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Geographia : l’histoire de la cartographie en BD de l’Antiquité à nos jours

by Sara
Geographia : l’histoire de la cartographie en BD de l’Antiquité à nos jours
France

L’histoire de la cartographie se révèle être une odyssée fascinante, explorée à travers une bande dessinée qui retrace son évolution de l’Antiquité à nos jours. Dès les premiers temps de l’écriture, les hommes ont cherché à représenter leur environnement, donnant naissance à des formes variées de cartes, reflet de la perception du monde propre à chaque époque et culture.

Carte de Ptolémée, manuscrit ancien

Une histoire plurielle de la cartographie

Jean Leveugle souligne que l’intérêt de retracer l’histoire de la cartographie réside dans la richesse de ses formes anciennes. Par exemple, en Bretagne, la dalle gravée de Saint-Bélec, datée de l’âge du bronze (1900-1600 avant notre ère), illustre déjà une représentation graphique locale. Le récit débute au VIIIe siècle avant notre ère avec une carte mésopotamienne gravée, où Babylone est placée au centre, entourée de localités, fleuves et toponymes précis, avec une progression vers le mythe à mesure que l’on s’éloigne.

Carte mésopotamienne ancienne
Carte mésopotamienne ancienne, vue rapprochée

Emmanuelle Vagnon rappelle qu’il ne s’agit pas d’une histoire linéaire vers la connaissance. Bien que de nombreux témoignages aient disparu, tous les peuples ont élaboré des cartes reflétant leur culture, leur histoire et leurs croyances, offrant ainsi des points de vue alternatifs au modèle occidental dominant.

Ptolémée, figure centrale de la cartographie mathématique

Claude Ptolémée (100-168), astronome, géographe et mathématicien, est une figure emblématique de la cartographie. Vivant sous l’Empire romain, il a compilé les savoirs antiques grecs et posé les fondations de la cartographie mathématique, notamment par la projection de la sphère terrestre sur un plan et l’utilisation d’un système de coordonnées en latitudes et longitudes. Bien que son modèle ne soit plus utilisé, il demeure un héritage fondamental de la cartographie moderne.

La bande dessinée retrace la diffusion de son traité, la Géographie, au Moyen Âge dans le monde arabo-musulman, avant une renaissance italienne à la Renaissance, marquant une époque d’ouverture au monde.

Emmanuelle Vagnon met en avant le rôle de Ptolémée comme un passeur de savoirs, qui a rassemblé 8 000 toponymes connus à son époque et exposé des principes majeurs, base de la cartographie moderne scientifique.

Une collaboration mêlant science, histoire et bande dessinée

Jean Leveugle, auteur-illustrateur de bandes dessinées scientifiques et géographe, a travaillé avec Emmanuelle Vagnon, médiéviste et spécialiste de la cartographie médiévale, pour concevoir cette BD. Leur collaboration, étalée sur deux ans, a combiné recherches historiques et narration graphique, enrichie par les collections de la Bibliothèque nationale de France (BnF).

Les cartes anciennes ont été redessinées pour s’intégrer parfaitement au récit, tandis que leurs originaux sont reproduits dans un cahier final. Cette approche ludique et pédagogique permet de rendre accessible la complexité de la cartographie à un large public.

La richesse des cartes médiévales

Au Moyen Âge, la connaissance que la Terre est ronde est bien établie. Les cartes médiévales placent au centre des espaces considérés importants ou connus, variant selon les cultures : la péninsule Arabique et l’océan Indien pour le califat abbasside, l’Europe pour les cartes chrétiennes, souvent décorées de lieux bibliques.

Ces cartes contiennent alors des savoirs multiples : philosophiques, théologiques, commerciaux ou diplomatiques, et pas seulement géographiques. La mappemonde de Lambert de Saint-Omer (XIIe siècle), par exemple, divise le monde en zones climatiques et habitables, mêlant considérations scientifiques et croyances religieuses, dans une tentative de cohérence intégrée.

Mappemonde médiévale de Lambert de Saint-Omer
Détail de la mappemonde médiévale de Lambert de Saint-Omer

Œkoumène : la notion d’espace habitable

L’« œkoumène », du grec *oikos* (la maison), désigne l’espace habité ou habitable. Sa définition a varié selon les auteurs et les époques. Pour Ptolémée, il couvrait 180° de la sphère terrestre, soit la moitié, tandis que Marin de Tyr lui donnait une étendue encore plus large.

Cette notion a eu des conséquences majeures, notamment pour Christophe Colomb, qui, en s’inspirant de ces cartes, sous-estimait l’étendue de l’océan séparant l’Europe de l’Asie, conduisant à la découverte de l’Amérique. Les cartes peuvent ainsi être à la fois des récits documentés et des outils de persuasion pour financer des expéditions.

Le globe terrestre de Martin Behaim vers 1492 illustre cette vision centrée sur l’œkoumène, sans mention de l’Amérique, reflétant les enjeux politiques et géopolitiques de l’époque. Ces questions restent d’actualité, comme le montre le débat autour du nom du golfe du Mexique.

L’imprimerie et la diffusion massive de la cartographie

L’invention de l’imprimerie au XVe siècle a profondément transformé la cartographie. Jusqu’alors objets rares et précieux réservés à une élite, les cartes ont pu être reproduites et diffusées à grande échelle. L’Atlas de Mercator, réalisé au XVIe siècle par Gérard Mercator et Abraham Ortelius, incarne cette révolution.

Mercator, célèbre pour sa projection éponyme encore utilisée en navigation, a rassemblé une collection exhaustive de cartes et de textes géographiques qui révisent et complètent la Géographie de Ptolémée tout en s’appuyant sur des coordonnées mathématiques précises.

Carte de Mercator

La dynastie des Cassini et la cartographie de la France

À partir du XVIIe siècle, la famille Cassini, ingénieurs cartographes d’origine italienne, a réalisé le premier relevé systématique et scientifique de la France grâce à la triangulation, méthode géométrique de mesure. Cette démarche a permis de cartographier avec une précision inédite chaque village et hameau, conservant des détails encore pertinents aujourd’hui.

Cartographie Cassini

La cartographie face à la quête d’exactitude

Malgré les progrès techniques, la cartographie ne peut prétendre à une exactitude absolue. La représentation d’une surface sphérique sur un plan engendre des déformations inévitables. De plus, les cartes thématiques actuelles, fondées sur des statistiques, peuvent comporter des biais selon la qualité des données collectées.

Les choix de représentation, couleurs ou symboles influencent la perception des informations transmises. Un exemple frappant est celui des cartes électorales, où la surface colorée masque la densité démographique réelle, faussant l’interprétation des résultats.

Carte électorale avec aplats de couleur

Une plongée dans l’histoire pour comprendre le présent

Jean Leveugle invite à repenser notre façon de faire des cartes, en explorant des formes alternatives dites « radicales » qui, depuis les années 2000, mêlent sciences, art et activisme pour documenter des réalités sociales, politiques ou environnementales souvent ignorées.

Il évoque aussi les cartes sensibles, non scientifiques, qui cherchent à restituer le ressenti d’un territoire, comme la perception de son univers sonore, afin d’en enrichir la compréhension.

Emmanuelle Vagnon souligne que toute carte est une construction de son époque. L’étude des cartes anciennes offre un regard critique sur les réalités contemporaines, particulièrement à l’heure où les outils numériques supplantent la carte papier, désormais un objet d’histoire.

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source:https://lejournal.cnrs.fr/articles/une-odyssee-cartographique-en-bd

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