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Fabrication d’un médicament : visite exclusive du laboratoire Servier

by charles

Visite exclusive du laboratoire Servier sur le plateau de Saclay

Quelques semaines seulement après l’invitation, Servier a ouvert les portes de son institut de Recherche & Développement situé sur le plateau de Saclay, en Île-de-France, afin de présenter le parcours de création d’un médicament. Le site, inauguré en 2023, s’étend sur 45 000 m2 de surface utilisable, dont 17 000 m2 dédiés aux laboratoires, et emploie environ 1 250 personnes pour un investissement avoisinant les 400 millions d’euros. Cet établissement représente à lui seul 40 % de la recherche et du développement en Ile-de-France, selon Claude Bertrand, Vice-Président Exécutif Recherche et Développement monde de Servier.

Cette implantation vise à rapprocher toutes les équipes de R&D de France et à dépasser l’époque où la fabrication d’un médicament s’apparentait à une chaîne de valeur trop linéaire. «Nous avons ouvert ce site en 2023. Il s’agit de 45 000 m2 de surface utilisable, dont 17 000 de labo. 1250 personnes travaillent ici et l’investissement a été de près de 400 millions d’euros», précise Claude Bertrand. «Cet établissement représente à lui seul 40 % de la recherche et du développement en Ile-de-France».

Une approche non linéaire du développement pharmaceutique

Le but du site est clair: réunir les équipes en un seul endroit afin que «tout ce qu’on apprend en clinique revienne en recherche, le cycle de vie de fabrication du médicament n’est plus une ligne droite», développe Claude Bertrand. «Il est donc indispensable que l’on travaille tous ensemble. L’idée est d’accélérer le processus pour aller le plus vite possible vers le patient».

Cette logique se traduit par une transparence maximale. «De la rue, on peut voir les chercheurs travailler», se félicite-t-il. De l’autre côté, on distingue notamment les locaux de l’École Normale Supérieure, témoignant d’un lien étroit entre formation, recherche et innovation.

Des dizaines de compétences s’assemblent

Une étape clé consiste à mettre au point un test miniaturisé pouvant être reproduit des centaines de milliers de fois pour identifier les molécules les plus prometteuses. Ces dernières donneront le départ à des recherches plus approfondies en vue d’un projet.

«Ça fait appel à des savoirs biologiques, chimiques, à la biophysique et au développement d’algorithmes mathématiques», énumère Christophe Thurieau, directeur général de la recherche. «Pour développer correctement un programme de recherche, des dizaines de compétences s’assemblent.»

Initialement, il s’agit d’identifier une cible et de tester cette cible avant de mettre en place un modèle cellulaire. On passe ensuite à des modèles in vivo. «En fonction du type de cible que l’on veut atteindre, on se demande d’abord quel outil thérapeutique utiliser. Est-il plus pertinent de l’adresser avec une molécule chimique ou biologique ?», illustre Christophe Thurieau. Puis les chimistes ou biochimistes conçoivent la molécule (principalement des anticorps dans ce cadre) et l’optimisent pour qu’elle soit la plus efficace possible sur la cible.

Ce n’est pas un trajet à sens unique

Une fois l’activité démontrée sur des modèles simples, les chercheurs travaillent sur des modèles cellulaires ou animaux portant la pathologie à traiter. Il s’agit d’évaluer l’efficacité, la tolérabilité et la toxicité, avant de proposer un développement préclinique puis clinique.

«Mais ce n’est pas un trajet à sens unique où on donne une molécule et les autres se débrouillent», assure Christophe Thurieau. «Au cours du développement, des données générées nous font réfléchir à nouveau: est-ce qu’on l’a suffisamment exploitée et peut-on affiner ses propriétés?»

«L’important à ce moment-là est de s’assurer qu’on utilise toutes les données générées en recherche mais également en préclinique avec des données de toxicologie pour déterminer la dose qui peut être utilisée afin d’éviter des effets toxiques», renchérit Fabien Schmidlin, directeur de la médecine translationnelle. «On utilise des modèles mathématiques pour modéliser ce qui va se passer chez l’homme. Cela nous permet d’avancer plus vite et d’arriver au patient avec des produits plus sûrs et une dose efficace.»

