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Obtenir un passeport kirghiz n’a jamais été aussi simple pour les Russes. Depuis presque trois ans, un véritable marché s’est développé autour de la naturalisation accélérée, avec des agences russes promettant un passeport en trois à six mois. Le prix du service ? Entre quelques milliers d’euros et 20 000 euros, selon plusieurs interlocuteurs.
Une réponse aux sanctions internationales
Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, des milliers de Russes cherchent à échapper à la mobilisation, aux répressions politiques ou aux sanctions internationales. Le passeport kirghiz est présenté comme un moyen d’accéder aux “visas dorés” délivrés par des pays qui ont fermé leurs frontières aux Russes. Selon des informations révélées, le nombre de Russes ayant obtenu la nationalité kirghize a explosé : il est passé de 400 en 2021 à plus de 7 000 en 2024.
Les arguments des agences de naturalisation
Sur des plateformes comme Telegram, YouTube et Facebook, les agences rivalisent d’arguments pour attirer leurs clients. Elles mettent en avant la reconnaissance du russe comme langue officielle et la stabilité politique du Kirghizistan, mais surtout les perspectives qu’il offre : selon le Henley Passport Index, le document permet d’entrer sans visa dans 65 pays.
“Tu paies et tu l’obtiens”
Officiellement, le Kirghizistan ne reconnaît pas la double nationalité avec la Russie. Pourtant, certaines agences exploitent des failles juridiques pour garantir à leurs clients qu’ils pourront conserver leur passeport russe. Un employé d’une agence explique que les citoyens nés avant la chute de l’URSS peuvent obtenir la nationalité kirghize via une procédure simplifiée.
Parmi les nouveaux détenteurs du passeport kirghiz, on trouve des personnalités comme Dmitri Zelenin, ancien gouverneur de la région de Tver, et Kirill Kayem, cadre supérieur du centre d’innovation technologique Skolkovo. Ilya Gambashidze, un polit-technologue sous sanctions internationales pour avoir orchestré des campagnes de désinformation au profit du Kremlin à l’étranger, est également mentionné.
Inquiétudes et critiques
L’essor de ce marché suscite des inquiétudes au sein du pays. Des blogueurs russes se moquent de la facilité d’achat de la citoyenneté du Kirghizistan, avec des déclarations comme « Tu paies et tu l’obtiens ». Le député Dastan Bekeshev a exprimé son indignation lors d’une session parlementaire, soulignant que les autorités kirghizes assurent que toutes les demandes sont vérifiées, alors que la corruption semble prédominer.
Un intermédiaire anonyme a révélé que pour mener à bien ce processus, il faut souvent discuter avec les fonctionnaires en charge des dossiers, et qu’un « paiement » supplémentaire pourrait accélérer le processus. Pendant ce temps, les Kirghiz ethniques d’Ouzbékistan, du Tadjikistan ou du Kazakhstan attendent parfois depuis des décennies, alors que d’autres doivent payer pour accélérer leur dossier. Bekeshev a déclaré : « Je suis surpris qu’une personne n’ayant jamais vécu au Kirghizistan puisse obtenir la citoyenneté si facilement, alors que nos compatriotes en sont privés. »