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France
Falstaff : une œuvre parfaite de Verdi
Créée en 1893 par Giuseppe Verdi, alors qu’il approchait de la fin de sa carrière, Falstaff s’inspire du théâtre de Shakespeare. Après les sombres Macbeth et Otello, Verdi, avec l’aide de son librettiste Arrigo Boito, nous présente une comédie lyrique vibrante de malice et d’impertinence. S’appuyant sur les Joyeuses Commères de Windsor (publiées en 1602), l’intrigue se déroule dans un tourbillon de complots humoristiques, de situations cocasses, de déguisements et de pièges.
Le personnage de Falstaff, glouton, vantard et séducteur, est à la fois touchant et ridicule. Son caractère excessif et fascinant attire tous les autres personnages autour de lui. Cet astre flamboyant, conscient de sa déchéance, évoque ses jeunes années avec une nostalgie poignante, tout en malmenant ceux qui l’entourent avant d’être lui-même victime d’un retournement de situation assez cruel.
La musique de Falstaff magnifie les scènes collectives avec un rythme effréné, l’orchestre sous la direction de Michael Schonwandt résonnant tel un essaim d’abeilles, accompagné des chants d’oiseaux et des murmures félins à la recherche de leur chance. Verdi se moque de lui-même en intégrant des références à certains de ses chefs-d’œuvre précédents, tels que La Traviata et Otello, culminant dans une fugue finale ébouriffante où tous se rassemblent pour partager cette réflexion shakespearienne : « Le monde est une farce et chaque mortel se moque de l’autre… »
Ambrogio Maestri : Falstaff d’envergure
Depuis ses débuts en 2001 à la Scala de Milan, le baryton italien Ambrogio Maestri a su perfectionner son interprétation de Sir John Falstaff, un personnage qu’il chérit profondément. Il maîtrise à la fois les aspects comiques et les nuances plus émouvantes de cet homme d’une confiance inébranlable, même si celle-ci s’est estompée avec le temps.
Peu importe la compréhension de l’italien, l’auditeur savoure chaque mot et chaque inflexion de Maestri. La parole est l’élément clé de Falstaff, qu’il utilise à merveille tant pour l’invective que pour la louange. Avec une stature imposante et une voix souple, bien qu’elle ait perdu un peu de sa mordant, Ambrogio Maestri rend pleinement honneur à Sir John, incarnant sa profondeur et sa mélancolie teintée de regrets pour ses années de jeunesse, lorsqu’il était « mince, charmant, léger, aimable… »
À ses côtés, la distribution vocale brille avec la présence des mezzo-sopranos Marie-Nicole Lemieux et Marie-André Bouchard-Lesieur, ainsi que du ténor Nicholas Jones, qui ajoutent de la richesse à cette production.
Une production revigorante à l’Opéra Bastille
Certaines productions vieillissent avec grâce, comme celle signée Dominique Pitoiset en 1999 pour l’Opéra Bastille. Bien que le dernier acte manque un peu de magie, l’ensemble de la production, avec son décor de brique très britannique évoquant le début du XXe siècle, dynamise le spectacle. La vivacité est au rendez-vous, et les acteurs évoluent avec légèreté, évitant les temps morts.
Les aspirations aristocratiques de Sir John se heurtent aux réalités domestiques des bourgeois de Windsor. Les femmes prennent les devants, déjouant les plans des maris jaloux et des pères tyranniques, tandis que les jeunes amoureux, bien que discrets, se rapprochent pour vivre leur romance. Ce petit monde se moque de lui-même, chacun jouant son rôle assigné par le théâtre de la vie. Mieux vaut accepter les désagréments avec le sourire, comme le souligne le notable Ford lorsque ses projets de mariage pour sa fille échouent, déclarant : « Qui ne peut éviter les désagréments doit les accepter de bon gré ».