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Une majorité de Britanniques se reconnaissent désormais comme neurodivergents, une catégorie qui englobe des troubles tels que l’autisme, la dyslexie ou la dyspraxie, selon la psychologue de renom Francesca Happé.
Une acceptation croissante de la neurodiversité
Francesca Happé, professeure en neurosciences cognitives à l’Institut de psychiatrie, psychologie et neurosciences du King’s College de Londres, explique que la diminution de la stigmatisation entourant ces troubles a encouragé un nombre croissant de personnes à rechercher un diagnostic médical ou à s’auto-diagnostiquer.
Elle observe notamment une plus grande tolérance, particulièrement au sein de la génération de ses enfants, adolescents et jeunes adultes, qui n’hésitent plus à affirmer : « Je suis dyslexique », « J’ai un TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) ».
Des questions sur les frontières du diagnostic
Toutefois, Francesca Happé met en garde contre le risque d’élargir à l’excès les diagnostics, transformant des comportements autrefois perçus comme une simple « excentricité » en troubles médicaux.
Elle souligne que la plupart des recherches suggèrent que des conditions comme l’autisme et le TDAH se situent sur un continuum, et que la délimitation exacte entre diagnostic clinique et traits de personnalité reste une question de jugement médical. Elle invite à débattre de l’utilité d’une telle médicalisation accrue.
L’augmentation notable des diagnostics d’autisme
Francesca Happé participe à la nouvelle série diffusée sur BBC Radio 4, The Autism Curve, qui analyse la forte progression des diagnostics d’autisme ces dernières années.
Une étude de 2021 révèle une hausse de 787 % des diagnostics entre 1998 et 2018 au Royaume-Uni, tandis que la prévalence estimée de l’autisme chez les enfants est passée d’un cas sur 2 500 il y a 80 ans à un sur 36 aujourd’hui.
Parmi les personnalités célèbres concernées figurent le naturaliste et présentateur Chris Packham, l’acteur Sir Anthony Hopkins, le milliardaire Elon Musk, tous diagnostiqués avec le syndrome d’Asperger, ainsi que l’actrice Daryl Hannah, diagnostiquée autiste durant l’enfance.
Neurodivergence et évolution de la société
Interviewée par Michael Blastland dans le cadre de ce programme, Francesca Happé estime que le nombre de personnes s’identifiant comme neurodivergentes sans passer par un diagnostic officiel pourrait dépasser celui des neurotypiques.
En prenant en compte les différentes formes de neurodiversité telles que l’autisme, le TDAH, la dyslexie et la dyspraxie, « il ne reste plus beaucoup de personnes typiques », analyse-t-elle, soulignant que cette évolution transformera la société, mais de façon positive.
Le parcours personnel de Francesca Happé et l’importance du diagnostic
Dyslexique non diagnostiquée enfant, Francesca Happé a découvert sa condition en accompagnant sa fille lors de son propre diagnostic de dyslexie. Elle explique que certains exercices proposés à sa fille, comme différencier certains sons, lui étaient impossibles à réaliser, révélant ainsi leurs points communs.
Un diagnostic peut offrir de nombreux avantages, notamment l’accès à un soutien financier supplémentaire dans les établissements scolaires et à des soins adaptés. Un professionnel cité dans l’émission indique qu’il n’hésiterait pas à qualifier un enfant de « zèbre » s’il lui permet d’obtenir les services nécessaires.
Le diagnostic facilite aussi la communication des besoins spécifiques en société. Par exemple, une femme autiste n’a plus besoin de justifier longuement son choix alimentaire en restaurant, elle peut simplement expliquer qu’elle a des sensibilités sensorielles liées à son autisme.
Critères et manifestations de l’autisme et du TDAH
Pour obtenir un diagnostic d’autisme, deux catégories de comportements doivent être observées :
- Des difficultés persistantes dans les interactions sociales, telles que l’absence de prise de tours de parole, des monologues prolongés ou des difficultés à parler, des problèmes à établir et maintenir des relations, ainsi qu’un manque de contact visuel.
- Des comportements répétitifs, comme le battement des mains, le grattage de la peau, l’adhésion stricte aux routines, ou une hypersensibilité aux sons et aux textures.
Le TDAH, dont les symptômes apparaissent généralement avant l’âge de 12 ans, se manifeste par une grande distractibilité, l’oubli de tâches quotidiennes comme se brosser les dents, et des difficultés à suivre des consignes.
Des défis pour certains groupes et l’autisme chez les personnes âgées
La définition de l’autisme s’est considérablement élargie par rapport à l’origine, où il concernait principalement des enfants incapables de communiquer ou d’être autonomes. De nombreuses personnes autistes développent des stratégies de « camouflage » pour masquer leurs traits, ce qui peut être épuisant psychologiquement.
Les experts soulignent que les femmes et les garçons noirs sont souvent diagnostiqués tardivement ou reçus initialement un mauvais diagnostic. De même, l’autisme chez les personnes âgées est sous-estimé, certains patients étant même confondus avec des cas de démence.
Joshua Stott, professeur de psychologie du vieillissement à l’Université College de Londres, évoque le cas de personnes âgées autistes dont les difficultés sociales réapparaissent avec l’isolement lié à la perte de leur entourage ou la retraite, provoquant des confusions avec la démence.
Francesca Happé ajoute que certains adultes peuvent recevoir un premier diagnostic d’autisme dans la soixantaine ou soixante-dixaine, souvent après une vie professionnelle réussie et grâce au soutien d’un proche. Ce diagnostic peut aussi survenir lorsque la famille découvre l’autisme en lien avec un petit-enfant diagnostiqué.