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Trump et la controverse sur le passage gratuit via le canal de Suez

by Sara
Trump et la controverse sur le passage gratuit via le canal de Suez
Égypte, États-Unis

Une réponse mesurée face aux déclarations de Trump

« Il vaut mieux ne pas répondre » : c’est par ces mots concis que le ministre égyptien des Affaires étrangères, le Dr Badr Abdelati, a exprimé sa position quant aux déclarations impulsives du président américain Donald Trump depuis son arrivée au pouvoir jusqu’à aujourd’hui.

Cette prise de parole a eu lieu lors d’une réunion avec une délégation du Conseil des gardiens du Dialogue national le 25 avril 2025, réunion à laquelle l’auteur de ces lignes a assisté personnellement.

Bien que les participants aient apprécié la fermeté du ministre, leurs attentes restaient tournées vers une position officielle égyptienne plus claire, surtout quelques heures après que Trump ait déclaré : « Les navires américains doivent pouvoir traverser gratuitement les canaux de Panama et de Suez, car sans les États-Unis, ils n’existeraient pas. J’ai chargé le secrétaire d’État Marco Rubio de gérer ce dossier immédiatement. »

Les implications de la demande de passage gratuit formulée par Trump

La requête de Trump ne sera pas aisément acceptée en Égypte, ni par le gouvernement, ni par le public, ni par les médias, particulièrement dans un pays où l’humour noir est une tradition même dans les moments difficiles.

Nombreux sont ceux qui perçoivent cette demande comme une extension des nombreuses déclarations impulsives du président, depuis son discours inaugural devant le Congrès en janvier dernier, où il annonçait son intention de renommer le golfe du Mexique en « golfe d’Amérique ».

Ces propos ont ensuite ciblé des pays comme le Danemark, le Canada, et Panama, pour s’étendre à l’Union européenne et à l’OTAN, évoquant même la saisie des ressources minérales ukrainiennes en échange de l’aide militaire.

Parmi les plus controversés figuraient ses propositions de déplacer les Palestiniens et de transformer Gaza en un projet immobilier américain, suivies d’une guerre commerciale marquée par des droits de douane menaçant les accords de l’OMC et l’économie mondialisée.

L’importance stratégique des canaux de Panama et de Suez

Les remarques de Trump concernant les canaux de Panama et de Suez revêtent une signification différente de ses critiques envers des pays occidentaux comme le Danemark ou le Canada. Ces derniers n’ont pas connu la longue histoire coloniale qui a marqué les nations du tiers-monde.

Pour l’Égypte et Panama, ces voies navigables sont profondément ancrées dans la mémoire collective, symbolisant la défense héroïque de la souveraineté nationale, devenant ainsi des emblèmes de l’indépendance populaire.

Ces déclarations touchent donc au cœur du sentiment national des deux peuples, nourrissant un instinct de défense de la dignité et de la souveraineté, même si les contextes historiques des relations avec les puissances étrangères diffèrent.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les propos de Trump, malgré leur ton agressif, ne reflètent pas une politique étrangère américaine structurée et réfléchie, mais plutôt des affirmations souvent déconnectées des réalités institutionnelles et historiques.

Par exemple, durant son premier mandat, ses discours semblaient annoncer des changements irréversibles, mais se sont rapidement heurtés aux contraintes du terrain, comme en témoignent ses propositions d’un OTAN arabe ou la « deal du siècle » pour la paix au Moyen-Orient.

Aujourd’hui, la situation est similaire : les déclarations s’enchaînent, de grands projets sont lancés puis abandonnés, et les positions évoluent rapidement, illustrant la nature impulsive et fluctuante de la politique étrangère américaine actuelle.

La régulation des canaux par des accords internationaux

Les canaux de Suez et de Panama sont régis par un ensemble d’accords internationaux et de contextes historiques précis. Bien que leurs situations diffèrent, leur légitimité et leur gestion reposent sur le droit international.

Contrairement à l’affirmation de Trump, les États-Unis ne sont pas à l’origine de la construction du canal de Suez. L’idée de relier la mer Rouge à la Méditerranée remonte à l’Égypte ancienne, avec des projets initiés dès le XIXe siècle avant notre ère, notamment sous le règne du pharaon Sénousret III.

Le canal moderne a été réalisé au milieu du XIXe siècle sous l’initiative du gouverneur égyptien Saïd Pacha, piloté par l’ingénieur français Ferdinand de Lesseps. Les États-Unis, bien qu’ayant participé au financement initial, se sont retirés rapidement, jugeant le projet peu rentable, ce qui a conduit l’Égypte à s’endetter pour achever les travaux.

