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Chaque semaine, le regard se pose sur l’actualité poétique, dévoilant des voix fortes et des écritures singulières. Cette semaine, c’est Benoît D’Afrique, poète haïtien de 28 ans, qui capte notre attention avec son second recueil, une œuvre dense et vibrante de colère contenue et d’insoumission.
Une poésie aux éclats de lucidité
« L’infidélité – boussole des insurgés et des poètes maudits. » Cette phrase incite à une lecture attentive, presque obsessionnelle, vers par vers, pour saisir la profondeur d’un texte qui s’apparente à une succession d’éclairs de lucidité. Dans Paroles en état de siège, Benoît D’Afrique offre des fulgurances poétiques, des instants suspendus au cœur de nuits agitées, où la poésie devient le refuge et le cri d’une âme en quête de vérité.
Un voyage au bord du précipice
Après la publication de Ma mort en 2016 aux éditions Bruno Doucey, le poète nous entraîne au cœur d’une errance fragile et tendue. Ce nouveau recueil, publié par la maison lausannoise La Veilleuse, est décrit comme « les débris d’une vie touchée par un profond malaise ». Ce malaise se manifeste par une colère étouffée, une violence toujours présente et menaçante, prête à éclater. Le poète évoque à mots couverts l’exil, les guerres, les frontières, la douleur et le sang versé.
Les images sont fortes : « Cadavres / marre d’en dénombrer sur la traîne du jour / ville soi-disant mienne – capitale de corps muets. » Un paysage bouleversant où le silence des disparus résonne avec puissance.
Une insoumission civile, une révolte sous la langue
Benoît D’Afrique se présente comme un « candidat à l’insoumission civile ». Pour lui, la poésie n’est pas un simple artifice littéraire, mais une arme sourde pour exprimer une rage profonde. Il revendique une parole libre et authentique, débordant des assignations traditionnelles : « Marre de me faire taxer de poète, j’ai trop de choses à dire. »
Son écriture puise dans le vécu et le collectif, mêlant des images fragmentées qui traduisent une réalité crue et poignante :
grève de draps les morts revendiquent les plis les passants – légistes des non-identifiés d’en face ce truc allongé muet comme un doigt d’honneur sans doute portait un nom faute de vivres on mange nos rêves salés et battements de nos échecs – on ressasse nos migraines tirées des nuits épuisées ruines : seules épices pour nos gosiers