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Élections présidentielles de Panama: politique et destin étonnants
Depuis longtemps, l’actualité internationale du Panama est associée à son canal reliant les océans Atlantique et Pacifique, son rôle clé dans le trafic maritime mondial, le dossier des « Panama Papers » et sa réputation de paradis fiscal, ainsi qu’à son statut de point de passage crucial pour l’immigration irrégulière vers les États-Unis. Cependant, les événements politiques récents ont également placé le Panama sous les feux des projecteurs le 5 mai dernier.
La victoire de José Molino, candidat à la vice-présidence, à la présidence du pays a été une surprise digne d’être étudiée dans le cadre des « jeux de la politique et du droit », ou comme un coup de chance rare.
Le cheval gagnant
Le Panama est le dernier des pays d’Amérique centrale et du Sud à avoir mis fin à une dictature militaire en 1989, entamant depuis cette date une expérience démocratique avec beaucoup d’enthousiasme populaire.
Le vainqueur des récentes élections, José Molino, était en fait le candidat à la vice-présidence de l’ex-président conservateur Ricardo Martinelli, qui a dirigé le Panama de 2009 à 2014. Cependant, le tribunal électoral a refusé en mars dernier la candidature de Martinelli en raison de condamnations à dix ans de prison et d’une amende de 19 millions de dollars pour des accusations de corruption financière qu’il a niées.
Après des tentatives infructueuses de son parti pour contester la décision du tribunal électoral, la Cour suprême a annulé cette décision deux jours avant les élections, permettant à José Molino de se présenter seul à la présidence, sans vice-président.
Les médias ont largement décrit José Molino comme « le cheval gagnant » sur lequel Martinelli avait misé, notamment parce qu’il avait été ministre de l’Intérieur sous sa présidence et était un des piliers de son gouvernement. De plus, c’est un diplomate chevronné ayant occupé le poste de ministre des Affaires étrangères de 1990 à 1994.
Ce qui est frappant dans les récentes élections du Panama, qui ont également inclus des scrutins législatifs et locaux le même jour, c’est le sort de l’ex-président Martinelli après sa condamnation en 2022 et sa tentative de candidature à la présidentielle de 2024. L’homme de droite, allié de Washington, avait cherché protection aux États-Unis, mais l’administration américaine lui a refusé l’entrée ainsi qu’à sa famille, les renvoyant au Panama fin janvier.
Soutien populaire
Depuis ce jour, Martinelli réside à l’ambassade du Nicaragua au Panama, communiquant virtuellement avec ses partisans et suivant les événements électoraux. Il a exprimé son soutien indéfectible à José Molino, qui l’a visité à l’ambassade le jour du vote.
Deux questions intrigantes se posent : pourquoi Martinelli a-t-il choisi de se réfugier à l’ambassade d’un pays de gauche comme le Nicaragua, souvent critiqué, et pourquoi bénéficie-t-il toujours d’un soutien populaire malgré les accusations de corruption et le retrait du soutien américain ?
- La réponse à la première question est principalement pragmatique, car même ses alliés n’ont fourni aucune explication convaincante.
- Quant à son soutien populaire, il est probablement dû à sa réputation d’homme d’affaires et à la méfiance de ses partisans envers les accusations de corruption, bien qu’impliquant également son successeur, Juan Carlos Varela, dans des scandales liés à la société brésilienne Odebrecht.
Cet appui populaire est renforcé par le fait que de nombreux Panaméens considèrent que sous la présidence de Martinelli, des projets d’infrastructure ont réduit le chômage. Cela a conduit à une victoire de Molino avec 35 % des voix, soit 10 points de plus que le second candidat.
Le cauchemar de l’Amérique latine
Bien que la relation entre Martinelli et Molino semble harmonieuse, avec des attentes d’un « pardon » potentiel pour Martinelli, certains envisagent que Molino pourrait au contraire l’extrader au Nicaragua pour se démarquer et forger son propre chemin en tant que président indépendant.
Ce scénario reflète le cauchemar des politiciens d’Amérique latine, semblable à ce qui s’est passé récemment en Équateur entre l’ex-président Rafael Correa et son ancien vice-président Lenín Moreno, ou en Bolivie entre le président actuel Luis Arce et son prédécesseur Evo Morales.