Table of Contents
Pour tenter de freiner l’aggravation des ruptures de médicaments observées depuis près de quinze ans, les pouvoirs publics ont pris des mesures. Dans la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) de 2021, une obligation de constituer un stock de sécurité minimal de deux mois a été instaurée.
Réglementation des stocks de médicaments
Cette mesure concerne les médicaments réservés aux patients traités en France et jugés d’intérêt thérapeutique majeur. Pour les médicaments ayant connu des ruptures fréquentes au cours des deux années précédentes, le stock minimum requis est porté à quatre mois. Actuellement, 748 médicaments sont concernés par cette dernière mesure, contre 422 en 2021.
La situation n’est pas près de s’arranger. Les autorités sanitaires font face à une gravité croissante, et en 2023, plus de 5 000 molécules ont été signalées pour rupture de stock ou risque de rupture, soit un taux de croissance de plus de 1 000 % en dix ans.
Sanctions pour non-respect des obligations
Pour contraindre les laboratoires à respecter la législation, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSM) a condamné, le 24 septembre 2024, onze laboratoires à payer 8 millions d’euros, une première dans l’histoire du secteur.
Les entreprises les plus sanctionnées incluent le laboratoire français de génériques Biogaran pour des stocks insuffisants d’Irbesartan, une molécule contre l’hypertension, ainsi que Sandoz et Viatris, qui disposent d’un portefeuille important de molécules génériques.
Cette décision souligne que les médicaments les plus touchés par les ruptures et pénuries sont souvent des génériques anciens, dont les grands laboratoires se désintéressent à cause de leur prix plus faible par rapport aux molécules innovantes brevetées.
Critiques des sanctions et des solutions proposées
Ces sanctions sont-elles réellement efficaces pour améliorer la disponibilité des médicaments ? Selon le syndicat des entreprises du médicament, le Leem, la réponse est clairement négative. Dans un récent communiqué, celui-ci s’indigne de la tonalité accusatrice des sanctions envers les laboratoires, d’autant que les chiffres de l’ANSM montrent une baisse significative du nombre de ruptures.
De plus, le procédé de sanctions automatiques, sans audition préalable des laboratoires, est jugé inéquitable, alors que la plupart des médicaments sont disponibles sur le marché français. Biogaran dénonce également la rigueur des autorités, craignant des impacts financiers négatifs sur la situation des fabricants de médicaments.
Sans répondre aux problèmes de pénurie, le Leem propose de rendre certains médicaments disponibles sans ordonnance, tout en maintenant leur remboursement en cas de prescription. Cette initiative, qui pourrait générer environ 300 millions d’euros d’économies pour la Sécurité sociale, risque toutefois de transférer la charge sur les patients et d’augmenter les risques de mauvais usage.
Raisons sous-jacentes aux pénuries
Les causes des pénuries résident dans les stratégies de quête de profit maximum des grands laboratoires, telles que la délocalisation des usines, l’externalisation de certaines étapes de production, et la concentration des acteurs du secteur. Ces stratégies touchent principalement les médicaments génériques, soumis à des baisses de prix imposées par les régulateurs publics.
Une crise européenne
Les pénuries ne se limitent pas à la France ; l’ensemble des États membres de l’Union européenne (UE) sont touchés, avec 65 % d’entre eux signalant une aggravation de la situation en 2023. Une approche coordonnée à l’échelle européenne pourrait-elle être la solution ? Le Leem soutient que la constitution de stocks de sécurité au niveau national n’est pas suffisante.
Bien que l’UE ait mis en place plusieurs dispositifs, ces derniers semblent encore insuffisants, se limitant à des recommandations d’information et de transparence sans politiques coercitives.
Le Groupement pharmaceutique de l’Union européenne (GPUE) recommande d’améliorer la disponibilité des médicaments et de permettre aux pharmaciens d’élargir leurs compétences en cas de pénurie, tout en améliorant la communication sur la disponibilité des produits.
Perspectives pour l’avenir
La période de l’épidémie de Covid-19 avait révélé un besoin urgent d’autonomie dans le secteur de la santé, conduisant le Parlement européen à voter une résolution en septembre 2020 pour renforcer l’approvisionnement et relancer la production locale. Cependant, peu de progrès ont été réalisés depuis.
Les incitations financières pour encourager les producteurs d’ingrédients actifs à s’installer en Europe et l’évaluation des investissements étrangers dans les usines de fabrication pourraient cependant mener à des avancées significatives.