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La récente attribution du Prix Nobel de physique à deux pionniers de l’intelligence artificielle a suscité de vives réactions dans le milieu scientifique. Sabine Hossenfelder, théoricienne en physique et youtubeuse allemande, a exprimé son mécontentement dans une vidéo ironique. Elle y déclare : « Si vous doutiez encore que la physique soit en crise, le fait que le Prix Nobel de physique soit attribué à des informaticiens devrait vous faire réfléchir. […] Les réseaux de neurones, c’est de la physique ? Eh bien, ils fonctionnent sur des ordinateurs qui sont faits de puces, lesquelles sont faites de particules, ce qui est de la physique. Alors bien sûr, les réseaux neuronaux relèvent de la physique dans un certain sens. Mais avec ce type d’argument, tout est physique, y compris la recette secrète des biscuits de votre grand-mère qu’Elsevier devrait s’empresser de publier ! […] Maintenant, excusez-moi, je dois vous laisser et pleurer tranquillement dans mon manuel de mécanique quantique.
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Une méthode seulement empruntée à la physique
Jean-Gabriel Ganascia, professeur d’informatique et philosophe à Sorbonne Université, partage également ses doutes. « J’ai été assez soufflé par l’annonce du Nobel, souligne-t-il. Il y a plein d’autres choses en physique qui sont incroyables. On voit bien que le Comité Nobel a pris soin d’établir un lien avec la physique dans ses attendus, mais il est logique que ce choix soit discuté parce qu’il ne s’agit pas d’une découverte au sens de la physique, mais d’une application de la physique à autre chose. Ou plus précisément, de l’application de formalismes mathématiques créés pour la physique.
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Une reconnaissance controversée
Anders Irbäck, professeur de physique théorique à l’Université de Lund et membre du Comité Nobel, reconnaît que ce choix a suscité des interrogations. « Si l’on considère l’ensemble du domaine [de l’IA] qui existe aujourd’hui, il y a effectivement de nombreux éléments qui n’ont aucun lien avec la physique. Mais ce que nous voulions récompenser, c’était un travail original, un travail important dans le domaine, réalisé à l’aide d’idées et de méthodes physiques. »
Un choix qui marque l’histoire
Ce choix est inédit dans l’histoire du Prix Nobel. En effet, jusqu’à présent, aucune récompense n’avait été attribuée pour une application des méthodes de la physique à un domaine différent. Cette décision soulève des questions sur l’interprétation des vœux d’Alfred Nobel, qui stipule que le prix doit aller à « la personne qui a fait la découverte ou l’invention la plus importante dans le domaine de la physique ». Bien que l’IA soit largement utilisée dans les recherches en physique, elle n’a pas encore conduit à des découvertes majeures dans ce secteur, contrairement à d’autres domaines comme la biologie.
Le Prix Nobel de chimie et l’IA
À titre comparatif, le Prix Nobel de chimie de cette année a été décerné à des chercheurs pour leurs contributions significatives, y compris le développement de l’outil AlphaFold 2, qui a permis de résoudre un problème de biochimie vieux de cinquante ans : la prédiction de la forme des protéines. Cette avancée majeure a déjà permis de cataloguer plus de 200 millions de protéines, un outil essentiel pour la recherche de nouveaux médicaments et le développement de procédés chimiques durables.
Réactions au sein de la communauté scientifique
Les experts du domaine ne manquent pas de réagir à cette décision. Alors que certains saluent l’importance de l’IA dans la recherche moderne, d’autres remettent en question l’adéquation de cette récompense avec les principes fondamentaux de la physique. Ainsi, cette attribution soulève des interrogations sur l’évolution de la science à l’ère numérique et sur le rôle des méthodes issues de disciplines variées.