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Célestin Monga est professeur d’économie à l’université Harvard, aux États-Unis. Ancien vice-président de la Banque africaine de développement et conseiller économique à la Banque mondiale, cet universitaire camerounais a consacré une grande partie de sa carrière aux institutions internationales. Il a coécrit, avec l’économiste chinois Justin Yifu Lin, l’ouvrage *Beating the Odds : Jump-Starting Developing Countries* (« vaincre l’adversité : relancer les pays en développement ») publié en 2017 par Princeton University Press.
Réaction à la suspension de l’aide publique américaine
La décision de suspendre l’aide publique américaine est brutale et traumatisante pour des millions d’Africains dont les vies dépendent des médicaments financés par l’Usaid. Les enfants qui ne fréquentent l’école que grâce à ces subsides et les femmes soutenues par des ONG américaines ressentent également les conséquences de cette mesure. Bien que ces effets soient dévastateurs, il est difficile pour l’Afrique de dicter aux États-Unis comment utiliser l’argent de leurs contribuables. Donald Trump, en tant que président, a clairement exprimé ses intentions lors de sa campagne. La véritable responsabilité doit être attribuée aux élites africaines qui perpétuent le cycle de la dépendance, soixante-cinq ans après les indépendances.
Prévisibilité de la décision américaine
Lors de son premier mandat, Donald Trump avait fait des déclarations controversées sur l’Afrique. Sa réélection ne devrait donc pas surprendre les dirigeants africains. Historiquement, les commentaires et actions de Trump envers le continent n’ont jamais été cachés.
Relativiser l’importance de l’aide
Il est essentiel de remettre ce débat en perspective. En 2023, l’Afrique a reçu moins de 20 milliards de dollars (environ 19,3 milliards d’euros) des États-Unis, et moins de 60 milliards de l’ensemble des pays dits « donateurs ». Ces montants sont dérisoires pour un continent de 1,4 milliard d’habitants. Par ailleurs, l’appui américain représente cinq fois moins que les capitaux illicites qui quittent l’Afrique chaque année. L’idée selon laquelle l’aide publique au développement est cruciale est donc trompeuse.
Impact sur les budgets d’éducation et de santé
Il faut se méfier des illusions comptables. Environ 75 % des budgets d’éducation et de santé proviennent des États eux-mêmes et non des donateurs. De plus, la plupart des pays africains sont liés à des programmes du FMI qui imposent des critères budgétaires stricts, limitant les investissements nécessaires. Cela conduit à une compression des dépenses d’investissement au profit des exigences des bailleurs de fonds.
Gestion des finances publiques et investissements privés
Depuis plus de soixante ans, les institutions financières prônent la bonne gestion des finances publiques pour attirer des investissements. Toutefois, ce discours n’a pas conduit à des résultats probants. Les exemples de pays comme le Ghana, qui, malgré de nombreux accords avec le FMI, se trouvent en défaut de paiement, illustrent cette situation. Ces institutions ne sont pas conçues pour réellement aider l’Afrique à sortir de la pauvreté, mais plutôt pour gérer des flux financiers.
Intérêts des décisions du FMI
Les décisions du FMI semblent davantage servir des intérêts occidentaux. L’industrialisation de l’Afrique pourrait bénéficier à l’Occident, qui pourrait vendre des équipements et technologies. La réussite économique de pays comme le Sénégal, le Nigeria ou l’Éthiopie serait bénéfique tant pour l’Afrique que pour les marchés occidentaux.
Réactions des dirigeants africains
Peu de dirigeants africains ont réagi à la décision américaine. Cependant, certains, comme le président kényan William Ruto et le président rwandais Paul Kagame, voient cette situation comme une opportunité de réduire leur dépendance. L’Union africaine devrait se réunir pour élaborer des stratégies pour financer des infrastructures productives et améliorer l’accès aux marchés mondiaux.
Perspectives de rééquilibrage des relations internationales
Il est difficile d’imaginer un rééquilibrage des relations entre l’Afrique et le reste du monde avec les élites actuelles. Néanmoins, la colère des jeunes en Afrique grandit, et ceux qui ignorent cette dynamique risquent de faire face à des conséquences. La nécessité d’un changement est plus pressante que jamais.