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Un petit pas pour les étiquettes, mais un grand pas pour la santé publique ? Le gouvernement a annoncé, vendredi 14 mars, la signature d’un arrêté très attendu modifiant les règles de calcul du Nutri-Score. Cet étiquetage, mis en place en France depuis 2017, vise à orienter les consommateurs vers une alimentation plus saine en classant les produits de A à E selon leur composition et leurs apports nutritionnels. En vertu d’une nouvelle méthodologie, certaines notes vont évoluer pour toujours mieux « lutter contre le surpoids » et « les maladies cardiovasculaires, le diabète et certains cancers », a défendu la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, sur TF1. Cette évolution suscite des réactions mitigées parmi les industriels et certains membres du gouvernement.
Que contient la nouvelle version du Nutri-Score ?
Prêt depuis plus d’un an et déjà instauré dans d’autres pays européens, le nouveau mode de calcul corrige des défauts de la version initiale, qui avait par exemple tendance à bien classer des produits très sucrés. Cette évolution vise à mieux différencier les aliments « selon leur teneur en sel et sucres », ainsi qu’à favoriser les produits complets, riches en fibres, par rapport aux alternatives raffinées, selon le communiqué du gouvernement. L’algorithme modifié améliore également la note des poissons gras, sources d’oméga 3, et celle des huiles les moins riches en acides gras saturés (olive, colza, noix, qui passent de C à B). Les boissons trop sucrées ou, dans une moindre mesure, contenant des édulcorants sont, elles, plus sévèrement notées.
Selon Santé publique France, « entre 30 et 40% des produits » vont voir leur Nutri-Score modifié, au terme d’un délai de deux ans accordé aux industriels volontaires pour mettre à jour leurs emballages. Les yaourts sucrés, comme le Yop ou le Candy’Up, perdront deux lettres, de B à D. La note du lait écrémé ou demi-écrémé va baisser de A à B et celle du lait entier de B à C, car « trop de personnes en boivent comme si c’était de l’eau », seule boisson recommandée dans la catégorie A, selon l’épidémiologiste Mathilde Touvier, citée par l’AFP en 2024. Du côté des céréales, seuls les mueslis sans sucre conserveront un A. Les Chocapic, qui bénéficiaient de cette bonne note, seront rétrogradés en C. Quant à la viande rouge, elle sera désormais systématiquement moins bien classée que la volaille ou le poisson.
Pourquoi est-elle critiquée ?
La mise à jour du mode de calcul, décidée dès 2023 par le comité scientifique du Nutri-Score, a été rapidement contestée par des industriels ayant vu certains de leurs produits moins bien notés. En septembre 2024, Danone a même décidé de ne plus afficher le Nutri-Score sur ses yaourts à boire, parmi lesquels Actimel, qui serait passé à D à cause de sa teneur élevée en sucre, contre A ou B à l’origine selon ses variantes. Parallèlement, des géants de l’agroalimentaire ont mené une intense campagne de lobbying pour empêcher toute obligation d’affichage du Nutri-Score dans les pays de l’Union européenne.
Ce combat a été partiellement repris en France par la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, qui a retardé la publication de l’arrêté, au motif que le Nutri-Score pénaliserait des produits du terroir comme le comté, le roquefort ou « toutes les magnifiques salaisons françaises ». « Quand on prend 100 grammes de fromage classé en E, on ne tient pas compte de la réalité d’une consommation normale de fromage qui est aux alentours de 30 grammes », a-t-elle plaidé. Tout en donnant son feu vert au nouveau système, elle a obtenu des consignes de « vigilance » au sein de l’exécutif.
« Les ministres seront attentifs à ce que ce système (…) ne nuise pas aux produits issus de la richesse de nos terroirs et symboles de notre patrimoine culinaire. »
Comment ont réagi les défenseurs du Nutri-Score ?
Face aux critiques d’Annie Genevard, des voix se sont élevées pour défendre ce nouvel étiquetage. Il s’agit d’un « vrai outil de santé publique, plébiscité par les Français et influençant les choix d’achats », a notamment souligné le directeur général de la santé, Grégory Emery. Certains acteurs de la grande distribution et de la transformation agroalimentaire ont aussi exprimé leur soutien. La fédération patronale des supermarchés, la FCD, a ainsi salué le Nutri-Score revisité, étiquetage « utile pour tous », qui « pousse à des meilleurs choix nutritionnels autant qu’il pousse les entreprises à améliorer leurs recettes ».
Vendredi, le professeur Serge Hercberg, l’un des concepteurs du Nutri-Score, s’est réjoui d' »une victoire de la santé publique », un enjeu qui doit « être au premier plan des préoccupations du gouvernement ». Il reste « d’autres batailles à mener pour convaincre les industriels d’adopter le Nutri-Score » et à terme « le rendre obligatoire », a-t-il estimé. L’association de consommateurs Foodwatch, très engagée dans ce combat, s’est félicitée d’un succès de « la mobilisation citoyenne contre les lobbies agroalimentaires ». Elle a assuré qu’elle continuerait de « dénoncer les manœuvres des lobbies auprès de la Commission européenne » et de batailler pour que « le logo devienne obligatoire sur tout le continent ».