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Les associations marocaines luttent contre la domination du français
« La langue est le symbole de l’existence et de l’identité, et les tentatives d’imposer le français comme langue d’enseignement et d’administration représentent un danger pour la souveraineté linguistique au Maroc », a averti Fouad Bouali, président de l’Alliance nationale pour la langue arabe, lors de son discours au septième congrès national de la langue arabe qui s’est tenu à Rabat vendredi et samedi derniers.
L’Alliance marocaine pour la langue arabe, fondée en 2012, est une organisation non gouvernementale qui regroupe des dizaines d’organisations civiles. Son objectif est de coordonner les efforts des acteurs engagés dans la préservation du rôle de l’arabe dans l’affirmation de l’identité culturelle et religieuse du peuple marocain.
Des linguistes, des acteurs civils, des universitaires et des politiciens se sont réunis à Rabat pour discuter de la réalité de la langue arabe et des rôles du mouvement civil dans sa promotion. Malgré le fait que l’arabe soit la langue officielle du pays aux côtés de l’amazigh, il fait face à des défis qui ont poussé des acteurs à recourir à l’action civile et à fonder des associations pour la protéger contre ce qu’ils appellent « l’invasion de la langue française » dans l’administration, l’éducation et l’économie.
Selon Bouali, l’alliance regroupe des passionnés de tous horizons – associations scientifiques, civiles, culturelles et politiques – pour élaborer des programmes et projets qui défendent l’arabe et son importance dans l’appartenance nationale et religieuse des Marocains.
Il a expliqué dans une interview que l’alliance travaille pour contrer les déséquilibres politiques, civils et communautaires concernant l’intérêt porté à la langue arabe, tout en se concentrant sur la coordination et la coopération avec les organismes arabes dédiés à la promotion de la langue arabe.
Une « Française à outrance »
Un rapport officiel d’une commission parlementaire sur la politique linguistique au Maroc, publié en juillet dernier, a révélé la domination du français dans l’éducation, tant scolaire qu’universitaire, ainsi que dans l’administration et l’économie, limitant ainsi les opportunités d’utilisation de l’arabe et de l’amazigh.
Le rapport indique que le français occupe les deux tiers du temps d’apprentissage dans l’éducation obligatoire, le reste étant partagé entre les deux langues officielles, l’arabe et l’amazigh.
Bouali a mis en garde contre ce qu’il appelle une « francisation à outrance » dans la société, qui perçoit l’arabe comme une menace. Il a également noté que certaines élites considèrent la défense de l’arabe à travers l’organisation de séminaires ou de conférences comme un crime ou un défi à cette langue.
Il a confirmé que la langue arabe subit actuellement un « recul dangereux » qu’elle n’a pas connu depuis l’indépendance, soulignant que certaines commissions gouvernementales et officielles tiennent leurs réunions en français, ce qui constitue une violation claire de la constitution et des lois.
Bouali a appelé à renforcer l’indépendance linguistique tout en restant ouvert de manière équilibrée aux autres langues étrangères, exhortant la société civile à lutter vigoureusement pour protéger les langues nationales contre les politiques qui approfondissent la dépendance linguistique et culturelle à la France. Il a souligné que le Maroc n’a été une nation et un peuple que grâce à la présence de la langue arabe.
Une situation linguistique hybride
L’utilisation du français dans l’enseignement des matières scientifiques constitue l’un des défis auxquels est confronté le mouvement civil qui défend la langue arabe et plaide pour son retour.
Une note du ministre de l’Éducation nationale publiée en 2015 stipulait que les mathématiques et la physique devaient être enseignées en français dans les filières techniques du secondaire. Par la suite, deux options devaient être proposées au secondaire entre l’étude des sciences en arabe ou en français. En 2022, le ministère a décidé de généraliser l’enseignement des sciences uniquement en français en éducation intermédiaire et secondaire.
En 2023, des enseignants de la langue arabe ont fondé l’Association marocaine des enseignants de la langue arabe, visant à améliorer l’enseignement de l’arabe aux locuteurs et non locuteurs, et à le développer par le biais de l’innovation pédagogique.
Le président de l’association, Ibrahim Al-Bahrawi, affirme que la langue arabe fait face à de nombreux défis, notamment ceux liés à l’enseignement des matières scientifiques en langues étrangères.
Dans une interview, Al-Bahrawi a expliqué que le message principal de l’association et des autres organismes engagés dans la défense de la langue arabe est de rétablir le composant linguistique lié à l’arabe en parallèle avec l’amazigh. Il insiste sur la nécessité d’établir une politique linguistique solide qui éduque les enfants dans leur langue arabe et leur identité.
Il a souligné que l’association qu’il dirige est avant tout éducative, compte tenu de son contact avec les apprenants et de sa pratique sur le terrain dans le domaine de l’éducation à tous les niveaux, et qu’elle travaille également à coordonner avec divers acteurs du domaine intéressés par la langue arabe.
Al-Bahrawi a mentionné qu’ils ont contacté les autorités officielles pour attirer leur attention sur la nécessité d’arabiser les sciences et de renforcer le caractère officiel de la langue arabe dans tous les programmes et curricula scolaires, ainsi que d’appliquer l’article 5 de la constitution qui stipule que l’État est le protecteur de la langue officielle du pays.
L’article 5 de la constitution marocaine stipule que « l’arabe demeure la langue officielle de l’État, et l’État œuvre à sa protection, son développement et son utilisation, l’amazigh étant également une langue officielle de l’État, étant un patrimoine commun à tous les Marocains sans exception ».
Al-Bahrawi affirme que les défenseurs de la langue arabe ne sont pas contre l’apprentissage des langues étrangères, bien au contraire, mais ils rejettent ce qu’il appelle une « situation linguistique hybride » vécue par les apprenants, qui étudient les premières années en arabe puis se heurtent ultérieurement à l’obligation d’étudier les matières scientifiques dans une langue étrangère.
Il s’étonne de l’insistance à maintenir le français pour l’enseignement des matières scientifiques, alors que les expériences des pays ayant réussi dans l’éducation montrent que l’enseignement des matières scientifiques et l’établissement de programmes éducatifs dans la langue officielle du pays sont le seul et le meilleur moyen d’améliorer les performances éducatives.