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Le calligraphe libyen Cherif Guira raconte son expérience unique

by Sara

Le calligraphe libyen Cherif Guira raconte son expérience unique

**Istanbul –** Dans un monde où l’art se mêle à la foi et où les techniques d’écriture manuelle rencontrent les dernières innovations numériques, la personnalité de Cherif Guira Zitouni émerge comme l’un des calligraphes les plus éminents du Coran en Libye et dans le monde islamique.

Cherif Guira a commencé son parcours dans l’art de la calligraphie arabe depuis son enfance, lorsque son enseignant a remarqué la beauté de son écriture, l’incitant à suivre une voie artistique empreinte de créativité et de précision. Au fil des années, sous l’égide d’éminents maîtres de la calligraphie arabe, il a réussi à se distinguer, devenant une figure clé dans l’écriture du Saint Coran.

Session de révision du Coran (Al Jazeera)

Un parcours jalonné de défis

Malgré les nombreux défis, tant personnels que professionnels, Cherif Guira n’a jamais cessé de poursuivre son rêve : écrire le Saint Coran. Grâce à un travail acharné et une détermination sans faille, il a réussi à transformer ce rêve en réalité, devenant l’un des calligraphes les plus en vue dans ce domaine.

Dans une interview exclusive, Cherif Guira partage son parcours unique, les défis qu’il a affrontés et son rôle dans la préservation et la transmission de ce patrimoine aux générations futures.

Comment a débuté votre aventure dans la calligraphie arabe ?

J’ai commencé mon parcours dans la calligraphie arabe dès mes années d’école primaire. C’était lorsque mon enseignant, Ali Ben Ali, un cousin de mon père, a attiré mon attention sur la beauté de mon écriture en me disant : « Tu es calligraphe, ton écriture est belle ». C’était la première fois que j’entendais ce terme. De plus, les arts faisaient partie de l’héritage familial. Je me souviens particulièrement de mon cousin, Ibrahim Guira, qui a terminé ses études au sein de l’Institut Ben Maqula et a joué un rôle déterminant dans mon éducation et mes orientations.

Les personnes influentes de votre parcours

La personne qui a véritablement changé ma vie dans le domaine de la calligraphie est le professeur Mahmoud Bouaïchi, qui a eu un impact profond sur mon développement artistique. En outre, j’ai eu une relation étroite avec le calligraphe Aboubakr Sassi, le calligraphe du Coran de la Jamahiriya, durant ma période d’enseignement dans la rue Asrim. Il m’a dit un jour : « Mon fils, tu seras, avec la volonté de Dieu, un calligraphe du Coran ». Ces mots ont profondément résonné en moi. J’ai également eu l’opportunité de travailler avec le professeur Siddiq Al-Zghadani, calligraphe du Coran des Awqaf, lors d’un voyage au Mali et en Ouganda, où nous avons enseigné l’art de la calligraphie et écrit le grand mosquée là-bas. Ces expériences ont été cruciales et ont laissé une empreinte indélébile sur ma carrière artistique.

Session de révision du Coran (Al Jazeera)

Racontez-nous l’histoire de l’écriture du Coran

Tout a commencé avec une phrase touchante énoncée par le cheikh Aboubakr Sassi : « Tu es, mon fils, un calligraphe du Coran ». Ces mots se sont ancrés dans mon cœur. Lorsque le moment approprié est enfin arrivé, grâce à Dieu, pour commencer à réaliser ce rêve, c’était le véritable coup d’envoi.

À cette époque, notre pays traversait des conditions difficiles, où chacun se préoccupait de trouver de l’électricité et de la stabilité, tandis que moi, je cherchais un financé pour le projet d’écrire le Coran. Par la grâce de Dieu, une personne s’est manifestée, prête à s’engager dans cette œuvre grandiose. C’est ainsi que nous avons commencé à poser les bases du projet.

La recherche de financement a duré des années de travail acharné. J’ai ensuite pensé à la prochaine étape, me tournant vers les Awqaf comme l’entité responsable. J’ai été accueilli par le Dr. Cheikh Al-Touhami Al-Zwaytini, directeur de la gestion des affaires du Coran et de la Sunnah. J’ai exprimé mon désir d’écrire le Saint Coran selon la narration de l’imam Qalon, soulignant le besoin urgent de combler le vide à cette époque. Le cheikh Al-Touhami a accepté ma proposition et m’a conseillé d’écrire une demande officielle pour que le projet emprunte son chemin administratif et légal. En effet, le 19 mars 2017, la demande a été soumise avec succès, et un comité a été constitué pour suivre et superviser le projet, en obtenant également les autorisations nécessaires pour la circulation, la publication et la distribution.