Accélérer le passage de la recherche vers le développement

La médecine translationnelle sert de pont entre la recherche et le développement, afin d’accélérer l’avancement des produits. «Ici, les gens ont des formations de chercheurs mais il y a aussi des pharmaciens et des cliniciens qui permettent de faire ce lien», note-t-on. L’intelligence artificielle joue un rôle croissant dans l’identification de modèles mathématiques de la maladie et de cibles thérapeutiques.

«Lorsqu’il s’agit de thérapies ciblées, nous identifions la sous-population qui aura le plus de chances de répondre et les biomarqueurs qui permettent de la caractériser», poursuit Fabien Schmidlin. «Cela permet dès le début de la recherche d’avoir une vision très claire de la population de patients et d’accélérer le passage de la recherche vers le développement. En parallèle, nous développons le test diagnostique compagnon, clé pour tester les biomarqueurs préalablement définis.»

«Ce test permet d’identifier les patients qui pourraient rejoindre l’essai clinique et d’ajuster le recrutement selon les critères d’inclusion des protocoles», complète Patricia Belisa Mathiot, directrice du développement clinique et Chief Medical Officer de R&D. Cela conduit à un traitement mieux adapté et plus rapide, améliorant la qualité de vie des patients.

On travaille en collaboration très étroite avec le patient

Les patients sont intégrés dès la phase préclinique et jouent un rôle central dans le processus de recherche et développement. «Autrefois, le médecin savait tout et le patient ne pouvait rien remettre en question. Aujourd’hui, les interactions ont changé et nous collaborons étroitement avec le patient, dès l’amont des études cliniques, puis lors de la revue des documents (protocoles cliniques, consentements, etc.). Pour obtenir un consentement éclairé, tous nos documents sont rédigés en langage vulgarisé et peuvent être signés à distance: c’est le e-consentement. L’objectif est que les patients s’engagent sur toute la durée de l’étude et que nous réduisions leurs contraintes.»

Pour les premières études de Phase 1, Servier inclut entre vingt et cent individus. «Plus notre biomarqueur est spécifique, moins le nombre de patients nécessaire est important: on peut prédire en amont quels types de patients le traitement fonctionnera. C’est tout l’intérêt de la médecine de précision», affirme Patricia Belisa Mathiot. Pendant la Phase 2, qui s’étale sur plusieurs mois et regroupe plusieurs centaines de patients, l’objectif est d’évaluer l’efficacité de la thérapie. En Phase 3, le médicament est testé en comparaison à un placebo ou à une thérapie de référence, sur des études plus longues et impliquant des centaines, voire des milliers de patients dans le monde.

Le suivi à distance des essais cliniques facilite le quotidien des participants: des visites à domicile par des infirmières peuvent intervenir lorsque nécessaire, et le partage des données via des objets connectés accélère l’accès aux informations par les chercheurs.

L’heure de la demande de mise sur le marché

La pandémie a accentué l’accélération des procédés, notamment grâce à l’intelligence artificielle et aux essais cliniques internationaux, ainsi qu’à l’harmonisation des procédures. «Avant, il fallait soumettre le protocole dans 27 pays européens et ajuster les commentaires de chacun, ce qui prenait du temps», rappelle Patricia Belisa Mathiot.

Lors de la phase 3, il s’agira de valider la dose déterminée en phase précédente en la comparant à un traitement de référence ou à un placebo. Si un biomarqueur est identifié et que la population la plus susceptible de répondre est ciblée, les chances de succès augmentent. C’est à ce moment que l’entreprise dépose une demande de mise sur le marché pour l’autorisation de commercialisation.

En France, l’autorisation de mise sur le marché dépend de l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Le processus d’autorisation peut durer entre six mois et un an, selon la complexité du dossier et si le produit est destiné uniquement au marché national ou à d’autres pays.

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