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Déclaration inaugurale de Trump et le retour du slogan « America First »
Au début de son second mandat présidentiel, lors de son discours d’investiture le 20 janvier, Donald Trump a proclamé avec force sa vision pour les États-Unis : « Dès aujourd’hui, notre pays prospérera et sera de nouveau respecté dans le monde entier. Nous serons l’envie de toutes les nations, et nous ne permettrons plus à personne de nous exploiter. Chaque jour de mon administration, je mettrai simplement l’Amérique d’abord. »
Il a ajouté que la souveraineté serait restaurée, la sécurité rétablie sur le territoire national, et la justice rendue équitablement. Sa priorité suprême : bâtir une nation fière, prospère et libre. Selon lui, les États-Unis deviendraient bientôt la plus grande, la plus forte et la plus dominante puissance de tous les temps.
Il a affirmé que « l’ère du déclin américain est terminée » et que Dieu l’avait sauvé pour « rendre l’Amérique grande à nouveau ». Trump a même exprimé son souhait de renommer le golfe du Mexique en « golfe d’Amérique » et a annoncé son intention d’envoyer des astronautes américains planter le drapeau américain sur Mars. Il a conclu en soulignant que les Américains sont « un seul peuple, une seule famille, une seule nation glorieuse sous la conduite de Dieu ».
Les déclarations controversées sur la récupération territoriale
La déclaration la plus controversée est survenue fin janvier 2025, lorsque Trump a annoncé dans une interview son intention de récupérer le canal de Panama qu’il a qualifié de construction américaine : « Nous l’avons construit, nous en avons payé le prix, et nous ne le céderons jamais. »
Il a également évoqué la possibilité d’annexer le Groenland et le Canada, déclarant : « Le Groenland est un territoire vierge, riche en ressources, et plus proche de nous que certains de nos États. »
Par ces propos, Trump a remis au premier plan un concept idéologique profond issu de l’histoire politique américaine : le « Destin Manifest », doctrine née dans les années 1840, justifiant l’expansion américaine au nom d’une « volonté divine ».
Origines du Destin Manifest : de l’extermination à l’empire
Le concept de « Destin Manifest » a été forgé par le journaliste américain John O’Sullivan en 1845. Il appelait les Américains à se considérer comme un peuple choisi par la providence divine, chargé de répandre la civilisation selon la vision protestante anglo-saxonne à travers le continent américain puis dans le monde entier.
Selon cette vision, le « destin » avait fixé son but en choisissant les « Blancs anglo-saxons protestants » comme porteurs de cette mission, leur permettant de dominer d’abord les terres indiennes, avant de s’étendre au-delà des frontières géographiques naturelles. Le « destin », tel que perçu par O’Sullivan, devait tracer une ligne droite menant à un futur dominé par une Amérique puissante, libératrice et hégémonique.
Bien que présenté dans un discours politique et laïque, ce concept contenait une essence raciste et religieuse, affirmant que Dieu favorisait les Blancs anglo-saxons protestants, les élevant au-dessus des autres peuples. Cette idéologie a justifié l’extermination des populations indigènes et les expansions américaines majeures : achat de la Louisiane en 1803, annexion du Texas en 1845, guerre contre le Mexique (1846-1848), annexion de la Californie, de l’Arizona, du Nouveau-Mexique, ainsi que la conquête des Philippines, Hawaï et Porto Rico à la fin du XIXe siècle.
Cette doctrine est ainsi devenue un voile idéologique dissimulant les ambitions impérialistes sous une façade morale mêlant supériorité raciale et volonté divine.
Trump suit les traces d’O’Sullivan
En réactivant ce concept, Trump ne s’est pas contenté de symboles, mais a utilisé un vocabulaire direct : expansion dans l’espace, renommage géographique, renouvellement des notions de contrôle national.
Ces déclarations, bien que populistes, réhabilitent un discours américain qui considère le pays comme une puissance exceptionnelle, au-dessus des normes internationales, capables de les redéfinir.
Si cette idée a émergé avant même la fondation des États-Unis, son intellectualisation sous le principe du « Destin Manifest » a offert aux dirigeants un prétexte pour légitimer les politiques d’agression, d’hégémonie ou d’isolationnisme selon les besoins.
Aujourd’hui, le « Destin Manifest » n’est plus une simple mémoire historique, mais un paradigme vivant et renouvelé dans la politique américaine. Cette continuité idéologique apparaît clairement dans l’ouvrage American Crusade: Our Fight to Stay Free du secrétaire à la Défense américain Pete Hegseth, qui incarne la résurgence de cette doctrine sous une forme moderne, sans la nommer explicitement.
La domination, le contrôle et la reconquête des institutions (éducation, justice, médias) des mains de ce que le livre désigne comme « la gauche ennemie », incarnent une stratégie visant à « américaniser » les États-Unis et les purifier de tout ce qui contredit le modèle conservateur évangélique promu.
La version trumpienne : une doctrine débarrassée de ses faux-semblants
La version de Trump s’éloigne du vernis moral traditionnel utilisé par les administrations précédentes, qui invoquaient les « droits humains » ou la « diffusion de la démocratie ». Au contraire, il revendique ouvertement la priorité des intérêts nationaux, de la puissance et de la domination.
Ce changement ramène les États-Unis à une logique impériale ancienne, où l’expansion est une fin en soi, non un moyen pour atteindre des principes supérieurs.
Comme l’a souligné l’historien américain Howard Zinn, « le Destin Manifest n’a jamais été innocent, mais un outil impérialiste masqué par une morale fabriquée ». Trump semble avoir décidé de lever ce masque définitivement.
Dans cette optique, le « Destin Manifest » version Trump ne se limite plus aux frontières terrestres. Il s’étend désormais à l’espace, à la technologie, voire à l’économie mondiale.
Les revendications de récupération de territoires comme le Canada ou le Groenland témoignent d’une conception de la puissance fondée non seulement sur l’influence, mais sur la possession directe. Son ambition que l’Amérique devienne « maîtresse de l’espace » reflète une militarisation de ce domaine, défiant les accords internationaux qui interdisent la transformation de l’espace en champ de bataille.
Cette nouvelle orientation américaine pourrait engendrer des conséquences internationales graves, telles qu’une montée des nationalismes ailleurs, une course aux armements spatiale, et le retour du discours colonialiste et d’annexion dans les relations internationales.
Une doctrine politique réactualisée pour une hégémonie renouvelée
En résumé, la réactualisation par Trump du concept de « Destin Manifest » dépasse le simple discours rhétorique. Elle constitue un outil politique reflétant une philosophie de gouvernance fondée sur la domination et la supériorité, redéfinissant l’hégémonie américaine avec des méthodes contemporaines qui transcendent le temps et l’espace.