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Du 9 au 11 juillet, Donald Trump a réuni à la Maison-Blanche cinq présidents africains triés sur le volet. L’objectif de cette rencontre était un « mini-sommet » économique et sécuritaire, symbolisant un tournant géopolitique. « Nous passons de l’aide au commerce », a-t-il déclaré en ouverture. « Il y a un énorme potentiel économique en Afrique, comme dans peu d’autres régions. À long terme, cela sera bien plus efficace, durable et bénéfique. »
Un retour sur la scène internationale
Trump, de retour sur la scène internationale, impose une politique de rapports de force, avec pour priorité la limitation de l’influence chinoise. Avant le sommet, il a célébré un premier succès : l’accord entre le Rwanda et la RDC concernant les zones minières stratégiques, qualifié de « diplomatie utile ». Peu importe que l’Union africaine soit contournée, seul le résultat compte.
Sur la photo officielle, cinq chefs d’État de pays côtiers – Sénégal, Gabon, Guinée-Bissau, Libéria, Mauritanie – ont été choisis pour leur stabilité relative, leur façade atlantique stratégique et leurs ressources critiques. Brice Clotaire Oligui Nguema, président du Gabon, a averti : « Nous ne sommes pas des pays pauvres. Nous sommes riches en matières premières. Mais nous avons besoin de partenaires pour nous aider à exploiter ces ressources. »
Des actions controversées
Depuis janvier, l’administration Trump a drastiquement réduit l’aide américaine, désactivé l’USAID, instauré un travel ban affectant plus de vingt pays africains et lancé une guerre tarifaire contre ses partenaires. Jamais en Afrique durant son premier mandat, Trump a laissé une empreinte de mépris, qualifiant certains pays africains et Haïti de « pays de merde » en 2018. Sept ans plus tard, le ton a changé, mais pas la méthode.
Il a récemment accusé Cyril Ramaphosa de génocide des Blancs et de saisies de terres lors d’une rencontre à la Maison-Blanche. Lors d’une maladresse, il a félicité le président libérien Joseph Boakai pour son anglais, ignorant que le Libéria avait été fondé par des esclaves affranchis venus d’Amérique. « Nous traitons l’Afrique bien mieux que la Chine ou n’importe qui d’autre, n’importe où », s’est vanté Trump, résumant son rapport condescendant au continent.
Contrer la Chine sur la façade Atlantique de l’Afrique
Derrière son discours, l’enjeu est clair : verrouiller l’Atlantique africain, empêcher l’implantation de bases navales chinoises, sécuriser les routes maritimes et garantir l’accès aux minerais stratégiques. « Trump applique en Afrique une diplomatie transactionnelle pour limiter l’influence chinoise », analyse Juste Codjo, expert en sécurité internationale.
Le choix des cinq pays invités, tous en zone sensible, n’est pas anodin. « Trump séduit les plus fragiles pour les arrimer aux intérêts américains. C’est un jeu à somme nulle : ce que gagne Washington, la Chine le perd », avertit Codjo. L’implantation d’une base chinoise sur l’Atlantique serait un bouleversement stratégique majeur.
Des invités stratégiques… et controversés
Ce format restreint soulève des questions. Là où Joe Biden réunissait 45 dirigeants africains en 2022, Trump mise sur une sélection utilitariste. Umaro Sissoco Embaló, président de Guinée-Bissau, incarne cette logique : depuis la dissolution du Parlement fin 2023, son pays est gouverné par décret, et son mandat prolongé sans élection prévue avant fin 2025.
De même, au Gabon, après avoir renversé Ali Bongo, Brice Clotaire Oligui Nguema s’est installé au pouvoir via une transition éclair. Washington y voit un partenaire riche en manganèse et en hydrocarbures. « Le Gabon étudie la possibilité d’interdire, d’ici à 2029, l’exportation du manganèse brut », souligne Mélodie Jennyfer Sambat, conseillère spéciale du président gabonais.
Un partenariat stratégique
Ce partenariat est présenté comme un modèle : « Le Gabon met en avant ses ressources à fort potentiel, les États-Unis apportent financements, expertise et technologies », résume Sambat. Les enjeux ne se limitent pas aux ressources minérales. « La sécurité maritime dans le golfe de Guinée figure aussi en tête de nos priorités. Le chef de l’État gabonais entend porter une vision de coopération sécuritaire régionale, durable et concertée », ajoute-t-elle.
Le volet migratoire sera également abordé : « Une réponse concertée est indispensable, respectant la dignité humaine et reposant sur des accords clairs entre pays de la sous-région, ainsi qu’un nouveau type de partenariat avec les États-Unis. »
Un continent fragmenté
« Ce n’est pas une invitation, c’est une convocation », s’agace une experte américaine des relations USA-Afrique. « Faute de position commune, ces chefs d’État négocieront isolément, sur la base d’un agenda verrouillé à Washington. » Sans coordination stratégique, le continent s’expose à des accords bilatéraux déséquilibrés.
Ce mini-sommet, sans traité formel, sert de ballon d’essai. Une réunion élargie est déjà prévue en septembre, dans le cadre de la nouvelle stratégie atlantique américaine. Pour Washington, il s’agit de mesurer le degré d’adhésion des capitales africaines à une diplomatie du deal, avec des promesses concrètes à court terme. Les cinq présidents conviés devront naviguer entre intérêts nationaux, attentes américaines et critiques intérieures.