Les Françaises musulmanes voilées font face à une augmentation alarmante des violences verbales et physiques depuis que plusieurs figures politiques ont émis des commentaires hostiles à leur égard. Cette montée de l’hostilité de la part des passants et des commerçants contribue à un climat de répression croissante.
Un cas poignant est celui d’Asmaâ, 25 ans, qui se promenait, absorbée par sa musique et son voile, lorsque quelqu’un l’a interpellée avec colère. Pensant reconnaître son ancienne professeure de français, elle a levé la main, mais la femme criait contre son voile : « Enlève-le, je ne veux pas voir ça dans la rue, ici c’est la France, pas l’Iran ». Abasourdie, Asmaâ est partie sans répondre. La femme, ne la reconnaissant pas, l’a alors suivie et insultée violemment, jusqu’à ce qu’un groupe de passants, aussi bien d’origine européenne que nord-africaine, intervienne pour mettre fin à la scène.
Choquée par cette agression, Asmaâ, qui porte le voile depuis environ cinq à six ans, a décidé de porter plainte pour agression à caractère raciste fondée sur la religion, sans en informer ses parents afin de ne pas les inquiéter. Elle confie que le fait que son agresseur soit une ancienne enseignante la blesse profondément et souligne que cette expérience reflète un sentiment croissant d’oppression.
Déshumanisation et montée des agressions
« C’est une agression de rue comme d’autres », explique l’avocat d’Asmaâ, Rafik Chekkat. Il ajoute que de nombreuses victimes choisissent de ne pas porter plainte. Récemment, une femme a vu son voile arraché à Nanterre par un homme à vélo, non identifié, tandis qu’une autre a été sommée d’enlever son voile par une femme ivre.
Selon Rafik Chekkat, un tournant s’est opéré dans la société française au début des années 2020 avec la loi sur la « séparation », qui a conduit à considérer les femmes voilées comme des cibles légitimes. Le président Emmanuel Macron a d’ailleurs appelé à une « poussée républicaine » et utilisé un discours belliqueux, parlant de « reconquête ». Ce climat incite certains à se sentir légitimés à « chasser » ces femmes hors de l’espace public.
Les chiffres corroborent cette tendance inquiétante : au premier semestre 2025, le site Mediapart recense près de 100 incidents islamophobes en France, tandis que le ministère de l’Intérieur enregistre 145 plaintes pour actes antimusulmans sur cinq mois. Ces données montrent que les femmes voilées figurent parmi les principales victimes.
De son côté, l’organisation féministe antiraciste Lallab, dans un rapport publié en mars 2025, révèle que 81,5 % des actes islamophobes sont commis contre des femmes. Elle dénonce le double fardeau subi par les femmes musulmanes, victimes à la fois de sexisme et d’islamophobie. La stigmatisation les dépouille de leur humanité, les excluant implicitement du statut de femmes ordinaires dans la conscience collective française.
Discriminations dans les espaces sportifs et publics
Dans les mois récents, sénateurs et membres du gouvernement ont tenté d’interdire la participation des Françaises voilées aux compétitions sportives, ignorant délibérément des études sérieuses qui n’ont pas établi de lien entre le port du voile et un éventuel radicalisme religieux dans ce domaine.
Un autre exemple d’exclusion est celui d’Alicia, refusée dans une salle de sport à Marseille en décembre 2024. Le personnel lui a demandé de retirer son voile pour entrer. Bien qu’elle ait dénoncé cette demande comme discriminatoire et illégale, on lui a répondu qu’il s’agissait de la politique interne et que la décision ne dépendait pas de l’entraîneur.
Bien que la direction locale du club ait nié tout interdit, des avis sur la page Google de l’établissement mentionnaient à la fin de 2024 que « les femmes voilées ne sont pas acceptées ». Or, le Code pénal français interdit toute discrimination fondée notamment sur la religion.
De même, un restaurant près de Montpellier a refusé récemment l’accès à un groupe de femmes voilées malgré une réservation préalable. Choquées, elles ont filmé l’incident et diffusé les vidéos sur les réseaux sociaux. Une des femmes a déclaré que l’interdiction était directement liée au port du voile, tandis qu’une autre a rapporté qu’un agent de sécurité avait expliqué que le propriétaire avait ordonné de refuser tous les symboles religieux.
Face à la polémique, la direction du restaurant a publié un communiqué sur Facebook dénonçant un « malentendu », annonçant une enquête interne et présentant des excuses à ceux qui se sont sentis offensés.