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C’est une véritable plongée dans les entrailles du Web que nous propose Yishaï Sarid dans *La Nuit du hackeur*, une atmosphère diamétralement opposée à celle du *Poète de Gaza*, qui avait enchanté les lecteurs en 2013, année où il avait été couronné du grand prix de littérature policière. L’auteur israélien, avocat de formation, a un indéniable talent pour nous transporter d’un univers à l’autre tout en nous surprenant à chaque fois.
« Souterrains »
*La Nuit du hackeur* nous plonge dans un monde terrifiant, déjà en partie existant et que nous apprenons à affronter au fil des cyberattaques. Le héros, Ziv, est un surdoué du piratage informatique, un jeune Israélien qui vit uniquement pour son ordinateur, dans lequel il cherche sans relâche *« le chemin vers les souterrains les plus profonds »*. La réalité le pétrifie, lui rappelant constamment une faute qui le ronge de culpabilité : le jour où il a oublié de récupérer sa sœur à la sortie de son établissement scolaire, ce qui a conduit à son agression et à son viol – une épreuve dont elle ne s’est jamais remise. Depuis, Ziv se sent responsable d’elle, d’autant plus que leur mère le harcèle pour qu’il veille sur elle, qui a sombré dans la drogue.
Ziv a été repéré à l’armée par une start-up spécialisée en cybersurveillance, offrant ses services aux États préoccupés par leurs opposants. Son travail *« consiste à identifier les failles dans les systèmes de protection des téléphones et des ordinateurs pour pouvoir les pirater »*. Il peut ainsi pénétrer dans la vie de chacun, partout dans le monde, y compris celle de sa sœur, dont il surveille les moindres faits et gestes. *« Nous avions tous un bon salaire, les soucis du monde ne nous concernaient pas. […] Nous ne disions pas un mot de ce que nous faisions, l’armée nous avait dressés à garder le secret. »* Rongé par la timidité, il est incapable d’aborder une fille. Il est secrètement amoureux d’Iris, une de ses collègues, mais se fige à chaque rencontre. Son unique ami est peut-être son voisin de palier, un vieux monsieur solitaire et bienveillant. Ziv est ainsi un homme seul, dont la souffrance érigée en mur l’empêche de comprendre celle des autres.
Monstre froid
Un jour, un journal publie un article qui provoque un branle-bas de combat dans l’entreprise, affirmant que celle-ci vendrait ses systèmes à des pays non démocratiques, qui s’en serviraient pour traquer des opposants, journalistes ou militants des droits de l’homme. Une contre-offensive s’organise alors. La direction assure à ses employés que l’article n’est qu’un tissu de mensonges. *« Vous connaissez la vérité. Nous aidons nos clients à combattre le terrorisme, la pédophilie, le trafic de drogues et d’êtres humains. Nous sommes du côté des gentils. »* Cependant, le lecteur va rapidement comprendre que ce n’est pas le cas.
Ziv, étant particulièrement doué dans son domaine, est envoyé par son supérieur dans un pays d’Europe de l’Est où le dirigeant cherche à éliminer ses opposants. Là, il bascule dans un monde de terreur, où, fasciné et comme lobotomisé, il collabore sans hésitation, cautionnant la torture et le meurtre. Il devient peu à peu un véritable monstre froid.
Un héritage politique
Yishaï Sarid est le fils de Yossi Sarid, grande figure de la gauche israélienne, décédé en 2015. Ce n’est peut-être pas un hasard si ses romans sont profondément politiques, ce qui est relativement rare chez les auteurs israéliens, souvent plus tournés vers l’introspection ou les tourments familiaux. *La Nuit du hackeur* se révèle être un roman fortement instructif à une époque où les géants de la high-tech prennent le contrôle de la planète.