Par conséquent, les prétentions américaines selon lesquelles le canal de Suez leur serait redevable sont infondées sur les plans scientifique et historique.

En ce qui concerne le canal de Panama, la situation est différente. L’idée d’un passage transocéanique en Amérique centrale était partagée par Britanniques et Français, mais les États-Unis ont pris le relais à la fin du XIXe siècle après l’abandon français.

À l’époque, Panama faisait partie de la Colombie. Suite à l’indépendance de Panama en 1903, soutenue par Washington, les États-Unis ont construit et contrôlé le canal jusqu’aux accords signés sous la présidence de Jimmy Carter dans les années 1970, qui ont transféré progressivement la souveraineté à Panama.

Les deux canaux sont des passages maritimes stratégiques majeurs, soumis aux principes de liberté de navigation du droit maritime de 1982, mais chacun possède un cadre légal propre et distinct.

Le canal de Suez : une souveraineté égyptienne affirmée

Le canal de Suez, inauguré en 1869, est une voie artificielle traversant un seul État, l’Égypte, et relève donc principalement de la législation interne égyptienne tout en respectant un cadre international.

Il est notamment soumis à la Convention de Constantinople de 1888, qui garantit la neutralité du canal, reconnaît la souveraineté égyptienne, autorise la perception de droits de passage, interdit les opérations militaires, et confère à l’Égypte le droit de défense.

Cette souveraineté a été renforcée par le traité de 1936 et par les accords de retrait britannique de 1936 et 1954.

La nationalisation du canal par le président Gamal Abdel Nasser en 1956 a été légitimée par une loi prévoyant une indemnisation des actionnaires, assurant ainsi une récupération légale des droits.

Les lois égyptiennes récentes confortent ces droits : la loi n°161 de 1963 prévoit la possibilité de mesures administratives contre les navires refusant de payer les droits, tandis que le décret présidentiel n°30 de 1975 confie à l’Autorité du canal de Suez la perception des droits de passage.

Le même décret établit un principe d’égalité sans discrimination entre tous les navires et personnes, interdisant toute faveur particulière aux États-Unis ou à d’autres, garantissant ainsi la neutralité et le respect du droit international.

Les accords régissant le canal de Panama et les tensions récentes

Le canal de Panama est régi par trois accords historiques : Hay–Bunau-Varilla (avec les États-Unis), Hay–Herrán (avec la Colombie), et Hay–Bunau-Varilla (avec Panama), qui ont accordé aux États-Unis des droits étendus au début du XXe siècle.

Face à une montée de la résistance populaire panaméenne contre la domination américaine, les accords de Carter dans les années 1970 ont transféré la souveraineté complète à Panama.

Récemment, des tensions ont resurgi lorsque Washington a accusé Panama de favoriser la Chine dans la tarification de passage des navires, provoquant une vive réaction de l’administration américaine.

Les motivations commerciales derrière les déclarations de Trump

Les récentes déclarations de Trump ne reflètent pas une doctrine politique profonde, mais plutôt une vision purement commerciale du monde. Il considère le rôle international des États-Unis comme une plateforme pour réaliser des profits, sans accorder une grande importance aux obligations et principes inhérents au leadership mondial.

Cette approche explique la cohérence apparente entre ses positions fluctuantes, allant du soutien à Israël à ses ambitions commerciales mondiales, toutes motivées par la recherche du gain financier, même au prix de la déstabilisation de l’ordre international.

Pour l’Égypte, la réduction du soutien américain ne constitue pas une impasse, le pays ayant démontré sa capacité à diversifier ses sources d’armement et à collaborer avec la Chine, la Corée du Sud, la Russie, la France et d’autres partenaires.

Quant à Panama, malgré ses erreurs dans la tarification, une intervention militaire américaine similaire à celle des années 1980 semble improbable.

Ainsi, les déclarations de Trump suivent le même destin que leurs prédécesseurs : des éclats momentanés qui s’éteignent sans laisser d’impact durable sur les équilibres de pouvoir et de souveraineté.

source:https://www.aljazeera.net/opinions/2025/4/28/%d9%85%d8%a7-%d9%88%d8%b1%d8%a7%d8%a1-%d8%aa%d8%b5%d8%b1%d9%8a%d8%ad-%d8%aa%d8%b1%d8%a7%d9%85%d8%a8-%d8%a8%d8%b4%d8%a3%d9%86-%d8%a7%d9%84%d9%85%d8%b1%d9%88%d8%b1

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