Le secteur viticole champenois est actuellement secoué par une affaire majeure de traite d’êtres humains, mettant en lumière des conditions d’exploitation particulièrement préoccupantes lors des vendanges 2023. Selon plusieurs sources, notamment le tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne, trois individus ont été condamnés à des peines de prison ferme pour l’exploitation de plus d’une cinquantaine de travailleurs, principalement sans-papiers originaires d’Afrique, mis dans des conditions indignes.
Les condamnés incluent notamment la dirigeante d’une société de prestations viticoles, Anavim, poursuivie pour traite d’êtres humains, travail dissimulé, emploi massif d’étrangers sans autorisation et rétribution insignifiante ou inexistante. Elle a été condamnée à quatre ans de prison, dont deux ferme, ainsi que d’autres amendes et interdictions. Deux autres acteurs impliqués dans le recrutement ont écopé d’un an de prison ferme chacun.
Un contexte d’exploitation et de conditions inhumaines
Les investigations ont révélé que 57 travailleurs, en majorité sans-papiers, issus pour beaucoup d’Afrique, avaient été logés dans des conditions très précaires dans la région de Nesle-le-Repons, en Marne. Livrés à eux-mêmes, ces travailleurs vivaient dans des logements insalubres, dépourvus de ressources essentielles telles que draps ou eau chaude. Pendant la période des vendanges, ils percevaient une rémunération bien inférieure à ce qui leur avait été promis, certains étant payés seulement 80 euros par jour alors qu’aucune compensation ne leur avait été versée réellement.
Ce réseau d’exploitation avait été démantelé après plusieurs mois d’enquête menée par l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI). La gérante d’Anavim, originaire du Kirghizistan, a été mise en examen pour sa responsabilité dans ces infractions, notamment pour avoir soumis les travailleurs à des conditions de vie dégradantes, sans paiement valable. Les autres membres de son équipe, chargés du recrutement, ont également été condamnés avec des peines allant jusqu’à deux ans de prison.
Réactions et suites judiciaires
Ce dossier a suscité un vif émoi dans le secteur viticole, déjà fragilisé par d’autres affaires similaires. Le procureur a requis des amendes importantes ainsi que l’interdiction de gérer toute société à l’encontre de la dirigeante d’Anavim. Par ailleurs, une autre société employant des Ukrainiens doit être jugée en novembre pour des infractions similaires, soulignant une tendance préoccupante dans le secteur à l’usage de travaux dissimulés et d’exploitation d’immigrants vulnérables.
Les condamnations prononcées dans cette affaire témoignent de la volonté des autorités françaises de lutter contre le travail illégal, notamment dans une région aussi emblématique que la Champagne, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Toutefois, ces révélations soulignent aussi le besoin de renforcer la vigilance à l’avenir pour prévenir de telles pratiques et protéger les droits fondamentaux des travailleurs, qu’ils soient locaux ou étrangers.
Plusieurs autres procès liés à ces vendanges impitoyables sont en préparation, notamment celui d’une entreprise prestataire hébergeant des Ukrainiens dans des conditions similaires. La justice continue donc d’investiguer pour faire toute la lumière sur ces abus et assurer que la viticulture champenoise reste une vitrine d’excellence et de respect des droits humains.