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Dragan Zivadinov, artiste slovène et innovateur du théâtre, mêle art et cosmos dans un projet unique baptisé « théâtre post-gravité ». Ce spectacle d’une durée exceptionnelle de cinquante ans se distingue par la rejouabilité décennale de la même pièce, sans remplacement physique des acteurs décédés, marquant une expérience artistique inédite dans le paysage culturel européen.
Une odyssée artistique entre Terre et espace
La première représentation de cette œuvre monumentale s’est tenue le 20 avril 1995 à Ljubljana, capitale slovène. La dernière est prévue en 2045, bouclant ainsi un cycle de cinquante ans. En 2005, Zivadinov et sa troupe ont même voyagé jusqu’à la Cité des étoiles, près de Moscou, lieu emblématique de formation des cosmonautes, où ils ont réalisé une performance en apesanteur.
Plus récemment, la troupe s’est produite au Centre Noordung des études spatiales à Vitanje, niché dans les collines verdoyantes de Slovénie. Sur les quatorze acteurs initiaux, deux sont décédés et sont aujourd’hui représentés par des substituts technologiques semblables à des satellites. Dragan Zivadinov, au crâne rasé et vêtu de sombre, ambitionne une représentation « sans présence humaine directe ».
Une projection vers l’infini
À l’issue du projet, le 1er mai 2045, les dispositifs technologiques représentant les comédiens seront envoyés en orbite puis lancés simultanément dans différentes directions au plus profond de l’univers. Ces « dispositifs émancipés et auto-poétiques » contiendront des informations numérisées, notamment de l’ADN de chaque acteur, dans une démarche visant à « apporter la culture » à travers la galaxie, avec pour unique spectateur le soleil.
Cette vision s’inspire du pionnier slovène de la conquête spatiale Herman Potocnik, dont les travaux ont inspiré Stanley Kubrick pour son film culte « 2001, L’Odyssée de l’Espace ».
Un spectacle futuriste et engagé
Le projet « Noordung: 1995-2025-2045 » suscite un engouement certain en Slovénie. Des centaines de spectateurs se pressent pour assister gratuitement à cette expérience théâtrale, accessible sur réservation en ligne.
La scène, en forme de croix, accueille des comédiens principalement sexagénaires, vêtus de costumes monochromes futuristes. Ils évoluent au milieu d’écrans et de drones sur un texte de l’écrivain croate Vladimir Stojsavljevic, qui explore le conflit entre art et pouvoir.
Un parcours avant-gardiste
Avant de s’orienter vers ce théâtre spatial, Dragan Zivadinov avait contribué, dans les années 1980, à la création du mouvement avant-gardiste slovène « Nouvel art slovène », né de la dissidence dans l’ex-Yougoslavie. Depuis, il collabore régulièrement avec la chorégraphe Dunja Zupancic, sans jamais manquer la mise en scène décennale de ce programme ambitieux.
Pour Eneja Stemberger, étudiante en art dramatique venue de Ljubljana, cette expérience est « intéressante et pousse à la réflexion ». Le public venu de divers pays européens partage cet avis, témoignant de l’attraction internationale de ce spectacle décalé.
Une œuvre à suivre sur plusieurs décennies
Darius Bork, conseiller artistique allemand, qualifie ce travail de « vraiment fantastique » et estime qu’il mérite une reconnaissance plus large à l’international. La particularité que le public puisse suivre un même spectacle sur un demi-siècle ajoute une dimension inédite à cette création.
Dragan Zivadinov, qui aura 85 ans en 2045, espère être présent pour l’aboutissement de cette aventure artistique hors norme.