Outils et techniques utilisées dans ce projet

Les outils d’écriture sont variés et multiples. Après de nombreux essais et consultations, j’ai opté pour un stylo en métal pour accomplir cette tâche, étant donné que la taille du stylo était liée à la longueur et à la précision de la ligne. Il était également impératif de préparer la table à une taille confortable correspondant à la nature du travail, de considérer le type de papier, qu’il soit grand ou petit, et de déterminer si le Coran était destiné à l’impression ou à la calligraphie manuelle. Tous ces détails étaient des facteurs essentiels qui m’ont aidé à faire le meilleur choix pour le Coran, et je rends grâce à Dieu pour cela.

Mon fils Mohamed a joué un rôle central dans ce projet ; son expertise technique a été déterminante dans la gestion du dossier du Coran, ce qui a grandement contribué à économiser temps et efforts. De plus, il a joué un rôle clé dans le suivi du dossier lors de son passage à la phase numérique, facilitant ainsi son interaction et son impression. La technologie s’est révélée être un outil essentiel pour atteindre cet exploit.

Les plus grands défis rencontrés lors de l’écriture du Coran

Pour commencer, c’était ma première expérience d’écriture d’un Coran, un défi de taille ; ce travail requiert une grande précision et ne tolère aucune erreur. Plusieurs pays s’apprêtent à écrire leurs propres Corans, illustrant ainsi l’énormité de cette tâche. À cet égard, j’ai compris qu’il était essentiel de préparer soigneusement mes idées. Le cheikh AbdelLatif Al-Chouweirf, qu’Allah lui accorde Sa miséricorde, était connu pour ses opinions robustes sur la stabilité et la représentation des lettres. J’ai donc décidé de le rencontrer pour écouter ses conseils. Nous avons discuté et il m’a expliqué en détail les normes de transcription et l’importance de leur préservation, me permettant ainsi de prendre conscience de la responsabilité qui m’incombait. Ce projet ne consistait pas seulement en un travail d’écriture, mais nécessitait une préparation scientifique et technique de haut niveau. Je me suis demandé si je serais capable de conjuguer la beauté de l’écriture à la précision des limites sur 604 pages. Après une étude approfondie, je me suis senti plus préparé à affronter le comité scientifique et à collaborer avec eux en harmonie.

Pendant ce parcours, un des défis marquants a été la maladie de mon père, qui a souffert d’un cancer. Nous avons passé trois années en Turquie entre hôpitaux et opérations, tout en poursuivant mon travail d’écriture entre la table, le stylo et l’ordinateur. Malgré le stress psychologique intense, grâce à Dieu, j’ai pu honorer ma responsabilité envers mon père et envers le projet.

J’ai également rencontré d’autres défis durant la pandémie de COVID-19, où ma femme était tombée malade, et j’ai dû jongler entre mes obligations familiales et les soins apportés à mes enfants, vivant dans une société aux coutumes différentes. Tous ces défis étaient exigeants.

Mais, le plus grand défi a été mon travail au sein des douanes, où j’ai été licencié pour absence, malgré l’accord préalable avec les administrations précédentes stipulant que je me dédierais à l’écriture du Coran. Cette décision est survenue alors que le monde traversait une pandémie de COVID-19, où toutes les institutions avaient cessé leur activité, même les écoles avaient fermé leurs portes. De plus, Tripoli était en guerre pendant plus d’un an, paralysant ainsi le travail de la plupart des institutions gouvernementales. Malgré toutes ces circonstances, aucun soutien ne m’a été accordé, ce qui m’a fait ressentir une grande injustice.

L’influence de la Libye et d’Istanbul sur votre art

J’ai choisi Istanbul pour en faire mon foyer artistique, car elle est considérée comme la capitale de la calligraphie arabe. Alors que la révélation est venue à La Mecque et a été lue en Égypte, l’art de la calligraphie a atteint son apogée en Turquie. La prospérité de cet art dans cette ville a facilité l’accès aux sources de connaissance et à l’exploration des racines de cet art ancien, faisant d’Istanbul un terreau fertile pour la créativité et l’apprentissage.

