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Mahnoor Omer, originaire de Rawalpindi, s’est retrouvée au centre d’un combat national contre la taxe sur les protections périodiques au Pakistan. Ayant vécu la honte et la difficulté d’accéder aux serviettes hygiéniques pendant son adolescence, elle a déposé en septembre une requête devant la Cour supérieure de Lahore pour contester ce qu’elle et d’autres qualifient de « taxe sur les règles ». Cette action vise à rendre les protections menstruelles plus abordables pour des millions de femmes pakistanaises.
Le poids économique d’une stigmatisation
Au Pakistan, plusieurs taxes s’accumulent sur les protections périodiques, rendant leur coût très élevé pour de nombreuses familles.
- Taxe sur les ventes : 18 % sur les serviettes fabriquées localement.
- Droits de douane : 25 % sur les protections importées et sur les matières premières.
- Taxation effective : en incluant d’autres taxes locales, le coût peut atteindre environ 40 %.
Une boîte standard de 10 serviettes coûte environ 450 roupies (1,60 $). Dans un pays où le revenu moyen par habitant tourne autour de 120 $ par mois, ces dépenses représentent un sacrifice réel pour de nombreuses familles à faible revenu.
Expériences personnelles et tabou social
Le vécu de Mahnoor Omer illustre comment la honte liée aux règles commence tôt et se poursuit à l’âge adulte. À l’école, elle cachait ses serviettes au point de se sentir comme si elle commettait un délit. Les paroles et attitudes des enseignants et camarades contribuaient à cette stigmatisation.
Le cas de Bushra Mahnoor, fondatrice de Mahwari Justice, reflète la réalité de nombreuses filles : la recherche d’une protection était une source d’angoisse familiale et scolaire. Elle se souvient d’enseignants humiliant des élèves à cause de tâches sur leurs uniformes, et de l’ignorance autour de l’usage des protections lors des premières règles.
Les études montrent que la majorité des filles se sentent gênées à l’idée de parler de leurs règles et que beaucoup n’ont reçu aucune information avant leurs premières menstruations. Cette double contrainte — honte sociale et coût élevé — pousse de nombreuses femmes à improviser avec des chiffons ou d’autres matériaux, parfois sans accès à l’eau propre pour se laver.
Actions communautaires : kits et sensibilisation
Des ONG et collectifs étudiantes ont comblé partiellement le vide laissé par l’État en distribuant des kits et en menant des campagnes de sensibilisation.
- Contenu des « kits dignité » : serviettes, savon, sous-vêtements, détergent et analgésiques.
- Impact : plus de 100 000 kits distribués par Mahwari Justice.
- Moyens de sensibilisation : chansons rap, bandes dessinées et animations pour normaliser la conversation autour des règles.
Ces initiatives visent autant à répondre aux besoins immédiats qu’à combattre le tabou. « Quand on prononce le mot ‘mahwari’ à voix haute, on apprend aux gens que ce n’est pas honteux », explique la fondatrice de Mahwari Justice.
Poursuite judiciaire et arguments constitutionnels
La requête déposée par Mahnoor Omer et son co-demandeur, l’avocat Ahsan Jehangir Khan, accuse la fiscalité d’être discriminatoire envers les femmes et contraire à plusieurs dispositions constitutionnelles garantissant l’égalité, la dignité et la justice sociale.
Khan, spécialiste en droit fiscal et constitutionnel, affirme que la taxe pénalise une fonction biologique et résulte de politiques écrites par une élite qui n’a pas pris en compte l’impact sur les femmes ordinaires. La bataille juridique vise à faire reconnaître cette discrimination et à obtenir la suppression des taxes.
Les défenseurs espèrent que l’action judiciaire poussera le gouvernement à suivre l’exemple d’autres États qui ont supprimé la taxe sur les protections menstruelles, rendant ces produits plus accessibles.
Impacts sociaux, éducatifs et climatiques
La suppression de la taxe pourrait produire des retombées positives au-delà de la santé menstruelle.
- Éducation : une meilleure accessibilité aux protections peut réduire l’absentéisme scolaire chez les filles.
- Économie domestique : la réduction des dépenses ménagères permettrait une réallocation des ressources dans les foyers pauvres.
- Changement climatique : lors de catastrophes comme les inondations de 2022, l’absence d’accès aux protections aggrave la vulnérabilité des femmes.
Certaines militantes demandent aussi des droits supplémentaires, comme un congé menstruel payé, en réponse aux cas où des femmes ont perdu leur emploi à cause de douleurs menstruelles ou d’absences répétées.
Un combat pour la dignité
Pour Mahnoor Omer, l’affaire dépasse le seul enjeu juridique : il s’agit de rendre visibles des problèmes quotidiens et de réaffirmer la dignité des femmes. Elle explique que ce qui motive son action, c’est le sentiment de justice et la volonté de ne pas se taire face à une inégalité manifeste.
Alors que la procédure suit son cours, l’issue pourrait transformer l’accès à l’hygiène menstruelle au Pakistan et ouvrir la voie à des changements sociaux plus larges, en rendant les protections périodiques plus abordables et moins stigmatisées pour des millions de femmes.

