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Dans le village d’Atjeh de Sibreh, situé à une demi-heure de la ville de Banda Atjeh, une ambiance conviviale règne sur le marché. Entre les vendeurs de poulets et les artisans des coiffures traditionnelles, l’odeur enivrante du curry attire les passants. Sous des abris en bois, plusieurs cuisiniers préparent leurs recettes familiales, utilisant du bœuf ou de la chèvre cuisinés dans une sauce à base d’oignons, d’ail, de tomates, de coriandre, de piments, de gingembre, de noix de coco séchée et de lait de coco. L’un des chefs, un homme de soixante ans, mentionne qu’il utilise un ingrédient secret, sans le nommer. « Aujourd’hui, non », dit-il en souriant, tout en remuant une grande casserole de curry de chèvre.
Un ingrédient controversé
L’ingrédient mystérieux en question est le Cannabis sativa, dont les graines et les feuilles sont intégrées dans certaines préparations culinaires. « Si j’en mets plus de quatre cuillères dans cette casserole, oui, nous allons planer », explique-t-il, « mais une petite quantité rend la viande plus tendre et rehausse la saveur ». Des villageois présents confirment cette pratique culinaire, bien que cela reste un sujet délicat à aborder ouvertement.
Une vendeuse d’oignons, tout en tenant une botte d’oignons, mentionne que « c’est bon pour le diabète ». Dans sa famille, la cuisine avec le cannabis est courante. « La plupart des plats familiaux ne vous rendent pas vraiment « high », dit-elle, « juste un peu somnolent ». Les jeunes, comme un autre vendeur d’oignons, avouent même utiliser les têtes de cannabis pour préparer des plats lors de sorties entre amis.
Une culture ancienne malgré l’interdiction
En Indonésie, la culture, la culture et le commerce de la marijuana sont strictement interdits, avec des peines allant de quatre à douze ans d’emprisonnement pour possession. Dans la province d’Atjeh, la loi islamique est particulièrement sévère, mais cette région possède une culture cannabique ancienne. L’historien Masykur Syafruddin explique que les Atjeh avaient déjà cultivé du cannabis avant l’arrivée des colonisateurs néerlandais. « C’était très populaire à l’époque des sultans, non seulement comme assaisonnement, mais aussi comme remède » dit-il, montrant des manuscrits anciens qui en témoignent.
Il souligne que « même dans les marges des textes religieux, on trouve des recettes avec des ingrédients à base de cannabis ». Selon lui, les Néerlandais ont rendu le cannabis illégal dans les années 1920, alors qu’il était auparavant une pratique courante.
Les avantages médicaux et l’appel à la légalisation
Le professeur de biologie Musri Musman de l’université Syiah Kuala d’Atjeh plaide pour la légalisation de la culture du cannabis à des fins médicales, en mettant en avant ses bénéfices thérapeutiques, notamment grâce au CBD. Il évoque également les avantages économiques pour les agriculteurs locaux si le cannabis pouvait être légalement cultivé pour la production de vêtements et de cosmétiques.
Un homme politique local rapporte qu’autrefois, presque chaque ferme possédait une ou deux plantes de cannabis. « La plante de chanvre est un pesticide naturel qui repousse les fourmis et les insectes », souligne-t-il. Malgré les risques, il admet que sa famille utilise également du cannabis en cuisine. « Ma mère laisse sécher les graines sur un tissu à l’extérieur ».
Les rumeurs de plats spéciaux
À Banda Atjeh, des rumeurs circulent concernant des restaurants qui serviraient des « nouilles spéciales » infusées au cannabis, attirant une foule de clients, surtout à l’approche d’un événement sportif national. La police anti-drogue a intensifié les contrôles après que certains clients ont été testés positifs au THC, ignorant qu’ils avaient consommé des plats contenant du cannabis.
Le chef de la police a exprimé son inquiétude sur le fait qu’un athlète pourrait consommer accidentellement de la drogue dans un restaurant et échouer à un test de dépistage. Malgré cela, Atjeh reste un point névralgique du trafic de drogue, avec des saisies significatives de marijuana et de méthamphétamine.
Le passage à la méthamphétamine
Dans un quartier de Banda Atjeh, un mécanicien qui a connu la transition de la marijuana à la méthamphétamine raconte son expérience. « Ma famille cultivait du cannabis, ma mère l’utilisait en cuisine ». Il a commencé par fumer occasionnellement avant de se lancer dans la culture et la vente, profitant de l’absence de contrôle. Cependant, la situation a changé dans les années 1990 avec l’intensification du conflit, rendant la culture de cannabis plus risquée.
Après le tsunami de 2004, il a été introduit à la méthamphétamine, qui a inondé le marché grâce à l’aide internationale. « J’ai été curieux et j’ai essayé », se souvient-il. « L’expérience était complètement différente, intense ». Bien qu’il admette fumer encore occasionnellement de la marijuana, il plaide pour sa légalisation, déclarant que les lois actuelles sont injustes envers ceux qui consomment du cannabis par rapport aux trafiquants de méthamphétamine.
Un chemin semé d’embûches
Selon l’avocat indonésien Aristo Pangaribuan, toute discussion autour de la légalisation des drogues douces est souvent accueillie par une forte opposition, rendant le chemin vers la légalisation très difficile. Les sanctions sévères et la culture religieuse dominent les débats. Récemment, le président Prabowo a libéré un grand nombre de prisonniers, y compris des détenus pour des infractions liées aux drogues, mais le système judiciaire et les lois sur les drogues ne sont pas questionnés.
Ce contexte alimentaire et social autour du cannabis à Atjeh met en lumière les tensions entre la tradition culinaire et les lois strictes qui régissent la consommation de substances dans cette province.