Impact de votre œuvre sur la société

Bien sûr, il existe des rôles et des domaines où l’on peut avoir un impact significatif, mais il est crucial de comprendre le rôle qui convient le mieux. Pour moi, mon objectif est clair : développer l’écriture des Corans. Dans la société libyenne, les écoles coraniques font partie intégrante de la vie de ses jeunes pendant les vacances, et il y a une demande croissante pour les Corans dans les maisons de mémorisation. Ainsi, j’ai eu un rôle actif dans l’impact sur la société en répondant à ce besoin.

Révision de l’écriture du Coran (Al Jazeera)

Plans futurs pour de nouveaux projets

Après avoir achevé l’écriture du Coran selon la narration de Qalon, j’ai commencé à travailler sur un projet d’écriture du Coran selon la narration de Al-Kharaz, en réponse à la demande croissante. Nous sommes actuellement en phase de préparation pour ce projet. J’aspire également à écrire le Coran selon toutes les autres narrations, qui se chiffrent à 20. Je demande à Dieu de me donner la réussite dans cette quête.

Première version du Coran écrite par Cherif Guira Zitouni (Al Jazeera)

Conseils pour les nouvelles générations de calligraphes

Je vous conseille d’être patient et de persévérer, et de toujours chercher à apporter de la valeur à vos œuvres. Sachez que ce métier est noble et mérite toute l’attention et le soin, ne négligez pas le perfectionnement de vos compétences et la préservation de la beauté et de l’authenticité de la calligraphie.

La calligraphie comme expression spirituelle

La calligraphie est un outil d’expression coranique, un mélange d’intuition spirituelle et de technique corporelle, alliant abstraction du sens et matérialité du dessin. Dans ce contexte, les lettres et les mots en calligraphie arabe se transforment en une œuvre d’art spécifique. La quête de la beauté dans l’écriture est un défi demandant d’énormes efforts et une précision inouïe. Le calligraphe doit mélanger la profondeur des significations à la beauté de l’écriture, emmenant le spectateur dans une aventure visuelle qui l’incite à explorer des significations plus profondes à travers la beauté et l’harmonie des lettres. Dr. Ismail Farouki a souligné : « Nous ne trouvons pas parmi les peuples de Mésopotamie, des Hébreux, des Hindous ni même chez les Grecs et les Romains, y compris les Arabes eux-mêmes, quelqu’un qui a essayé de découvrir la valeur esthétique du mot visible… Mais l’émergence de l’Islam a ouvert de nouvelles perspectives pour le mot comme moyen d’expression artistique. L’exceptionnelle génialité islamique est ici indiscutable, la calligraphie est devenue une forme d’arabesque, que nous pouvons alors considérer comme une œuvre artistique indépendante, islamique à part entière, indépendamment de son contenu intellectuel. »

Lorsque la calligraphie est passée des cœurs aux pages, elle a acquis une valeur sacrée immense. Elle a été liée au sens du mot, s’intercalant avec de nombreuses autres formes d’art, jusqu’à devenir aujourd’hui un art purement arabe, et elle est maintenant l’un des simboles du patrimoine artistique islamique. La calligraphie est qualifiée de « géométrie spirituelle incarnée en acte physique », mélangeant à la fois l’âme et l’architecture, tout comme elle marie la précision des leçons du Coran avec la beauté de l’écriture, insufflant une âme au texte, le transformant en une œuvre d’art captivante dépassant les barrières linguistiques. Ainsi, l’art de la calligraphie élève la fonction expressive du mot à des horizons plus larges et plus profonds.

Le calligraphe libyen Cherif Guira Zitouni (Al Jazeera)

Évolution du calligraphie arabe dans l’histoire

La calligraphie est liée à la révélation du Coran ; les calligraphes ont excellé dans l’écriture des Corans, rivalisant pour perfectionner leur exécution. C’est ainsi qu’elle a acquis une dimension sacrée et des règles solides. Parmi ces pionniers notables figuraient Ibn Muqlah, Ibn al-Bawwab, Yaqout al-Musta’simi, et Hamdallah al-Amassi.

Perspectives de la calligraphie arabe à l’ère numérique

Les opinions divergent à ce sujet, certains estiment qu’il est préférable de préserver l’authenticité de la calligraphie loin des technologies numériques, tandis que d’autres soutiennent que la technologie peut effectivement renforcer les capacités de la calligraphie. Chacune de ces perspectives a ses avantages et ses inconvénients, mais la question principale est : qui peut utiliser la technologie pour réellement servir l’art calligraphique ? Il y a effectivement ceux qui réussissent à faire cela grâce à Dieu.

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