d’imposer dans la péninsule arabique.
Cette évolution modifierait profondément l’équilibre régional des forces, fragiliserait les partenariats sécuritaires américains dans le Golfe et renforcerait l’emprise stratégique de l’Iran, ce qui est particulièrement préoccupant au regard des ambitions nucléaires persistantes de Téhéran.
Le rôle iranien dans le soutien aux Houthis
Fatima Abou Al-Asrar souligne que l’appui iranien fait des Houthis une force hybride agissant comme un mandataire, bénéficiant de protections diplomatiques, d’équipements militaires et d’investissements stratégiques à long terme.
Elle insiste cependant sur l’importance stratégique du programme d’endoctrinement idéologique mené dans les territoires sous contrôle houthis, visant à créer une population fidèle à l’exploitation des causes islamiques, notamment la question palestinienne.
Tentatives de blanchiment et propagande médiatique
La chercheuse accuse les médias publics russes, les idéologues anti-occidentaux et certains influenceurs sur les réseaux sociaux de mener une campagne de blanchiment de l’image des Houthis, diffusant des informations trompeuses. Ce contexte a favorisé une approche de Washington qui considère désormais les Houthis non plus comme des terroristes, mais comme des partenaires négociables.
Par exemple, elle cite un article de la chaîne russe Russia Today publié en mars par le commentateur Sergueï Stroukan, qui dépeint les frappes aériennes américaines au Yémen comme une construction artificielle faisant des Houthis un ennemi. Stroukan ne qualifie pas les Houthis de terroristes, mais les présente comme une force politique réagissant aux dynamiques régionales.
Cette campagne de blanchiment, bien que formulée comme une critique de la politique américaine, fait partie d’une stratégie plus large visant à normaliser les relations entre Ansar Allah et la communauté internationale.
Objectifs stratégiques de la campagne médiatique houthis
La chercheuse identifie trois buts essentiels dans cette campagne :
- Justifier rétroactivement leurs attaques contre la navigation internationale.
- Obtenir une légitimité internationale malgré l’absence de reconnaissance souveraine.
- Isoler les opposants locaux en faisant valoir que les grandes puissances ont en fait accepté leur domination au Yémen.
Une reconnaissance internationale croissante
Fatima Abou Al-Asrar rappelle que la conférence organisée par les Houthis à Sanaa le 22 mars dernier a attiré un nombre significatif de personnalités internationales, illustrant leur capacité à dialoguer avec le monde extérieur.
Elle considère que cette aptitude distingue les Houthis des groupes extrémistes comme Al-Qaïda ou l’État islamique, qui adoptent une idéologie rigide et hostile aux étrangers.
Au contraire, les Houthis tentent de projeter une image plus amicale et accessible, en particulier auprès du public occidental.
Recommandations pour contrer la montée en légitimité des Houthis
La chercheuse conseille aux décideurs américains d’intensifier leurs efforts de contre-propagande, notamment en ciblant les réseaux qui amplifient les messages houthis. Il s’agit aussi de repérer et dénoncer les comportements coordonnés et non authentiques sur les plateformes numériques.
Elle suggère l’imposition de sanctions à l’encontre des individus facilitant les liens internationaux des Houthis, au-delà de leurs dirigeants militaires.
Contrairement aux groupes djihadistes, les Houthis sont décrits comme des opportunistes politiques prêts à accepter toute forme d’aide qui leur est proposée.
Relations multidimensionnelles entre les Houthis, Moscou et Pékin
Fatima Abou Al-Asrar analyse la récente évolution des relations entre les Houthis et la Russie, qui se sont transformées en un partenariat multidimensionnel.
Elle indique que le groupe négocie non seulement avec Moscou mais aussi avec la Chine pour garantir un passage sécurisé des navires via la mer Rouge, en échange d’un soutien politique.
Les Houthis bénéficient également de composants d’armement chinois, de renseignements satellitaires russes pour le ciblage maritime, ainsi que d’une protection diplomatique au Conseil de sécurité de l’ONU.
Ces éléments illustrent une tactique classique de guerre hybride mêlant opérations militaires et campagnes d’influence pour atteindre des objectifs stratégiques inaccessibles par la seule force armée.