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Dans une interview émouvante accordée à CNN, Wael Dahdouh, directeur du bureau d’Al Jazeera à Gaza, a retracé son expérience de terrain pendant la guerre. Il a décrit le départ du territoire, après la perte de plusieurs membres de sa famille, comme un moment insoutenable, tout en affirmant que la voix de Gaza continuerait de se faire entendre malgré toutes les tentatives de la réduire au silence.
Souvenirs d’une attaque à Khan Younis
Dahdouh a raconté les scènes d’horreur vécues à Gaza, y compris son propre ciblage et ses blessures lors d’une frappe à Khan Younis. Il précise que l’attaque a eu lieu malgré un accord préalable de coordination avec les forces d’occupation via le Comité international de la Croix-Rouge.
Il était accompagné d’une équipe médicale palestinienne lorsque la frappe a touché leur convoi :
- Trois secouristes ont été tués.
- Son collègue photographe, Samer Abu Daqa, a été grièvement blessé et laissé à terre, selon le récit de Dahdouh.
- Dahdouh lui-même a perdu l’ouïe temporairement et a subi des blessures sévères avant de se traîner longuement pour trouver une ambulance.
Le reportage de terrain, a-t-il dit, lui a fait mesurer que le journalisme est « une mission » dont il ne peut se départir, quel qu’en soit le prix.
En savoir plus sur Samer Abu Daqa
La décision la plus difficile : quitter Gaza
Début 2024, après l’assassinat de son fils Hamza, Dahdouh décrit le moment du départ comme « la plus dure épreuve » de sa vie. Il a comparé cette séparation forcée à « boire du poison », évoquant une douleur équivalente à l’enterrement des membres de sa famille.
Pourtant, contraint par les pressions familiales et la nécessité des soins pour ses filles, il a finalement accepté de quitter Gaza. Malgré ce départ, il insiste sur le fait que son travail continuera de porter la voix de Gaza, avec l’espoir d’un retour pour poursuivre la couverture depuis le terrain.
Parmi les pertes personnelles, il rappelle la mort de son épouse, de son fils, de sa fille et de son petit-fils lors d’une frappe aérienne le 25 octobre 2023, alors que les forces d’occupation avaient auparavant déclaré la zone « sûre ». Il a également évoqué l’attaque du 7 janvier 2024 où son fils aîné, le journaliste Hamza, a été tué.
Contexte des événements
Accusations de ciblage délibéré des journalistes
Dahdouh a rejeté les accusations visant les journalistes palestiniens et a dénoncé ce qu’il qualifie de « meurtres délibérés et systématiques » visant des membres de la presse. Il a souligné que des dizaines de journalistes ont été tués, y compris certains de ses collègues.
Il a cité notamment les pertes de collègues dont les noms ont été rapportés publiquement :
- Anas al-Sharif
- Muhammad Qreiqaa
Selon lui, l’occupation ne s’est pas contentée d’éliminer des journalistes, elle a aussi tenté d’empêcher l’entrée des médias internationaux à Gaza pour contrôler le récit. Il a mentionné, en citant des rapports israéliens, la mise en place de cellules de renseignement chargées de recenser des noms de journalistes en vue d’éventuelles opérations et de campagnes de discrédit sans preuves.
Pressions internes et réalité du terrain
En réponse aux questions sur les pressions éventuelles exercées par le mouvement Hamas sur les journalistes, Dahdouh a jugé la comparaison avec les crimes de l’occupation injuste. Il a affirmé que les journalistes à Gaza tentent d’exercer leur métier avec le maximum de professionnalisme possible, malgré le siège et l’occupation.
Il a décrit un environnement où les professionnels des médias n’ont souvent « pas d’options » :
- Les hôpitaux sont pris pour cibles, réduisant l’accès aux soins.
- Les blessés sont parfois privés d’évacuation vers l’extérieur.
- Malgré tout, la couverture continue d’atteindre le monde et de témoigner de la tragédie humaine.
Dahdouh a lancé un appel aux organisations médiatiques, aux gouvernements et aux ONG de défense des droits humains pour intervenir et protéger les journalistes restés sur place.
Un engagement de longue date
Présent à Gaza pour Al Jazeera depuis 2004, Wael Dahdouh est devenu l’une des figures les plus reconnaissables du réseau dans le territoire. Il s’est distingué par sa capacité à couvrir les événements depuis le cœur du conflit, en particulier les aspects humains de la guerre.
Durant plus de cent jours d’offensive israélienne sur Gaza, il est resté à l’antenne, témoignant en continu de la souffrance des civils et du travail des équipes de secours. Pour Dahdouh, le maintien de la couverture est la preuve que le journalisme à Gaza continue de révéler la réalité malgré les risques et les pertes.
Il a rappelé que, tant que des voix et des images pourront être diffusées, le monde ne pourra pas ignorer ce qui se passe dans le territoire assiégé.
Interview complète citée : https://x.com/i/status/1966562296492097950