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La vie est une fête : un regard satirique sur notre époque
Difficile de ne pas rire tout en frémissant face à la performance d’Anthony Paliotti, qui incarne un « startuper » accompli dans La vie est une fête, la dernière production du collectif théâtral audacieux Les Chiens de Navarre. Évoluant sur un « one board » électrique, ce personnage tourne sans relâche autour d’un collègue senior, brillamment interprété par Fred Tousch, pour lui annoncer son éviction. Sa danse, pleine d’insolence, illustre à merveille l’« agilité » vantée par certains défenseurs de la « start-up Nation ». Son langage, saturé d’une novlangue condescendante et souvent incompréhensible, révèle toute la vacuité de cette réalité contemporaine. Le ridicule devient grotesque, provoquant éclats de rire parmi le public, mais une certaine angoisse s’installe également devant cette représentation exacerbée mais réaliste de notre présent. On ne peut s’empêcher de se demander si cela préfigure un avenir insensé.
Un humour dérangeant au cœur de l’hôpital psychiatrique
La pièce se compose d’une succession de saynètes interprétées par sept comédiens talentueux, toutes reliées par le thème central de l’hôpital psychiatrique. C’est là que finit le senior mis à l’écart, aux côtés d’une quadragénaire en quête d’amour. L’humour, aussi redoutable que troublant, permet de faire tomber de nombreux masques qui défigurent notre époque. Par exemple, une chirurgienne esthétique apparaît en bienveillance, conseillant à notre quadragénaire de refaire entièrement son corps après l’avoir marqué au marqueur. De même, un ministre de la santé en visite à l’hôpital reste indifférent face aux patients, même lorsqu’un d’eux l’accueille dans un état pitoyable.
La douleur de l’obscénité
Le malaise que suscite La vie est une fête provient en grande partie de sa satire acerbe. Bien qu’elle dépeigne un regard acéré sur notre époque, la pièce allie humour et obscénité : nudité, sexualité, excréments et sang y sont omniprésents. Cette dualité soulève des interrogations quant à la nécessité d’une telle représentation.
Certains spectateurs, choqués, n’iront pas jusqu’à débattre de ces éléments. D’autres, au nom d’une bienséance nécessaire, rejettent complètement cette forme d’expression. Pourtant, il est légitime de se demander si cet excès grotesque n’est pas un moyen efficace de révéler les faux-semblants de notre société, démasquant ainsi des vérités cachées sous des apparences trompeuses. Jean-Christophe Meurisse, le metteur en scène, choisit une approche radicale qui refuse toute forme de retenue. Cette œuvre, à la fois percutante et engagée, laisse peu de place à l’indifférence.
La vie est une fête est à découvrir au théâtre des Bouffes du Nord à Paris jusqu’au 29 septembre, avec une tournée à suivre (voir chiensdenavarre.com).